TARRAGONE. -
Jui.
1811.
de quelqucs millions pour paycr ses cmployés et
les Espagnols cnlrés
a
son scrvice, les armécs du
nord faute d'une vinglainc de millc hommes et
de quelqucs millions pour se créer des magasins,
n'arrivaicnl qu'll clre impuissantes el malhcu–
reuses. En un mol, pres de qualrc cent millc
hommcs
dcvcn~icnt
inutilcs faute de cent mille
hommcs el de cent millions
!
lln toutcs choscs les
sacrificcs les plus grands sans le dcrnier qui doit
les compléler, resten! slérilcs
!
Assurémcnt il
était cruel de s'imposcr de tels sacrificcs pour
J'Espagnc, mais pourquoi s'y était-on cngagé? Et
ne valait-il pas micux lui donncr cent millc
hommcs de plus, que d'cn préparcr cinq cent
milie pour la Russic?
Sans doute si les cent mille hommcs qu'il
s'agissail d'ajoutcr avaicnt du dcmcurcr inuliles
comme les quatre cent millc cnvoyés jusqu'alors,
on aurait eu raison de n'en pas sacrificr davan–
tage, mais il était facile de discerner déji1 dans
ccrtaincs provinccs les symptómcs d'une fatigue
donton aurait pu profiter. Le sentimcnt qui avait
soulcvé l'Espagnc avait été violent, unonimc et
légitimc ; ccpendanl aprcs quatrc annécs de
guerre,
a
l'aspcct detanlde sangel de ruines, il
n'était pas possiblc qu'elle ne se demanda! pas
pour qui et pourquoi ellecndurait tanl tic maux?
En cffet, des qu'un pcu de calme se produisait
quelquc part, et laissait place
a
la réílcxion'
comme
ii
Saragosse par exemple,
it
Madrid,
ii
Sé–
ville, et dans quclqucs aulrcs graneles villes, on
se disait que les princcs pour lcsquclson combat–
tail élaienl bien peudignes du dévoucment qu'on
leur montrail; que, danscelte illustrc el auguste
famille de Jlourbon, la branched'Espagnc élait la
branche vérilablemcnl dégénéréc, cclh' qui méri–
tait d'ctre livréc au fer deslructcur <lu tcmps,
car le principal des dcsccndants de Philippc V,
l'honncle el incpleCharles IV, vivait
a
Marseillc
entre leprinccdelaPaix et sa fcmme,aussiesclave
de tous les dcux hors du trónc quesur le trone;
,¡;on fils ainé, prisonnicr
a
Valcn~ay,
demandail
tous les jours au conquéranl qui l'avnit spoliéde
lui accordcr une pl'inccssc du sang des llona–
parlc, el de pcur d'élrc compromis par ccux qui
tcntaicnt de Je délh•rcr, les
dénon~ait
a
la policc
impérialc; etenfin parmi cux tous, pos un rcjcton,
hommc ou fcmme, qui songcdt
¡,
lcndre la main
ii
In nation héro"iquc donl le sang coulait pom·
cux en abondance! Les cortes de Cadix, aprcs
avoirproclamé quelqucs principc; incontestables,
mais bien précoccs pom· l'Espngnc, n'nvaicnt
abouti qu'a une sortcd'anarchie. Elles vivaicnt
il
Cadix dans la miscrc, la discorde et les contcs–
tations pcrpélucllcs avcc les Anglais. Toulcs ces
choscs l'llspagnc les savait, el les appréciail des
que lecanons'éloignaitun momcnt desesorcilles.
Joscph, au conlrairc, élait aux ycuxde lous ccux
quipouvaicntl'approchcr un princedoux, éclairé,
représcntant morJéré de la révolution
fran.~aise,
promctlant et faisant juslement cspércr un gou–
vcrncment sagcmcnt réformnlcur. C'était un
princc nouveau , usurpaleur si on le voulait,
imposé par un nutre usurpalcnr, mais n'était-ce
pas la tradition hisloriquc en Espagne que le
pays fúl régénéré par des dynaslies étrangcres?
PhilippcVn'élait-il pas 1·enu rajcunirl'Espagnccn
rcmpla~ant
les desccndantsdégénérésde Charles–
Quint?
Et
Charles-Quini lui-mémc, quoiquc héri–
tier légitime, n'avait-il pas élé un prince élran–
ger,apporlantlabrillantecivilisationdesFlandrcs
a
l'Espagne, oú il ne rcstait de Fcrdinand et
d'lsabelle qucJcannc
la
Folle? Ne pouvait-on pas
conccvoirdcJoscph descmblahles espéranccs? A
Madrid , oú il élait vu <le pres, on avail fini par
l'apprécier, el par s'apaiscr un pcu
a
son égard.
En Aragou, oú l'on avait le général Suche! pour
rcpréscntantclu nouvcaugouvcrncmcnt, on s'ha–
biluait
a
pcnscr du bien dece gouverncmcnt, et
a
se dirc que, sans la gucrrc, il vaud1•ail cent fois
micux quecelui de l'inquisition, clu prince de la
Paix et ele la reine Maric-Louisc. Sculemcnl
la
guerrc élel'licllc, la miscrc, les incendies, les pil–
lagcs, l'idéc généralcmcnl 1·épanduc quesi Napo–
léon neprcnait pasJ'Espagnc
lou~cnlicrc,
il
prcn–
drail au moins les provinccsdel'Eb1·c, révollaicnt
les Espagnols les plus modérés. Mais il élail facilc
d'apc1·ccvoir
a
Madrid et autour de ce ccnlre,quc
si Joscphavait pu paycr ses fonctionnaires, soldcr
son arméc, In nourrir
Slll'
ses nrngnsinset non aux
dépcns du pays, maintcni1· l'ord1·e et ladiscipline
commc en Aragon, ohtcnir de Napoléon et eles
généraux les rcspccts dus au souvcrain de tout
pays, mais indispensables cnvcrs le roi d'unc
nation aussi fiereque la nation cspagnolc, quesi
on avait pu sUl'tout dissipcr
la
craintc <le voir
cnlevcr
a
l'Espagnc les bords de l'Ebrc, on scrail
parvcnu
U
obtcnir un commenccrncnt de.sou–
mission. Ce scntimcnl produit dans la cap1talc,
ou il se manifcslnit toulcs les fois que les choses
allnient un pcu moins mal, se scrnit communiqué
aux grandesvillcs, oú déja on le voyait pcrcer de
tcmps en tcmps. Chose digne de remarque, les
sol<lalscspagnols, qui dans lcp1·incipc désc1'laicnl
Jorsqu'on les cnrólail auscrl'iccdc Josepli, co111-
mcn~aicnt
soit fatigue, soit jnlousic des guéi-illns,