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LIVHE QUAllANTE-SEPTIÉME.
Pour suffirc
a
ces armcmcnts sans rccourir
a
de nouvcaux impóls, le roi se proposait cl'cxigcr
de Napoléon le payement des fourniturcs faitcs
a
l'arméc francaise.
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avait été convcnu,en efTct,
d'apres le
dcr~icr
trailé cl'alliance, que lecomplc
de ces fourniturcs scrait réglé
a
brcl' délai, que
lepaycment en serait imputé sur les 1,g millions
que clcvait encoi·e la Prusse, et que si le montan!
excéclait ccttc sommc le surplus scrait soldé
comptant. Or les administrateurs royaux csti–
maicnt
a
91, millions la valeur des clcnrécs et
objcts ele tout genrc fournis
a
l'armée
fran~aisc.
C'élaicnt done 1,6 millions i1 rccouvrcr, avcc
lcsquels on pourrait triplcr l'arméc prussiennc,
la portcr de 1,2 millc hommcs
a
120
mille, et en
s'unissant
a
l'Autrichc, fairc écouter des parolcs
raisonnaLJcs de paix, tant aux uns qu'aux autrcs.
La Francc, ele créancicrc étant dcvcnuc débi–
trice, dcvait, en vcrtu des traités antéricurs,
rcndrc immédiatcmcnt les places de Stettin, de
Custrin, de Glogau, et le roi pourrait ainsi se
f.rouvcr établi en Silésic i1 la tete de
120
millc
hommes, lcvés sans qu'il en coulat de sacrificc
au pays, appuyé sur toutcs les places ele l'Oder,
approuvé par les patriotcs qui dernandaient
qu'on arrunt, cxernpt de reproche de la part de
la Francc,
a
laqucllc il offrait de 1·es!er fidclc, si
clic voulait exécutcr littéralemcnt les cngage–
rncnts pris et rcndre
a
In Prussc une situalion
convcnablc. Ainsi au milicu ele ses pcrplexités,
le roi croyant encore Nnpoléon le plus fort, ne
songcait point
a
le trahir, mais prétendait en
etre mieux traité que par le passé, entenclait
l'cxiger, l'obtcnir, et contribucr de
ccllc
maniCrc
a
une pacification générale de laquclle il sortirait
indépendant et agrandi.
JI
avait annoncé l'cnvoi
a
Paris ele M. de
Hatzfcldt, qui était devcnu, avous-nous <lit, !'un
des rarcs amis de laFrunce en Prussc, cnvoi qui
avail pour but d'écarter tout
soup~on
decompli–
cité avcc le général d'York. M. ele Halzfclclt ful
donechargé ele préscntcr au gouverncment fran–
~ais
les propositioassuivanlcs : Lranslalion ele la
COU!'
de Prusse
a
llrcslau, pour y elrc hors clu
théatrc des hostilités; cxtension des armemcnls
prussicns pour micux servir l'allianee; rcmbour–
semcnt de !'argent du pou1· solclcr ces arme–
mcnts; enfin rcslitution eles places de l'Odcr
pour se conformcr aux traités et calrncr !'esprit
public. M. ele Hatzfcldt pouvait avoir
a
s'cxpli–
qucr 11 Parissur une proposition singuliC..c, que
Napoléon en revenan! de Russic avait indirectc–
mcnt adrcssée
a
la cour de Prussc: c'était de
s'unir étroitcmcnt
a
la Fraacc par un licn de
famillc, comrnc avait fait l'Autrichc, et de marier
l'hériticr du trónc ;wcc une princessc
fran~aisc,
laquclle au surplus restait
a
trouvcr. Napoléon
avait doané
a
entcndre qu'cn considération de
ce licn il rcndrait
a
la Prussc une partie de l'é–
tcnduc el de l'indépendance qu'elle avait per–
dues. Mais ce n'était plus le tcmps ou les com·s
de l'Europc pouvaicnt se décider, en considéra–
tion de la puissance ele Napoléon,
a
des alliances
avcc sa famillc. M. ele Hatzfcldt dcvait rlonc évi–
ter avcc soin cl'abo1·dcr ce s11jet, et cléclarer asscz
ouvertement que si les propositions qu'il appor–
tait n'étaient pasacceptécs, la Prusse se eonsidé–
rcraiL commc libre de tout cngagcment cnvcrs
la Francc.
La cour d'Autriche était exactcmcnt dans les
mcmcs perplcxités, mais clic avait, pour en sor–
tir
it
son avantagc, un public moins passionné,
des scrupulcs moins genants, une habilcté plus
grnndc. Aprcs avoir soutenu contrc la Francc
quatrc gucrrcs opiniatrcs, et déployé une persé–
vér:mco de haine bien rarc, soncmpereur avait
fini par croirc qu'il s'élait trompé, et qu'il valait
micux pnctiser avcc la France que s'acharncr
a
la cornbattrc. La conduitc des diverscs com·s ele
l'Europe était rlc naturc
a
lui ótcr !out scrupulc
i1 ccl égnrcl, car la Russic avait acccpté
a
Tilsit
l'alliancc de la France, et ne s'en était pas dé–
goutéc aprcs les événemcnts de Jlayonnc, et la
P1·ussc n'avait
mont.réqu'un rcgrct, cclui de n'y
avoi·r pas étécornprisc. Un grand ministre, M. de
Mcttcrnich, était vcnu de Paris apres la bataillc
de Wagram conseillcr
a
son maitrc d'adoplcr la
politiquc ele l'alliance frangaisc comruc la seulc
bonnc, et en outrc d'y mcttrc sa filie commc
enjcu. L'ernpcreur Franqoisaprcs avoir consulté
ccltc filie,
r.aril était incapablc delacontraindre,
y avait conscnti, el élait clcvcnu le beau-pcrc,
puis l'allié de son enacmi. Se scrait-il clone
t1·ompé cclle fois cncorc, et son ministre avcc
lui? Aprcs avoir reconnu !'un et l'autre les in–
convénicnts de lapolitiquc hostilc, n'auraicnt-ils
abandonné ccttc politique qu'au momcnt juste
ou clic clevcnait bonnc, ctn'auraicnt-ils été sagcs
que hors de saison? lis pouvaicnt, commc le roi
de Prusse et comme M. de Hardeabcrg, se le
clcruanclcr, en voyanL ce qui se
passait,~mais
ils
n'étaicnt pas gens
a
s'en tourmcntcr aulant,
parce c¡u'ils étaientgcns 3 s'cn micux tirer.L'em–
pc1·cur
Fran~ois,
esprit fin, calme et asscz rail–
lcur, et bon pcre aussi, quoi qu'on en ait dit,
n'avait vu dans la calastrophc de Moscou qu'une