LES COHOHTES. -
mm•
1815.
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fournir une excuse en devenant une contrainte.
Mais si cellc fois encore ses sujcts étaient, daos
l'el'l'eur comme en
1806,
si ce Napoléon qu'on
disait vaincu ne l'élait pas, si au printemps
il
reparaissait sur l'Elbe vaioqueur de ses ennemis,
et s'il en finissait de cette Prusse ineor1·igible, et
trailait le ncveu du grand Frédéric comme la
maison de Hcsse, aurait-oo une seule plaiutc
a
élcver? Or , soit crainle de Napoléon, soit
amour·propre de ne s'etre pas trompé, Frédcfric–
Guillaume inclinail
a
penser que la France n'était
vaiocue que pour un moment, et., suivant les
lluctuations ordiuaires d'une ame agitée, quand
il l'avait eru quelques heures, il eessail de Je
eroire, puis revenait
a
eette opinion, el dans
le désordre de son esprit, cédail au fait actuel,
c'est-a-dirc
it
Ja préscnce de trente mille
Fran~ais
a
Ilcrlin.
M.
de Hardenbcrg qui, lui aussi, avait envcrs
la France passé de l'lwstilité
a
l'alliance, élait en
proie
¡,
toutes les pcrplexités du roi lui-meme,
et de plus
a
eellcs qui naissaient de sa siLuation
pcrsonnclle. Si les événcmenLs condamnaicnt
la politiquc de l'alliancc avec Ja France,
il
y
avait
pom· le roi une excuse toute trouvée, celle de
la fuiblesse; mais il n'y en aurait aucunc pour
M.
de HardcnLcrg : on imputcrait sa condnitc
a
l'amLition, et
a
Ja plus basse de toutcs les ambi–
tions,cellcqui pactiseaveclesenncmisdesonpays.
Le premier moul'ement de Frédéric-Guillaume
en apprcnant Ja eléfcction du général d'York,
ful ele se récrier contre un pareil acle. 11 crai–
gnait
!i
Ja l'ois d'etre compromis al'cc
h
France
qu'il redoutnit loujours, et depasscr pour cléloyal,
ce qui Jui coútait Lcaucoup, car il élait 1Taimcnt
honncle, et lenait surtout
a
passcr pour tel. 11
se bata de mander aupres de Jui le ministre de
Frnnce, M. de Saint-Marsan, et ele désnvoucr
énergiquemcnt la conduitc du général el'York.
11 juraqu'il n'était pour ricndauscellcdéfcction.
M. de Saint-Marsan, qui se laissait facilcment
pcrsuaeler par l'acecnt <l'honnclcté de Fl'édéric–
Guillaumc, Jui affirma qu'il doulerait de laparule
de lout le monde avant de doutcr de la siennc,
et alors ce prince fut soulagé, eharmé, et séduit
parccllcde ton tes les flattcrics qui Jui allait Je plus
au eccur, la confiuncc en sa loyauté. Dans son
premicr eotraiocmcnt, il promit de désavouer
publiqucmcnt Jegénéral d'Yo1·k, et de lelrndui1·c
a
une commissioo militairc.
M.
de SainH !nrsan
emporta ecttc promcssc comme une so1·1e ele
trophéc, c¡u'il crut utilc d'opposcr aux
d~cl3111a
tions des euncmis de Ja Francc.
Quandcetledéclarationfutconnue, les patriotes
allemandsfurent fort irrités,s'emporterentcontre
le roi, contre M. de Hardenberg, contre Ja poli–
tiquc du cabiuet prussicn, et allerent répétaot
parlout, com111e jadis nos émigrés, que Je roi
n'était pas libre. Ses ministres Jui dirent qu'il
s'était peut-ctrc trop avancé, et apres al'oir
désavoué le général d'York,
il
refusa de publier
ce désal'eu.
Tandis que daos Bcrlin J'cxaltation des esprits
était extreme, les
Fran~ais
qui gardaienl cctte
eapitale, et qui al'aient Je cccur tout aussi haut
quejadis, r¿pondaicnt aux proposdu patriotismc
allcnrnnd par des propos non moins provocateurs
et de plus souveraincment imprudcnts. Quoique
Augcre;iu, qui commandait
á
Berlin, se montrat
cclle fois plus réscrl'é <¡ucdeeoulume, dejeuncs
officiers dircnt que les
Fran~ais
ne se laisseraient
pas dupcr encore par la Prusse, qu'ils étaicnt
sur leurs gardes, qu'au premier acle de trahison
on 'désarmerait les troupes prussienncs, qu'on
enlcvcrait mcrne Ja cour
¡,
Potsdam, et qu'on
en Gni1·ait d'une puissance toujours infidclc. Ces
propos, qui n'étaicnt que le résultaL <lu langagc
irritant des P!'llssicns, répétés méchamment au
roi, lui inspirerent d'abord de Ja tcrrcur, ¡mis
un commcucemcnt de calcul asscz raffiné. La
peusée d'ahandonner la France ne s'était pas
jnsqu'alors Jll'é;entéc
¡,
son cs¡irit, mais celle de
devenir plus indépcndant d'clle,graceaux événc–
rncnt~,
dcprcndrcuneposiLion inlcrmédiairccntrc
clic et ses cnncmis, et peut-etrc ele contribuer
ninsi
a
une paix nvantagcuse, cctlc pcnséc néc
des circonst.anccs, et aussi, commc on va le voir,
des suggesLions de la cour d'Autriche, s'en1para
tout
u
fait de Frédéric-Guillaumc. Le scul moyca
de Ja réalisc1" c'était, pour Je roí, de quitter Ja
ville de Bcrlin, vers laquclle marchuieot déja
les Russes dans Jcur poursuile, !es
Fran~ais
daos
lcu1· rct1·aitc, el'aller établir sa cour en Silésie,
á
füeslau, par cxcmple, projet qui n'était pas nou–
l'eau puisqu'on l'avait proposé des J'année Jll'é–
céelcnte, d'ystipuler avec les Russcs et les Fran–
gais la neutralité ele ccttc province, et
d'y
attcndre la suite des événemcnts.
11
follait en
ou11·c profitcr de l'occasion pour armcr dans
de g1·andcs proportions. Cette Jemie1·e mesure
dcl'ait
a
la füis pl11i1·e aux palriotcs :dlcmands,
qui se flaltc1·aient de fai1·e tourncr ces armemcnts
contrc In Francc, et lalsscr les
Fran~ais
sans
uuc sculc objn('.tion, car ils
vcn~dcnt
cux-mCmcs
de demander que la Prusse doublaL son
cont.in–
gcnt.