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LIVRE QUARANTE-SEPTIE!!E.
les raisons morales, poliliques, mililaircs, qu'il
fallait se donner
a
la Russie. On Jui avait dit que
Napoléon était vaincu, qu'il ne pourrait pas
recommcnccr la longue série de ses victoires
;
r¡ue l'Europe, lasscde son joug, allait se soulcver
lout enticre ; que l'Autrichc n'attcndait que Ir.
signal de la Prussc pour se prononccr; que Na–
poléon ne résistcrait point
a
une parcillc masse
d'cnncrnis; que la Frunce d'nillcurs, épuiséc et
dégoutéc, ne lui en fournirait pas les rnoycns;
qu'on débarrasseraiL ainsi le monde de son
oclicusc dornination ; que la Russic, ne voulant
pour ellc-mcmc que ce qu'cllc avail autrcfois
possédé, nllail reslituer la portion du duché de
Varsovie qui avait appartcnu
¡\
Ja Prusse; qu'elle
Jui rendrait en outrc toutcs les pnrties de son
lerritoirc qu'clle parvicndrait
a
rcconquérir, et
prometlait mémc de ne pas poser les armes
qu'elle n'cuL aidé Ja Prusse
it
se reconstituer
cnticrerncnt. C'était la surlout ce qui pouvait
décidcr Je roi Frédéric-Guillaurnc, car il crai–
gnaiL r¡u'aprcs une bataillc pcrdue on ne se dé–
couragc,it, et qu'onne le livruL cncorc, cornrne a
Tilsit,
¡,
la vcngeance de Nnpoléon. En prcnant
l'engagcrnent de ne plus J'abnndonncr, et de
soulcnir une lutle
a
mort, on faisait ce qui
dcvail le plus iníluer sur ses résolutions.
Dcvanl toulcs ces raisons, devant toutcs ces
promcsscs, devant l'enthousiasrne de ses sujets,
il se rendit, en clisant toutefois a ceux qui l'cn–
louraicnt que ce ne dcvait pas ctrc une affaire
d'cnLrainemenL suivic d'un découragcmcnL subiL
commc en
1806,
mais qu'il cxigcait, puisqu'o11
voulait
Ja
gucrrc, qu'on y pcrsévér¡it jusqu'h
cxtinction, et en
y
prodiguant jusqu'ntr dernier
écu et jusqu'au dcrnicr homrnc. ll autorisa done
M. de Hardcnbcrg '" signer Je 28 février un
traité pur lequcl la Hussic s'cngagcait
it
réunir
immédialcmcnt
1
tíO mi lle hommes, la Prussc
80
rnille (chacuncdes dcux puissanccs se propo–
sant d'cn réunir bicntót davantagc),
a
les em–
·ployer contrc la Frunce jusqu'a ce que la Prussc
e1'it
re~u
une constilulion plus conforme
a
son
ancicnnc existencc et
n
l'équilibrc de l'Europc, a
ne déposcr les armes qu'aprcs ce but allcint,
n
fairc tous lcurs elforts pour rnllacher l'Aulriche
ii
la
cause communc,
a
ne traiter
('11
un
mot
que
1lc conccrt, et jamais l'une sans!'nutre. La Russie
Jll'Omcllait en particulicr d'cmploycr ses bons
officcs aupres de l'Anglclerrc pour qu'cllc conclút
un Lraité de subsi1les avcc laPrussc.
Tandis qu
1
ils prcnaicnt ces engngemcnls, le
roi ni Al. de. Hardenbc1·g n'avaicnt cncore osé
s'expliqucrfranchemcntavcc
M.
de Snint-Marsan,
ministre de Frunce, et Jcur embarras avcc Jui
était visible. Au moment ou ils trailnient, J'ar–
méc
fran~aise
avait déja évacué Posen et Franc–
fort-sur-l'Odcr, et s'apprétait a sorlir de Ber–
lin. Elle n'élait done plus
a
craindre, et il y
aurait cu peu de dangcr a cléclnrcr franchcmcnt
qu'on profitait de l'occasion pour refairc la for–
tunc de son pnys, imprudemmcut compromisc
¡,
une nutre époquc. Mais, d'unc pnrt, M. de llar–
dcnbcrg avait assez d'csprit pour comprendre
qu'il allait joucr une partie fort dangcreuse pour
son pays, et le roi assez ele mémoirc pourcn etre
égalcmcnt convaincu, et tant que l'arméc fran–
~aise
n'avait pas rcpassé l'Elbc, ils n'osaient pres–
quc pas avoucr ce qu'ils vcnaient de faire.
M.
de
Hardcnberg était méme si ému, que le 27, veille
de Ja signature du trnilé avce Ja Russie,
il
disait
a
M. deSaint-Marsan: Mais faitcs done quclque
chosc pour la Prussc, etvous nous sauverezd'une
cruclle extrémité
! -
11
était sincere en s'cxpri–
mant de la sortc, et sur le point de prendre un
parti qui pouvait étre ou extrémcmcnt hcureux
oucxtrémemcnt funcstc pour sa patrie, il éprou–
vait les anxiétés d'un bon ciloyen. Le roi, dont
nous ne voudrions en ricn décl'ier l'honnétc
carnctere, fut cncore moins franc que son minis–
tre, et se servant d'unc rose pcu digne de Jui,
fcignit une extreme irritation
i1
l'occasion de
quelques procédés réccnls rcprochés
a
l'nrméc
fran~aisc.
Voici quels étaient ces procédés.
Nnpoléon avait ordonné qu'on pny'it tout ;
mais les Prussicns, abusant de Ja situation,
avaicnt exigé du général Mathicu Dumas, inlen–
dant de l'arméc, eles prix lels, qu'il était impossi–
blc ele les adrncttre. Le patriotisme autorisnit
a
nous rcfuserdcs vivrcs, il n'autorisait pasa nous
les fairc pnyer lrois ou quntrc fois lcur valct11'.
Nnpoléon avait clone cassé les marchés. Uavait
ordonné aussi que les places de l'Odcr s'approvi–
sionnassent comme elles pourrnicot, en prcnant
autour d'cllcs ce qu'il serait impossible d'achc–
tcr. Lesgouvcrncurs
fran~aisdc
Slcttin, Custrin,
Glogau, n'y avaicnt pas manqué, et avaient en–
Jcvé
¡,
quelqucs licues
11
Ja ronde le bétail, les
grains, les bois, tout ce dont ils avaicnt cu
besoin. Enfin le princc Eugcne,
Inou
ses troupes
dominaicnt, avait cmpeché les lcvées en masse,
lcsqucllcs étaient une infraction évidcntc aux
tmités qui liaicnt la Prussc envers la France, et.
limilaicnt l'étcndue de ses arrncmcnts. Ccrtes, i1
cót<i de ce qui s'était passé pcndant vingt ans de
gucrrcs acharnées, guerrcs que Ja Prusse avait