TAIIIIAGONE. -
JUIN
1811.
bien au midi du continent devait trouver sa ré–
paration au nor<l.
Joseph, quoique clégoulé ele ce tróne, d'ou ses
ycux n'apercevaienl que d'alTreuscs miscrcs , Jo·
seph ne voulant pas non plus d'une sccne de
famillc, qui vaudrait
iJ
Napoléon le nouvcl aban–
don d'un ele ses frcrcs et
i1
lui la vic privéc, dont
il aimait le calme, mais non la moclcstic, Joscph
se paya de ces vaincs promesscs, et rcpartit pour
l'Espagnc, moins chagrin sans doule qu'il n'cn
était vcnu, mais peu cncouragé par les promes·
ses bcaucoup lrop vagues de Napoléon.
En travcrsant Vittoria, Burgos, Valladolid,
il trouva les habitants plus malhcureux cncore
qu'il ne les avait laissés, ne put lcur ricn clire
de rassurant tant sur les provinees de l'Ebre que
sur les aut1·es objcts de leurs préoccupations
habituellcs, leur donna ce qu'on lui avait donné
!i
lui-méme, des promcssesinsignifiantcs, el pou1·
se soustrairc
o
des questions importunes, se hala
d'arriver
o
Madrid, ou tout avait cmpiré dcpuis
son départ. Le seul nvantage récl qu'il cut rap–
porté de Paris, c'était la promesse d'un million
par mois en argent cnvoyé de France. Dcux de
ces millions étaicnt échus. Le premier avait été
consommé a Paris en frais de représcntalion et
de voyage; le sccond devait venir a1•cc des con–
vois militaircs, et n'était pas venu ; l'atlribution
faite a Joseph du quart des contribu lions lcvécs
par lesgénérauxne pouvait ctre qu'une chimcre,
et
comme d'orclinaire il ne reslait que l'octroi
ele Madrid, lous les jours plus appauvri. Aussi
la maison royale, la garde espagnolc, les fo11c–
tionnaires n'avaicnl-ils pas
rc~u
une piast1·0 pcn–
dant l'absencc de Joseph. Par surcroit ele mal–
hcur, l'alTreuse séchercsse qui avail renclu si
mauvaise la récolte de cctle année sur lout le
continent, s'était
fait
sentir enEspagne commc
aillcurs, et le pai11
ii
Madrid était d'unc chcrté
<lUi réduisait Je pcupJc
U
Ulle rérilabJc faminc,
Joscph oc rcnlra done dans sa capilale que pour
y assistcr au spcclaclc leplus tlésolant. 11 manda
ses chagrins
n
París en termes plusamcrs cncorc
que ccux dont sa corrcspondancc élail rcmplic
avant son voyagc. Mais Napoléon, occupé <lcl'ob–
jct qui en ce momcnt absorbait toutcs ses pcn–
sécs, nevoulail ricncnlcndrc, et Ja réscrvc tiréc
cl'llalic, actucllcmcnt en marche vcrs les Pyré–
nées, était Je scul sccours qu'il songrát
a
accor–
clcr
a
l'Espagnc.
Dans l'élat des choscs, le mieux ctit été d'uscr
ele ccllc réscrvc pour consoliclcr la position des
Frun~ais,
el pour formcr, en la réunissantii l'ar-
méc de Portugal, une massc capablc de conlenir
les Anglais, de lcur dispulcr .allernativcmcnt
Badajoz ou Ciudad-Rodrigo, et de les cmpéchcr
de foirc aucun progrCs dans la Péninsule , en
atlcndant que Napoléon cut résolu au Nord
toutcs les qucstions qu'il s'élait promis d'y ré–
soudre. La fatalc expédition d'Anclalousic, que
le maréchal Soult avait clésirée pour clTacci· ccllc
cl'Oporto, et Joscph pour étcnclre son autorilé
royale sur un pays nouvcau, qui nous avait fait
nwnqucr Cadix et Lisbonnc pour Badajoz dont
la conquétc ne clécidait ricn, qui nous avait fait
négligcr 1'objct principal de ccllc gucrrc en dis–
pcrsant inutilcmcnt les
80
millo hommcs qui
cusscnl suffi pour cxpulscr les Anglais, cclleclé–
plorablc expédition aurait clu nous scl'l'ir rle le–
~on,
et si on ne rélrogradait pas de l'Andalousic
sur la Manche, ce qui ccrtaincmcnt cut été le
plus sagc pcndant que Napoléon allail s'cnfon–
ccr dans le Nord, du moins aurait·il fallu s'ar–
rétcr
a
la limite du pays conquis, el s'y établi1·
solidemenl. Le général Suchct aurnit pu conse1·–
vcr l'Aragon, prcndrc mCmc Tarragonc, d'oú
l'insurrcclion catalane tirait ses rcssourccs; le
maréchal Soull aurait pu, sans prcnclrc Cadix,
gardcr l'Andalousie; l'arméc de Portugal enfin,
rcnforcéc par la réscrvc qui arrivait, aurait pu
suivre tous les rnouremcntsde lord Wellinglon
sur Ciudacl-Ilodrigo ou sur Badajoz,pour les fnire
échouer. Mais Napoléon ne l'enlcncluit pasainsi.
Jugcant toujours ks choscs de loin , les sup- ·
posant commc
il
lui plaisnit de les imagincr,
croyant que Joscph ne sollicilail de )'argent
que pour le dissiper, que ses gcnéraux ne récla–
maicnt des rcníorls que par l'habitude de dc–
mandcr toujours au dela de lcm·s bcsoins, il
s'était pcrsuadé qu'cn accordant une parlic de
Ja réscrvc nugénérnlSuchct,cclui-ci,Tarrngonc
prisc , scrait en mesure de conquérir Valencc,
que Valcncc conquisc il lui scrait facile de s'a–
vanccr
YCl'S
Grcnadc, que des lors le maréchal
Soult dégagé de ce cóté scrail lihrc dese porlcr
vcrs l'Estramadurc, et que joint
it
rnrméc de
Portugal rcnforcéc du reste de la réscrrc, il
pourrait contribucr avec tllc
¡,
rcfoulcr les An·
glais
''Cl'S
Lisbonnc. Commc Napoléon ne comp–
lait rappcler la gardc et les Polonais que <lans
le courant de l'hil'er, il pcnsait que la réscrve
cnl1•ant en Espagne ¡, la fin de l'été, on aurait le
tcmps durant l'automnc d'avanccr bcaucoup les
alTaircs d'Espagne, et de conquériI· prcsquc loulc
la Péninsulc, sauf le Portugal , avant que lui–
mcmc parlil pour la Jlussic. '!'clics étoicnt les