LES COHORTES. -
MARS
1815.
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il oc voul•il pas dirc tout de suite it l'Autrichc
l'espece d'Europe qu'il projetait, de peur qu'clle
ne reculat <levan! de si étrangcs propositions.·11
songeait
a
lui dirc simplement : Faitcs montrc
de vos cent mille hommcs en Silésic, sur le flanc
des coalisés, montrez-les mcmc sans les fairc
battre; moi,jc me battrai pour tous,jc rcjettcrai
Russcs el Prussicns au dela du Niémen, et pour
prix de ce servicc, je vous dooncrai la Silésic,
plus un million de Polonais, sans préjudicc de
l'lllyric!
Voili1 ce qu'il voulait d\i·e, et ce qu'il cspérail
faire écouter. Mais, outre l'inconvénicnt de se
ll'Ompcr sur ce que l'Aulrichc désirait, il
y
avait
clans ccttc conduitc l'inconvénient cxtrCmemcnt
grave, que nous avons
déj1i
signalé, de
l'intro~
duire plus ayant qu'il n'aurait fallu daos les évé–
nements, de lui donner une imporlancc da11gc–
reuse, de lui fouro ir le prétextc d'armcr, le
moyen de cbanger son rólc d'alliée en cclui de
médiatriee, et bientót peul-étre en cclui d'enne–
mic, si nous ne voulions pas subir lesconditions
de sa médiatiou ; de lui aplanir ainsi nous-mcm s
le cbcmin par lcqucl elle pouvait passcr sans
déshonncur, presque sans embarras, de l'élat
d'nlliance étroilc
t\
l'élat de guerrc avcc nous.
Napoléon entrait done enpicio dans cettc fautc,
et il y entra bien davantagc cncorc par le cboix
du pcrsonnage chargé d'allcr foirc prévaloir ses
iclées
a
Vicnnc. Nolrc ambassadeur auprcs de
celtc cour était M. Otto, jadis umbassaclcur i1
Berlin, hommc sage, modestc, ne ''isant jamais
a
agrandir son rólc, et vraimcnt fait pour résider
aupres de lacour d'Aulriche, si on avait cherché
a
bien vivrc avcc clic, sans lui !aisscr prendre
¡,
fa
politiquc du moment plus de 1rnrt qu'il ne
convcnait. Napoléon ne le jugeant ni asscz in–
flucnt, ni assez clairvoyant, s'occupa de lui lrou–
ver un succcsseur, et cboisit M. de Nnrbonnc,
dont nous avons déja rapporlé la tardivc mais
clrnleureusc adhésion
á
l'Empirc. Patriolc de
1789, ancien ministre de Louis XVI, ne dés–
avouantriende cequ'il avnit
été,
grnnd scigncur,
militnirc instruit, hommc
a
talenls brillants et
Yariés, doué de beaucoup d'a-propos et de griiee.
M. ele Narbonnc était mcrveillcusemcnt proprc
a
réussir auprcs d'unc cour arislocralique, élé-
1Nupoléon!tSaintc-llélCue a1léploré
lechoixdcM.deNnr–
bo1111c, et cn re111lanljusticc aux r:wcs talents, tn1 2Clc 1lecct
ambassadcur, a
<lit
que
pnrse~
quatités mCmcs
il
nvnit
été
funcstc, en poussnnt troptól l'A11ll'icl1eU jctcrlc mns1p1e.
IJ
est bien \'rni que M. de Narbonnc ful pcut-CIL·c 'tropclrti1·–
\'oyont et trop cntrcpre111111t
fi
Viennc;
mai; on vavoirqu'il
gante, sacliaut unir !'esprit du monde i1 celui des
alTaircs. Mais il n'élait pas homme
a
se teuir en
de~a
de son rólc, el il cüt t'lé plulót cnclin :\
allcr au dela. M. de Mettcrnich, tout habilequ'il
était, dcvait avoir de la peine
u
é~happer
h
sa pé–
nétration et
n
ses vires instanccs, etpour un rólc
actif, on ne pouvait pas souhaiter un mcillcur
agenl. ta qucstion élait loujours de sni•oir s'il
f'allait Ctrc
a
Vienucaussi rcmuant qu'on s'apprC–
lnit
n
l'étre '.
Napoléon choisil done AL de Nadio1rnc pour
son arnbassadeur, et il était si pr<:ssé de l'expé–
dicr, cju'il n'allendil mcme pas le princc do
SchwarzenbeJ'g, chargé <l'apportcr
a
Paris les
vucs de In cour cl'Autriche. 11lui impo1·tnit assez
peu en cffcl deconnailrc les vues deccllc cour,
puisquc,
n'en
t.cnant aucun comptc,
il
\'Oulnit lui
inculquer les sicnnes, et cl'nilleurs M. tic Nar–
Lonne ne pouvait pas arriver lrop tót, la cam–
pagne
dcvnnt s'ourrir sous
pcu
de
jou1·s.
N:.ipo–
léon ne!ni dit pns lout d'abord quclle Enropc on
fcrail.
a
ln pnix; il ne lui <lit c¡ue In prcmicrc
parlic de son sccrct, e'est qu'il fallait que l'Au–
lrichc porl:it ses cent mille hommcs sur les vcr–
sanls de la Silésic, qu'cllc
somm~t
les eonlisés de
s'arrCtcr,
ce
qu'ils
ne
fcraient probablcment
pas,
c1u'alors clic les prit en flanc, pendant qu'il les
prcndrait en tete, et qu'ellc acccplitl pour prix
de
la
vicloire communc, la Silésic et une por–
tion do InPolognc, avce l'lllyric. - M. de Nnr–
bonne partit avec ces propositions.
Napoléon ayant oblcnu loutes les levécs qu'il
désirait,
el
dirigé
sa
diplomalic
commc on
vicnl
eleJe
voir, s'npprCtait
enfin
a
entreren
campngne.
On était
i1
la fin de mars1815. Ses divcrscs créa–
tions
rnilitnircs
avan~aienl
rapidcrnent, gr:lee
h
son irrésistible aclivité. Sa cavalerie scule le re–
terrniL ,
ca1·
clic
n'nvait
JK1s
été
réorgnnisée
aussi
vitequ'il J'nuraiL roulu.
Néanmoins
il se
prépara
a
partir au milicu d':wril
1
impaticnt qu'il était
ele rénliscr
le
bcau plan de cam1rngne qu'it avait
COll~U.
11 arrcta pour cela Sl'S dcrniCrCS disposi–
lions. 11adrcssa c¡uclques reproches au prince
Eu3Cnc pour avoir
réLl'og1·nclé
t.rop vite et
trop
loin, non
pns
qu'il
rcgrclt<it
les
pns c1u'on lnissait
foirc aux conlisés , car, nu contrairc, il désirait
qn'ils vinssent se placer le plus pres possible de
étoil bienmoinseoup:iblc <fne scsinstrnclions,elquc la faulc
lrCs-réclle 1¡ut: Napoléon, <lébarrasséñ S;1inle-llCJCuc
de
tou3
sespréjugés, apcrcc,·aittrop lard,élailcclle <lugou\'Crne–
mcnl
fran~ais
tl uon pas ccllc de M. de Narhonnc lui-mémc.
La suitede ce 1·écit vnhicntót édairci1·cc poinl d'histoire si
curicuxctsitriste.