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LIVRE QUARANTE-DEUXIEME.
'
mis du dehors. Le générnl en avait été informé
;'1
tcmps, avait fcint
de.,
ne pa.s l'Ctrc, avait lnissé
les insurgés s'avanccr nvcc sécurité, puis, sor–
tant tout
il
coup ele ce sommeil simulé, avait fait
rlcs assniltnnts cxtéricurs une vraic bouchcric,
et des conspirateurs de J'intérieur une justice
sévcre. Cet acte de vigucu1-, joint
a
une udmi–
nistration probc et fcrrne, le fnisait 1·cspectc1· et
craindrc. Mais il écrivait qu'il était impossible
de tenir cncorc longtcrnps une aussi nombrcuse
population dans de scmblablcs étrcintes.
L'arméc calalanc,
trouva11t
~
Tnrrngonc une
base solide, des vivrcs, des munitions, des
sc–
cours de tout gcnre fournis par la marine an–
glaisc, et an bcsoin un rcfugc assuré, osait qucl–
qucfois se porler des bords de la mcr oi1 cst
situéc Tarragonc, jusqu'au picd des P)'réuécs,
et, au grand étonncment de lout le monde, elle
vcnait d'intro1luirc des secours clans !'importante
forlercssc de FiguCres, qu'unc tr;ihison, comrne
on l'a vu plus haut, avait fait sortir ele nos mains.
Profitant du momcnt oú les
Fran~ais,
sous le
général Baraguey-d'Hillicrs, n'avaicnt pas cu le
temps cncore d'amcncr assrz de troupes clcvant
la place pour en commcnccr le siégc, M. de
Campo·Ycrclc avait pcrcé notrc faiblc lignc de
blocus, et introduit eles sccours en viHes et en
hommcs dans la fortcrcssc, aux grauds applau–
disscmcnls de toutc la Catalognc.
Nous avons cléja dit quelle était au milicu de
toulcs ces miscres la situalion ele nos officicrs et
de nos soldats, endurant plus de maux cncorc
qu'ilsn'cn causaicnt
a
lcur·s cnncrnis,
qur.lqucl'ois
poussés
a
des
CXCCS
rcgrcttablcs par la VllC des
cruaulés commiscs sur lcurs camuradcs, muis
toujours les moins inhumains desgens dcgucl'l'c
de tout<: nation qui uttaqu<1icnt
011
défendaicnt la
Péniusulc. Les soldats, r¡uand ils avaicnt pu se
procurcr un pcu de g1·ai11 ou quclqucbét<1il dans
ces charnps rcstés incultcs et dépcuplés, quand
ils avaicnt pu se fabriq11e1· qurlqucs cha11ssu1·es
avccla pcnudcsanimaux donl ilss'étnicnlnourris,
étaient prcsc¡uc satisfaits. Les oflicicrs au con–
lrairc, hnbitués el obligés
ll
vivrc uutrcmcnt
pour soulcnir Jn dignité de lcur rnng, suppor–
taicntdc crucllcs soulTranees de corps el c1·cspril.
Fautc de payc, ils n'ayaicnt pas de quoi mcttrc
des bolles
a
lcurs picds. Napoléon, en <ICCordant
pour la solde '• millions par mois, c'cst-:\-dirc
/~8
millions
pnr an, el en
lais~~rnt
au pnys
le
soin
de fournir Je pain, la viandc, le riz, :wait cru
suffire au néccssairc. Mais Insolde sculc nurait
cxigé 165millions pour 1810et18H ,c'cst·il-dirc
plus de 80 millions paran au licu de 48. Sur les
sommcs ducs il avait cnvoyé 20 millionsen ·18'1O,
4.8 en 1811 , c'cst-a-dirc 77 millions au lieu
de ·165. Le reste s'élcvant
u
88 millions, ou était
dcrncuré impayé, ou avait été pris sur le pays au
moycn des gouverncments mililaircs. Quant aux
77 millions cxpédiés par Napoléon, portie avait
été pilléc en routc, parlie avait élé consacrée
[¡
<les nrnrchés cl'urgcncc, ou
n
des réparations
indispcnsahlcsd'nrtillerie, partic enfin était rcstéc
dans ccrtains dépóts. L'arméc d'Andalousic n'a–
vait prcsquc ricn
rc~u ;
clic habitait ecpcndanl
un paysrichc,et si le maréchal Soult arait admi–
nist1·é comme le général Suchct, clic n'eüt man–
qué de ricn. Quant
it
l'arméc de Portugal, con–
damnéei1 faircla gucrrc dans leschamps picrreux
clu Portugal ou de Salamanc¡uc, clic était privée
des choscs les plus nécessaircs 11 la vic. Les uffi–
cicrs faisaicnt pitié
a
voir , et ils soulTraicnt
prcsqucsnnsespoirdedédommagemcnt,car d'une
part l'Empcrcur était loin, et de l'autrc ils n'a–
vaicnt aupresde lui d'autrcs litresque desrcvers,
aprcs s'ctrc conduits pourtant de maniere 11 oh–
tcnir les plus bellcs victoircs. Voila, apres les
cspéranccs c01wucs en ·181O, apres dcux annécs
de nouvcaux combats, aprcs 200 millc hommcs
de rcnforl cnvoyés dcpuis la paix de Yicnne,
aprcs lant de soldals et de généraux sacrifiés,
nprCs tnnl d'illuslrcs renornmécs comprorniscs,
cclles de Masséna, de Ncy, de Jourdan, d'Augc–
rcau, ele Soult, de Yiclor, de Saint-Cyr, voila oú
en était la conquctc de l'Espagnc!
Ccltc funcslccontrécétait-ellc done invincible,
commc une nncicnne tradition luí en allribuc Je
méritc, commc clans son lé¡;itimc orgucil clic se
plait
a
lesupposcr, cornmc l'opinion s'cn
cst~é
panduc <lcpuis la grande invasion tcntée par
Napoléon? D'cxccllcnls juges, ayant horrcur de
lagucrrc
d~Espagnc,
et l'ayanl vuc de prCs,Saint–
Cy1., Jourdan, Joscph lui·mcmc ne le croyaicnt.
pas, et pensaicnt qu'on cút pu réussir avcc des
lllO)'Cns plus complcts, avcc plus de paticncc et
plus de suite. On faisait hcaucoup saus doute,
bcaucoup plus qu'il n'aurait fallu pour un objet
r¡ui n'cilt pas été l'objct principal de la politiquc
impérialc, mais pa1·tout, faute d'un complémcnt
indispensable, les grands moyens ernployés de–
mcuraicnt sans clfct. L'nrmée de Portugal faute
de quarante millc hommcs de rcnfort et de qucl–
qucsmillionspom· s'équiperet senourrir, l'nrméc
d'Andalousic fautc de vingt-cinq mille hommcs,
fautc de matclots , de munitions et d'une flottc
c¡ui était oisive
a
Toulon, la COlll' de Madrid fautc
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