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LIVRE QUARANTE-DEuxn;ME. '
:\ se montrer fidelcs quand on prenait Je soin de
les payer. Joseph en avait qualrc ou einq mille
c¡uiservaicntbien,etrestaient audrapeau moyen–
nant qu'on acquillat leur solde. 11 élait évident
qu'avee de !'argent on aurait pu en avoir vingt
ou trente mille, autant qu'on aurait voulu, et
qu'ils seraient devenus d'exccllentcs troupes
a
l'écolc des
l'ran~ais.
Les guérillas mcmcs, vrais
bandits qui ne désiraient que le pillage, se lais–
saient pcu
o
peu attircr par J'ap¡nit ele Ja solde.
On en avail amnistié un certain nombre dans Ja
Manche, aulour de Toledc, rcrs Gua<lalaxara, on
les avait payés et ils s'élaicnt soumis, nvaicnt
mcmc prisdu scrvicc.
Sans doutc aucun deces symplómcs favorables
ne se próduisait pres des foycrs d'insurrcction,
ou les passionsétaient éncrgiqucset persistantes,
oli les Anglnis excitaient et soutcnaient les scn–
timcnts hostiles 11 Ja francc, oli les cspérances
de succes se mainlcnaicnt dans toutc Jcur fcr–
veur , ou Je pillagc surtout était lucratif; mais
aillcurs il en était autrcmenl, el bien que Ja si–
Luation des Francais rt.L cxtrememcnt difficilc
dans Ja Péninsulc,' il cst vrnique la fatigue, trcs–
grandc dans les classcs aisées, immcnsc chcz Je
paysan, l
'abscnce.cl'un but raisonnablc,caree n'en
étail pas un que de rccouvrcr les Ilom·bons de
Marscillc el ele
Valen~•)',
allaicnt déciclcr de la
soumission des Espagnols, si on tcnlail un clcr–
nicr et puissant clfort, siaranl Lout
les Anglnis, si on cmployait
a
ccttc ccuvrc csscn–
tielle .les forces néccssaircs, si on prcnait Lis–
bonnc et Cadix qui pouvaient ctre pris, si on
s'atlachait
it
réprimcr les guérillas sans imitcr
Jcurs ravagcs, si on ajoutait aux forces existantes
les forces que réclamaicnt ces divers objets, si
non-sculemenl on ajoulait ces forces, mais si on
faisait les frais de lcur cntrcticn, si on épa1·gnait
ainsiau pays lesprincipales miseresde lagucl'l'c,
si cnfin on ajoutait 1 ces moycns une dircclion
supérieurc, impossiblc de loin, ce qui vcut dirc
que si on avail consacré
o
l'Espngnc non une
moitié mais la prcsquc tolalitédes rcssources ele
l'Empire, et l'Empcrcur lui-mcmc, il cst
a
pcu
pres certain qu'on ci1t réussi. Une partic scule–
mcnt de ce qu'on préparail pour pénétrcr en
Russie etlt suffi pour tranclier viclorieuscrncnt
la qucstion qu'on avail soulcvée encnvahissant
l'Espagne.
Et
c'cstjustcmcnt
a
quoi Napoléon ne
l'oulait pas se décider! - L'Espagnc, écrivait-il
1 Joseph, medévorerait sije me laissais fairc. -
Parole d'unc inconséqucncc déplorahlc, et qui
dcvait bicntót avoir des suites funcstes
!
Nous
l'avons déjh dit, puisquc Napoléon avait cu le
tort <le lransporler Ja qucstion curopécnnc en
Espagne, il fallait la résoudrc lá oú il l'avait pla·
céc, et ne point chcrcher
il
la résoudrc aillcui·s.
Puisque Ja fortune, le fovorisant encare, mcme
dans ses fautcs, comme si clic cÜL voulu Jui Jais–
scr Je loisir ele les réparcr, lui amcnait les An·
glais sur le contincnl, les Anglais insaisissablcs
sur les mcrs, il fallait
a
!out prix les vaincrc sur
J'élémcnt oú nous dominions, car cux vnincus le
monde scscra1t rcndu. Mais les avoir
11
portéc de
nos armécs et ne pas les battrc, se laisscr battrc
par eux au contrairc, c'était rcnoncer volontaire–
mcnt au presligc de nolre invincibilité sur tcrrc,
et en rcndant au contincnt l'espérance <le nous
vaincre, lui en inspircr la pcnsée! Expulsr.r les
Anglais par un grand effort militairc, soumcttre
les Espagnols par la pcrsévérance et la douccur,
était la doublc t'ichc qu'on s'était imposéc par
l'attcntat de Ilayonne, dont J'accomplissemcnt
cut amené
'.o
fin non-seulcmcnt des affaircs
<l'Espagnc, maisdes alfaircs curopécnncs (autant
clu moinsqu'il y a quclquc chose de fini pour les
dominations exorbitantes) ; et se détourner de
cctte tache ohligée, par dégotit des difficultés,
par dégout surtout <les lentcurs de ccttc guerre,
pour allcr chcrchcr en d'aulrcs lieux une solu–
tion des plus hasardcuscs,
n\'CC
la moitié seulc–
mcnt de ses forces, l'aulrc moitié rcslant en
Espagne pour n'y ricn faire <l'utile, cst une fautc
qu'ou rctrouve partout daos ccttc histoire, qu'on
nr pcut s'empcchcr de signalc1· sans ccsse, car
clic poursuit !'espritavcc In puissance et l'amcr–
tumc d'un affrcux remords.
Lorsquc Joscph, poussé au déscspoir, avait
quitté Madrid pour allcr dcmnnder
¡,
Napoléon
ou une nutre di!'cction des nffoircs cspagnolcs,
ou la facullé de rcntrer dans la vic privéc, bcau–
eoup d'honnctcs gens
a
Madrid,
á
Valladolid, 1
Ilurgos,
il
Vittoria, l'avaicntabordé, et Jui avaicn_t
1
dit : - Yoyezce que oous soufüons et jugcz si
on peut espércr de nous ramcncr avcc un tel
régimc! Nous sommes pillés, incendiés, souvcnt
assassinés par vos soldnts et par ccux qui se <li–
scnt les nótres; nos hicns, nos vies sont ainsi i1
la mcrci des bandits de loutes les nations. Nous
n'cspérons 1·icn du gouvcrncmcnt anarchiqucde
Cadix, du gou,·crncmcnt corrompu de Fcrdi–
nand, el nous nous résigncrions
i1
loul rcccvoir
du vótrc. Mais privés pour 1oujours pcut-ctrc ele
nos colonics, nous sommes menacés cncorc de
l'ctrc <le nos provinccsdel'Ebrc, et on nevcut pas
mcme nous ren<lrc honorable le rctour vcrsvous!