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492

LIVHE QUAI\ANTE-SEP'l'IEl\IE.

sur la Francc, il fallait lui tcnir tele, el Je re–

pousscr, sauf

a

trailer cusuitc, mcmc au prix de

grandes conccssionsauxqucllcs

Ja

Fraucc pouvait

se pretcr saus s'alTaiblir. Ces coucessions, il fal–

lail les accordcr aprcs des victoires, qui rendis–

sent

a

nos armes non pas lcur gloirc, désormais

impérissable, mais un prestige d'illl'incibililé

qu'elles 1•cnaient de pcrdrc. Ainsi fairc un der–

nier clTort, et aprcs cct elTort conclure la paix,

telle éloit l'opinion des hommcs éclairés. Mais

le sort des hommes éclairés cst d'étre rarerneut

écoulés, soit par les princcs, 'SOÍt par les peu–

plcs. La massc de la nalion, jadis si soumise et

trop soumisc

a

Napoléou, élail mainlcuant dis–

posée

u

blarner,

a

murmurer,

a

mal aecueillir,

en un mol, les nouvelles charges donl elle se

voyait meuacée. Les parcnts de ces cnfants qui

sur le champ de bataillc allaient devenir des

hél'os, se plaignaienl avec amerlumc, et dans les

lieux publics s'élevaient haulcmcnt contre les

conscriptions répélécs, contrc les guerres inccs–

saulcs, contrc des conquetes tellement loin–

laiocs, qu'n peine le pat1·iotisme pouvait·il s'y

iuléresser. Plus on desccndait dans les classes

inférieurcs, plus on lrouvait ce senliment pro–

noncé, parce que la souffraucc des appelsy étant

plus sentic, et l'intclligencc politique y étanl

moindrc, on n'y comprcnait pas aussi bien la

nécessilé d'un dernicr et immensc cfforl. Dans

les ruesde París, l'audacc élait devcnueextreme,

eLvraimcnt surprcnante sous un pareil régimc.

Un jeune homme de viugl-dcux ans, atteint par

la conscripliou, s'étanl placé dans le faubourg

Saiul.Anloine sur les pas de Napoléon, qui élait

alié

ii

chcval visilcr ce faubourg, osa lui adrcsser

la parolc, et, malgré le prcstigc qui entou1·ait

toujours sa personnc, lui ti11t le !angage le plus

offensant. La poi ice, ayant voulu l'arrclá, en ful

ernpccl1éc par la foule. Plusieurs fois des jcunes

gens saisis par la police ayant crié qu'ils élaicnt

des consc1·its qu'on cmmenait de force, bien

qu'ils fusscnt le plus souvent de simples malfai–

teurs, avaicnt élé clélivrés par le peuple. L'un

d'cux l'avait élé par les femmes de la halle, qui

1

elles seulcs avaient sufli

ii

désarmcr les agents

de la force publique, peu nombreux ce jour-la

dans le lieu ou Ja scene se passait. Les soldats

malades qui avaient

a

se rendrc de lcurs cascrncs

11

l'hópilal rnililairc, situé

ii

l'une des extrémités

de París, étaicnt obligés de travcrser toute la

villc pour y allcr. On avait vu plusd'une fois les

fcmmes du peuplc les enloure1·, les plaindre,

leur donncr des soins, et cricr que c'étaicnl de

nouvelles victimes de

Bonaparte,

comme on l'ap–

pclait des qu'onétait méconlent

1 •

On le refaisait

ainsi d'cmpcrcur général , et on lui ótait un

sceptre dont il usait sicruellcmcnt.

Ces dispositions étaient plus prononcées en–

core dans les campagncs, quoique s'y manifes–

tant d'une maniere moins bruyanlc, et princi–

palement dans les campagnes ou la conscriptiou

avait cu le plus de peine

a

s'élablii·, comme

cellcs de l'Ouest et du Midi, On comprcnd tout

ce que les récils de Moscou devaient ajouter

a

l'avcrsion pour le service mililairc, avcrsion qui

n'était pas naturclle en France, mais que lacon–

tinuité des guerres et les épouvantables elTu–

sions de saog avaient eommcncé

a

rendre géné–

rale. 'fransportés sous les drapcaux, nos jeuncs

conscrils étaient bicntót les soldats les plus gais

et les plus intrépidcs; mais avant d'y arriver ils

murmuraient, et leurs farnillcsjclaicntles hauts

cris, Le long du !\hin surlout, les récits des

militaires 1·evenant de l\ussie produisaient l'effet

le plus fücheux. On avait enlendu des hommes

appartcnant aux vieux cadrcs qui rentraient par

Mayence,direaux conscrits en routepour rejoin–

dre leurs corps ; "Ou allez.l'ous done? ...

a

l'ar–

" mée?.... Attendcz doneque l'Empereur vous y

" mene lui-meme,et enattendantrelourncz chcz

" vous '···" - Allusionoffensante au départ de

Smorgoni, que beaucoup de soldatsde la grande

armée n'avaient pas encore pardonné

a

Napoléon.

Ace mécontcnlementdes masscs se joignaient ·

de sombres préoccupations, de singulicrcs ter–

reurs. On propageait des bruits alarmanls, venus

cl'écbos en échos de Moscou jusqu'n Strasbourg

et

a

Maycncc. On prétendait que des maréchaux

avaicnt élé pris ou lués , que d'aulres étaient

fous, mourants ou morts. On racontait qu'il y

avait cuun combat sanglant entre la garde impé·

riale et l'armée; on

annon~ait

l'arrivée de bar–

bares féroccs prets

ii

fondre sur la France. En

Jtalie, par cxcmple, ou le mcrveilleux se mclait

11

la pcur, on répandait dans le peuple la pré–

diction d'unc submersion lotalc de la Péninsulc

talienne, et on disait que cettc Péninsule allait

ctrc cnval1ic par la Médilerra11éc et l'Adrialique

sortics de lcur lit. Chcz un peuplc superititieux

cetle absurde rumeur eausait un trouble indici-

' J'cmpruule

ces<létails~dcs

rappot·ls mititaires missous

lcsycux<lcNapoléon.