LE CONCILE, -
AODT
1811.
59
manifestée dans le clergé, et lui avail <léclaré
claircmcnt qu'il était l'opprcsscur du ponlife :
elle avait de plus trouvé millc éehos <lans les
ereurs
!
JI
se consolait en se flallant que bicnlót
on lui rapportcrait de Savone sinon le <léeret
lui-mémc, au moins l'institulion eles vingt-sept
prélats nommés, ce qui suffisait pour remellrc
au eomplct l'Églisc de France, et pour lever les
difllcultés qui en gcnaient l'adminislration.
Quant
a
la queslion de prineipe, il vcr·rait plus
tard
a
s'en tirer comme
il
pourrait. D'ailleurs en
ce moment loules les questions matériclles, mo–
rales, politiqucs, mililaircs, se résurnaicnt pour
lui <lans une sculc, cellc de la grande gucrre <lu
Nord. Vainqucur une dernicre foisde la Hussie,
qui semblait scule, sinon luí lenir tete, elu moins
contcster quelques-unes de ses volonlés, il abal–
trait en clic tous les gcnrcs d'opposil.ion, publics
ou cuchés, qu'il rcncont1·ait cneorr. en Europe.
Que scrait alors ce pauvrc prétrc prisonnicr, qui
lui ••oulait disputer Home? Hicn ou prcsquc
ríen, et l'Églisc, commc clic avait fait lant de
fois, reconnaitrait la puissancc de Césa1'. Le
concordat de Fontaineblcau, obtcnu mcme au
rclour de Moscou, prouve que, si Napoléon
s'aveuglait souvent, ce n'élait pas en cetle occa–
sion qu'il s'avcuglait le plus.
Lescardinaux et les prélats désignés partircnt
done pour Sayone, et luí, cnnuyé elecclte
que–
rellede prétres,
comme il l'appelait dcpuisqu'il
s'était mis a mépriscr leconcordat' sa plus bcllc
ccuvre,
il
rcvint tout
cntier
it
ses grandes afTaircs
politiqucs et rnililaires.
Quoique privé de journaux libres, du moins
en France, le public curopécn suivait avec une
attcntion curieuse et inquiete la brouille déja
fort retentissanle de l'ernpcrcur Napoléon et de
l'cmpercur Alcxandrc. Tanlót on disait que la
guerrc était inévitablc cL scraiL prochaine, que
les
l'ran~ais
allaicnl passcr la Vistulcet les llus–
scs le Niémen, tantót que la querelle était
apaisée, et que chacun allait se retirc1· fort en
de~a
de ses frontiercs. Surtout dcpuis l'arrivéc
de M. de Caulaincourt
a
París, de M. de Lau–
riston a Sainl-Pétcrsbourg, on semblait cspercr
que la paix scrait mnintcnuc. Les csprils sngcs,
a
quclquc pays qu'ils appartinsscnt, ne sachant
quelle serait l'issue d'une nouvclle luttc, ccrtaius
en tout casque des torrcnls de sang coulcraicnt
souhaitaicnt la paix ardemrncnt, et applaudis–
saicnt
a
tout ce qui en présagcait le maintien.
Muis les mouyemcnts continucls de troupes du
Hhin
a
l'Elbc n'étaienl guerc faits pou1· les ras-
surcr, et détruisaicnt le bon cffct des bruits
pacifiques qui avaicnt circulé depuis dcux ou
trois mois. Les amis de la paix n'avaicnt que
trop raisond'clrc inquicts, cor Napoléon, résolu
1 différcr la gucrrc, mais toujours <lécidé
á
la
faire, avait continué ses préparatifs, en prenont
sculcment Ja précaution de les dissimulcr asscz
pour ne pas amcner en
t
8H la ruplure que
dans ses colculs
il
ne souhailait que pour1812.
Ainsi, par excmplc, apres avoir retardé d'abord
le départ des quatricmcs et sixicmcs bataillons
du mnréchal DavousL, eL les avoir rctcnus au
dépót, il ·s'était ravisé, et, pcnsant que nullc
part ils ne se formcraient micux que sous cct
insLructcur vigilant cLsévCrc, il les avait nchc·
rninés sur l'Elbc. Orce n'étaicnt pas moinsque
trcnlc-dcux balaillons expédiés a la foisau dela
du Hliin, ce qui ne pouvait gucrc se cachcr.
Pour opposcr a cet cffct trop frappanl un cffet
conlraire, ilavaitordonné de ramencr enarricre
dcux bataillons westphalicns, qui allaient com–
plétc1· la po1'lion allemandc de la garnison de
Danlzig, el avait rccommandé de fairc grand
bruiL de c(mouvcmcnt rétrograclc, et de dire,
quant aux balaillons
fran~ais
en roule vcrs
l'Elbc, qu'ils ne faisaicnt qu'acbcvcr une marche
dcpuis longtcmps commcncéc. Disposant des
journaux
fran~ais
et d'une parlic des journaux
allcmands, il pouvait bien ainsi aLuser un mo·
mcnt le public, mais des ccntaincs d'cspions
russes de loulcs les nations dcvaicnt bicntól ré–
lablir la vérité, et mCmc cxagércr les faits en
scns contrairc.
Aussi le cabinct russc ne s'y élail-il pas
trompé, et l'cmpcreur Alexandre avait dit
it
M. de Lauris!on qu'a la vérité dcux bataillons
allcmands rétrogrndaicnt, mais qu'cn mCmc
tcrnps plus ele trente bataillons
fran~ais
s'avan–
gaicnt de Wescl sur llambou1·g. " Toutcfois,
avait ajouté l'cmpcrcur Alexandrc, je ne veux
pns étre en arricre de l'cmpcreur Napoléon sous
le rapport des manifestations pncifiqucs; il a fait
1·étrogracler dcux bataillons, et rnoi jevais fairc
rétrograder une division." 11 avait cffcctivcmcnt
un pcu rapproché du bus Danubr. !'une des cinq
divisions qu'il avait d'abord rcportécs sur le
Dniépcr pour lcs transportcr en Polognc. ll faut
rcconnaitre qu'cn cctt.e circonstance sa sincérité
commen~ait
a
valoirccllede Napoléon,cnr,ayant
trop diminué ses forces dcvant les 'l'urcs, il scn–
lait le hesoin ele les augmcntcr en ramcnant sur
le Danubc !'une des divisions qu'il en avait
éloignécs.