CXXXIX-
les sons pleins des voyelles castillanes,
e~
les nombreuses gutturales
quechuas remplacées aussi par les consonnes de l'alphabet latín,
toute imitation a disparu, et le mot espagnolisé a perdu, pour celui qui
l'emploie, tout son caractere onomatopéique. Pour nous, persuadé que
dans toute langue primitiva l'onomatopée prédomine essentiellement,
nous n'hésitons pas, par cette raison, a pensar que la langue quechua
ne dérive d'aucune autre. Cette seule considération, meme s'il n'y en
avait pas d'autre, nous aúrait déterminé a croire que tous les auteurs
qui ont cherché a prouver que le quechua était dérivé des langue.s asia–
tiques, et notamment du Sanscrit ou du Chinois (
1 ),
n'ont pu que s'éga–
rer. Mais il
y
a d'ailleurs dans le caractere agglutinatif du quechua, et
dans le caractere rhytllmique dont nous parlerons ci-apres, des raisons
décisives de ne l'assimuler
h
aucune de ces deu·x langues.
L'articulation gutturale étant un des éléments princfpaux de l'onoma–
topée, surtout en quechua, nons ponvons tirar de
la
une conclusion qui
ne manque pas d'intérét pour les philologues:
il
est évident que ce ne
saurait etre l'existence des gutturales dans une langue, qui peut lui
d0nner son caractere onomatopéique; mais que tout au contraire c'est
le procédé onomatopéique qui a donné lieu
a
l'emploi d'une grande va–
riété de sons gutturaux, indispensable pour répondre aux besoins de
l'imitation. Il n'est pas moins évident qu'a mesure que les transforma–
tions linguistiques s'operent dans les langues dérivées, et que le carac–
tere onomatopéique disparalt, les articulations gutturales doivent
s'adoucir et disparaitre également a leur tour. Ce changement, s'il
(1)
L'opinion qui donne une origine chinoise aux aborígenes de l'Amérique
.1\Iéridionale est tellement répandue, que .1\Iesa lui-méme a inséré dans
Los
Analc~s
del Cuzco
(tom.
1!,
p. 123) un at·ticle de fond du journal péruvien
El National
(n• du 24 janvier 1867) daus lequel on affirme qne dans une ferme
A
trois lieues de la
ville d'lca, ou l'on voit quelques ruines anciennes, on a trouvé, parmi d'autres anti–
quités, une espece de plat ou d'assiette couverte d'hiéroglyphes et de caracteres chi–
nois qui ont pu étre déchiffrés et compris par les colons chinois employés dans la
ferme. Cet article de journal, dont' l'auteur est inconnu, qui ne cite pas méme le
nom du jenne antiquaire auquel
il
attribue la tlécouverte, et qni enfin avance
que les Chinois ont des hiéroglyphes dans leur écriture, est,
A
notre avis, dé–
pourvu de toute valeur scientifique. Dans le senl but de vérifier par nous-méme
la prétendue parenté du quechua avec le chinois, nous avons pris un professeur
de cctte derniere l9.ngue, et dans le cours de le¡;:ons consacrées uniquement
a
la
comparaison des deux langues, nous aYons acquis la conviction qu'elles sont com.
plétement étl•angeres l'une
A
l'autre.