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LIVRE QUARANTE ET UNIEME.

lorsque l'abolition du polll'oir temporel neserait

plus qu'une de ces cntastrophcs auxquclles Je

monde s'était si bien habitué dcpuis vingt ans;

sur tous les sccours enfin qu'on obticndrailde lui

pour le mainticn et Ja propagation de

fa

foi,

Jorsqu'on aurait donné satisfoclion

a

son ambi–

tion déréglée. Le pape, touché du ton, du Jan–

gage avcc Jeque! on Jui soumcltait ces conscils,

ne les accucillit point mal, et en raisonna avcc

les envoyés de Napoléon conunc avcc des amis

devant lcsqucls

iJ

s'ouvrait en eonfiance, non

commc avcc les ministres <l'un ad\•crsairedcvant

lcsquels il devait composcr son allitude el son

visage.

11

convint de Ja difficulté de fairc revenir

Napoléon sur ses résolutions; il ne contesta

poinl la durée probable de son cmpirc, sans

toute(ois Je regar<lcr commc impérissabJc, car

il

monlrail qucJquefois sur ce sujcl des doutcs

singuliers, soit que ce fút chcz ce pape aussi

picux que spirituc! une inspiralion de sa foi ar–

dcnte,

011

une ccrlainc lumicrc<Jlli de temps en

tcmps éclairait soudaincmcnt son esprit; mais

en dchors de loutcs ces considérations, pour

ainsi dirc mondaines,

il

manifcsta du point de

vue de Ja conscicncc et de l'honneur une répu–

gnancc absolument invinciblc

a

concédcr ce

•1u'on Jui dcmandait.Allcr siége1·pontificalemcnt

á

Parisélait pour lui un opprobre inacceptable.

"Napoléon,disait-il,veutf'aire du succcsscur des

apótrcs son prcmier aumónicr, mnis jamais

il

n'obtiendra de moi cct ubaisscmcnt du sainl–

siége.

11

croit me vaincrc parce qu'il me tient

sous ses vcrrous, mais

il

se trompe; je suis

vicux, et hicntót

il

n'nura

plus daos ses mains

que Je cadavrc d'un pauvrc prctrc mort dansses

fcrs.n

Allcr se fixcr 1 Avignon,

a

cause des précé–

dcnts qui faisaicnt de ccllc villc une résidencc

des papes pour les lcmps de perséculion, ctil

convcnu davantagc

i1

Pie VII ; mais rcconnaitrc

la déclaration <le 1G82, ce qui était Ja condition

de l"établisscmcnt

i1

Avignon, Iui était, quoiquc

moins odicux que le reste, lrcs·péniblc cncorc,

tout plcin qu'il étail des préjugés romains. 11

répétait sans ccssc qu'Alexandrc VIII, avanl de

mourit", avait prononcé la condamnalion des

p1·opositionsde Bossuct, el r¡uc les rcconnaitrc,

s'y cngagcr, scrait rcgardé commc une faiblessc

arrachéc asa captivité. Toutcfois, entre les pro–

positio11s de Bossucl il dislinguait, et il étail prét

ii

admcttrc cellc qui rcfusail au pape le pouvoir

de rcnverscr les souvcrains tcmporcls en déliant

les sujets de lcur dcvoir d'obéissancc. Mais il

élait rcmpli de scrupulc rclativcmcnt aux au–

trcs, qui établissent, comme on sait, que l'Églisc

n'csl point un gouvcrnement

arbitraire, qu'clle

a ses Jois qui sont les canons, que l'autorilé du

pape, quoique ordinaircmcnlsupérieurc

a

toutc

nutre, rcncontrcccpcndant quclquefois une auto–

rité supérieure

a

la sicnnc, ccllc de l'Églisc

cllc-mémc quand clic est asscmbléc dans les

conciles cccuméniques,

cicst·3.-dirc

univcrsels.

Ces maximcs, qui ne sont qu'un beau résumé de

J'histoircccclésiastiquc, fait par Bossucl, et qui

rangcnt I'Église

a

Ja téte des gouverncments

réguliers et légaux, au licu de la faire dcsccndre

au rang des gouvcrnernents despotiques etarLi–

traircs, agitaicnt Pie Vil, el Je jetaicnt dans un

troublcprofond. "Jen'cntrcprcndrairicn, disail–

il, conll·c

cCs

maximes, j'cn donne ma parole

d"honncur, el on sail que je suis un honnctc

hommc; mais qu'on ne m'obligc pas

¡,

les con–

sacrer par un cngagemcnt formcl de ma part,

car j'aimc micux rcstcr en prison que <le com–

mcttrc uneparcillc faiblessc." Quant

a

rctourncr

a

Romc, memc dépouillé de sa couronnc tcm–

porellc, c'était Je parti qui cut Je plus complé–

tcmcnt salisfuit Pie VII. Rcntrer

h

Rome, sans

nrgC'.nt, sans cour, sans soldats, sans aucun des

honncursd'un souvcrain, lui

ctil

prcsquc scmblé

l'équivalcnt de son rélablissemcnt sur Ja chairc

de Saint Pierre. Mais rcntrer

a

Romc au prix du

scrmcnt c¡ui Je conslituait sujcl de Napoléon, et

le for<;ait

a

rcconnaitrc la spoliation du patri–

mofnc de saint Pierre, étail pour Iui plus im–

possiblc cncorcque tout ce qu'on Jui dcmandait.

" Je ne désirc aucunc dotation, disait-il, je n'en

ai pas bcsoin. On co11testc aux papes lcur pou–

voir tcmporel : qu'on lcur dispute plutót leur

richcssc; mais

quion

ne lcur ótc jamais Rome.

C'cst de Ja qu'ils doivcnt gouvcrncr et sanctifier

les 'imes. Ge n'cst pas JeVatican que je réclamc,

ce sonl les Calacombes. Qu'on me pcrmctlc d'y.

rctourncr avec quclqucs vieux prétrcs pour m'é–

claircr de Jcurs conscils, et de ¡¡, je continucrai

mes fonctions pontificales, en me soumcttant

a

l'autorité de César, eommc les prcmicrs apólrcs,

et en ne faisant ríen pour ébranlcr ou délruire

ccllc autorité. " Le saint papes'échauffoit,devc–

nait éloqucnt, lan<;ail la lumicrc de ses ycux

dOUX Cl Yifs,

a

Ja SCUle JlCl'SJlCCliVCde SC l'Ctrou–

vcr

a

Home, dcpouilléde tout rcvcnu, mangcant

le pain de l'aumóne, et se doutant bien, il faut

ledirc, malgré la sincérilé de son humilité, que

ce pape humiliéscrnit plus puissant qu'assis sur

le trónc de saint Pierre, ticnd1·ait du fond de ses