LE CONCILE. -
JUILLET
1811.
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la face de Napoléon, tout pri:s de son palais, et
sous sa main rcdoutable !
lci le cardinal Fcsch, recouvrant un pcu ele
préscncc d'csprit, déclarc qu"il csl impossible de
clélibérer dans l'étal oú se trou1·e le concilc, et
remct au lendcmain le vote définitif sur le sujct
en cliscussion. On se sépa1·c,
a
peincjoycux d'un
cóté, vivement indigné de l'autrc, troublé de
toutcs pnrts, et généralcmcnt tcrrifié, ne com·
prenant pus le sentirncnt irrésistible auquel on
vicnl de céder.
Bien qu'il n'y cut ni public, ni lribune, ni
journaux, millc échos uvaienl déja porté
a
Trianon, ou résidait l'Empercur, la nouvcllc de
cclte séance. Le duc de Rovigo, l'archc"équc de
Mulines, lecardinal Fcsch, s'y étaicnt renclus. En
apprcnant ces clétails, Nupoléon avait
Cl'll
voir
se lcvcr dcvant fui la révolution lout cnticre.
Que n'y voyait-il qnclquc chose qui était bien
la
révolulion, muis la révolulion cluns ce qu'cllc
avait de meilleur, c'c>t-i1-clircl'opinion publique,
éclalant
it
son
i11su
1
malgré clic enquclqucsorle,
et lui rcproclwnt non de vouloir ,1Jfra11chir l'Élat
eleladominalion de l'Église, mais d'opprimcr les
conscienees, et surloul de torlurcr un pontifc
vénérablc, autrcfois son ami, son coopératcur
cluns ses plus bcllcs ocuvrcs, de le trainer de p1·i–
so11 en prisoncommc un crimine!d'État !Que n'y
voyail-il ccttc legon fruppante, c'est qu'il
11c
pou–
vait pas réunir quclques hommcs, quclques vicux
prétrcs, faiblcs, lremblants, é•rungcrs
a
tout des–
sein politique, sansqu'ilsfusscnt amenés, une fois
réunis,
3
éclatrr, el
i1
prononccr contrc ses acles
une éncrgiquc répróbation ! Assurément il y
avait despréjugés, de pctitcsvucs, de mcsquincs
doctrines théologiques, des foiblesscs cnfin chcz
les mcrnbrcs de ce concile, mais lcur émolion
élait honorable, et clic clécelait un grand foit,
la liberté rcnaissant snns le vouloir, "snns le
saYOir, et, ce qui était plus extraordinairc,
rcnaissnnt chcz de vicux prCtrcs, victimes et
ennemis pour la plupart de la révolulion fran–
~aise,
et n'ayant·aucunc intcntion d'cn rcpro–
cluirc les désordrcs!
Napoléon ne vit dans tout cela c¡ue ce que
pouvait y voir le dcspotismc, In néccssité d'cm–
ployer la fo1·ce pour mTétcr des manifcslations
déplaisantes, commc si on supprimait le mal en
atlac¡uant les clfcts au lieu de la cause. Napoléon
traita son ancle fort durcmcnt, lui reprocha ses
faiblcsscs, ses illusions, lui fil mcme cornmcllrc
une grave imprudcnce, cclle de toul rcjctcr sur
les évcr¡ucs de Troycs, ele Tournai, ele Gand,
qui avuient élé fort incommodes dans la commis–
sion,irnpruclcnccdurcstccommisctrCs-innoccm–
mcnt, puis
fil
rédiger sur-le-charnp un décret
pour prononccr la dissolution immédialedu con–
cilc, et donna eles orelrcs de fa dernii:re violcncc
c¡uant aux inrlil"idus qui avaicnt été les chefs ele
l'opposition. L"évcquc ele Tournai (M. d'llirn)
pour avoir rédigé le rapport dans le plus ·mau–
vais esp1·it, l'évcc¡ue de Troyes (M. de Bou–
lognc) pour l'avoir si mal retouché, l'évcquc de
Gaud (M. de Broglic) pour avoir plus qu'ancun
autrc mcmbre inilué sur la cornmission par son
nuloriLé moralc, furcnt désignés commc les prin–
cipauxcoupables, et comrne devant ctrc les pre–
miCrcs victimes de
cellc
cspCce d'insurrcction
épiscopale. L'archcvéquc de llordeaux arait hicn
mérité aussi cctlc dislinction; mais un ccclésias·
tique réccmmcnt nommé
á
l'évcché de Metz el
jouissant de la confiance du gouvcrnemcnt,
M. Laurent, fit valoir la surdité et le défaut cl'cs–
prit du prélat, et
s111·
ses sagcs instanccs on se
contenta de trois victimes. Por ordre deNapo–
léon, le
el
uc de Hovigo les fit arrcler dans In
nuiL, et condui1·c 3 Vincenncs, snns jugcmcnl,
bien c11tcndu, sans mCrnc aucunc explication.
C"était au public
il
comprendrc pourquoi, el
a
cux
3
se soumcltrc.
Lelendcmain on apprit, muis sans grand éclat,
gr;ice
il
la privntion ele toutc publicité, que le
concile était di>sous, et que trois des principaux
prélats élnicnt envoy1's
a
Vinccnnes. Dans le
clcrgé surtout on était fort sensible:\ ces acles
cxtraol'dinaircs, mais malhcurcuscmcnt il fout
ajoutcr qu'on élait aussi clTrayé
qu'indigné.
Les
partisans du gourcrncmcnt, pour cxcuscr ces
rigucurs, disaicnt bien has, de pcur de provo–
qncr des clémcntis, c¡u'on avait trouvé les trois
prélnls compl'Omis dans une trame ténébreuse,
cclle qui avait valu
a
Al.
d'Aslros son emprison–
ncmcnt, et
a
M. Porlalis son exdusion du con–
seil d'État. Du reste on n'avait pas grancl'peinc
a
lenir tete
a
la majorilé du concilc, car ses mcm–
bres trcmblaicnt prcsque lous, et chcrchaienl
bien plus
11
sc justifie1• qu'ii récriminer. Séparés
d'ailleurs les uns des autres par l'acl.c de disso–
lution, ils n'araicnt plus la force qu'ils puisaient
dans Jcur réunion, et se trou\'aicnt JirrCs
l
lcur
ti111idité indil'iduclle. Parmi les plus clfrayés el
les plus cnclins
a
dcmander lcur pardon, on
rcncontrait les ltalicns, considérant tout ceci
comnic une querelle qui ne les rcgnrdait pas,
qui se passait entre l'Église gallicancet Napoléon,
et ne voul11nt pas, apri:s avoir conservé lcurs