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LIVRE QUAHANTE-SEPTIEME.
luiavait óté l'envie de nous serrer de si pres.
Dans une tclle main ces dix millc hommcs
étaicnt quclquc chosc; mais ils ne pouvaicnt
défendrc la Vistulc, glacée commc toutcs les
rivieresde la Pologuc et de la Prussc, et n'élant
plusdes lors une barriere contrcl'cnnemi. lis ne
pouvaienl surloul pas préservcr d'un a!Tront
Mural et ce qui l'cntourait, si lesRusses de Tehit–
chako!T réunis
a
ceux de Willgenstcin cssayaient
de l'envcloppcr. Mural ne voulut done pas
séjourner sur la Vistule, et se rcndil
a
Posen,
a
égalc distancc de la Vistule et de l'Odcr. Ainsi
toute la Vieille-Prusse, toute la Pologne se trou–
vaient évacuécs, et les places oecupées, nous
avions10mi llehommcsen ligne, IO millehommes
mclés de Napolitains, de Bavarois, et comptant
tout au plus 4 millc
Fran~ais
parmi eux. 11 res–
tait
a
Ilerlin pour contenir l'Allcmagnc frémis–
sanlc, les 18 mille hommes du général Grcnier,
ctladivision Lagrangc, laseule deses quatrcdivi–
sions que le maréehal Augcrcau ctit eonservée
aupres de lui.
Un dernier événement vint encorc accroitre
l'e!Tcrvescencc des populations germaniques. On
avait cu le torl de laisscr une garnisou, en ma–
jcure partie allcmande,
a
Pillau, petite place
maritime qui fcrmait l'enlréedu Friscbe-Ha!T. On
l'avait fait malgré !'avis du mm·éclial Macdonald,
qui ne voulait avec raison se privcr de troupes
•etives qu'eu faveur des places capahlcs de se
défcndre, et conlenant unegarnison oú les Fran–
~ais
domineraient. Pillau ne remplissant pas ces
conditions, s'était en c!Tct rendu, aux grands
applaudissements des Prussicns, et
a
la vive
satisfaction des Anglais, qui s'étaient hatés de
pénétrcr dans leFrische-Ha!Tavcc lcurs uatimcnts
de guerre. Ilientót ils y avaient introduit lcurs
convois marchands, ce qui avait procuré aux
habitanlsdela Vicille-Pl'usse, outre lasatisfaction
patriotiquc d'ctrc délivrés de leurs vainqueurs,
la satisfaclion toutc matériellc, mais fort vivc–
rnent scntic, de recommencer le commcrcc des
denrécs coloniales dont ils avaient été privés si
longtemps.
Les nouvelles, si mauvaises
a
notre gauche,
n'étaicnt pas meilleures
11
notre droite, sur la
haute Vistule. Le général Reynicr et le prince
de Schwarzenberg, ne voyant plus rien
a
fairc
ti
Minsk, s'étaient aehcminés sur Varsovie. Ayant
dans les Saxons de bous soldats dont il s'était fait
estimcr, ayant de plus pour les conlenir les cinq
a
six mille
Fran~ais
de la division Durutte, le
général Reynier aurait voulu se battre, mais
le
princc de Sehwa1·zenberg l'en dissuadait fort,
lui disant qu'on s'a!Taiblirait inutilemcnl engucr·
royant pendan! l'hivc1·, qu'il fallait se rctirer sur
Varsovic, couvrir ccllc capitalc,
s'y
ménnger
des quartiers tranquilles, et y allendre l'arrivéc
des forces que Napoléon ne manqucrait pas
d'amener au printcmps. Tandis qu'il donnait ces
conseils , le princc de Schwarzcnberg se reti–
rait lui-méme, obligcait le général Reynier
a
en
fairc autant, rccevait
a
son quartier général les
officiers russcs, acceptait lcurs politesses sous
prétexte qu'il ne pouvait pas s'eu délendrc, se
laissait parler d'armisticc, en parlait de soncóté,
ne trahissait pas précisément Napoléon dont
il avait négocié le mariage, auquel il devait le
b:llon de maréchal, mais s'attachait avant tout
a
ménager son armée, et voulait cnsuile se tcnir
prct aux divers changcments de politique qu'il
prévoyait de la part dLt cabinet de Vienne. En
mcme temps il couscillait au général Reynic1',
a
M. de Bassano,
it
tout le monde enfin, la paix,
qui était le plus chcr de ses vooux, comme Autri–
chien, et commc !'un des personnages favorisés
de la cour de Francc.
Ainsi, tandis que la Vistulc allait étre passée
su1· notrc gauche malgré les places que nous
occupions, ou devait s'atlendre i1 la voir passer
sur notrc droite,
it
Varsovie mémc, malgré la
présencc du princc de Schwarzenberg, et on
avait
a
Posen pour faire face
a
l'ennemi dix
mille bommes, Napolitains, Ilavarois,
Fran~ais,
sans osrr appeler
a
soi les vingt-huit mi lle soldats
de Grenicr et d'Augereau, qui étaient indispen–
sables
a
Berlin pour contenir la Prusse. La faible
tele de Murat, quelquc brave que fut son creur,
ne pouvait résislcr longlemps
a
une telle situa–
tion. 11 ne rcdoulail pas le canon qu'il n'avait
jamais craint, mais il était dévoré par la passion
de régncr. Millevisionssinistres assiégeaienl son
imagination exaltée. Tantót il voyait les peuples
d'llalie, excités par les pretrcs et les Anglais, se
soulcvant depuis les Alpes Julienncs jusqu'au
détroit de Messine, et renversant les tróncs des
Bonaparte en ltalic; tanlót il se voyait aban–
donné par Napoléon lui-memc, dont il était
médiocrement aimé, et qui, obligé peut-ctrc
it
faircdes saerificcs pour obtenir lapaix, les fcrait
plus volontiers dans la basse que dans la haute
llalic, et plus volonliers cncore dans !'une et
l'autrc llalie qu'en France, Des que ces images
s'emparaicnt de son cerveau, il pcrdaitson sang·
froid, et voulait partir pour allc1· sauvcr cetlc
couronnc, objet de si longs désirs, prix de lant