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LIVílE QUAHANTE-SEPTIÉME.
berg. Les habitanls de cellc villc, commc lous
ceux de
la
Prussc, nourrissaient contrc nousune
haine violente, qu'ils n'osaient manifestcr parce
qu'ils n'avaient pas ccssé de nous craindrc. En
voyant arrivcr nos tristes dCbris, ils n'avaient
pu dissimulcr lcur satisfaction; cepcndant ils
avaicnt supposé que ces débris n'élaient que les
a1•ant-courcurs du corps affaibli et enco1·e sub–
sistant de lagrande arrnéc; mais, en voyant pa–
raitrc Murat prcsquc seul, la garde réduile
ii
11uelques cenlaincs d'hommcs, et puis rien que
des malhcureux égarés, poursuivis sur la glace
du Niérncn par les Cosaqucs, ils n'avaicnt pu
réprimer ni lcur joie ni Jcur arrogance. Les
paysansdans les lieux écartés dépouillaicnt ccux
de nos soldals qui avaient conservé quelque
argent qu'ilsoffraient pour du pain, et quelque–
foismeme les érrorgeaient sans pitié. A Kccnigs–
bcrg mcme, les habilanls se seraient insurgés,
s'ils n'avaicnt élé conlcnus par une des qualrc
divisions d'Augcrcau, la division Heudclct,
laquellc heurcuscment n'avait pas dépassé la
Vicillc-Prusse. Elle était de sept 11
huil mille
hommes, fort jeunes, mais capables de se fairc
respectcr. C'élait la premicrc force organiséc
qu'on eúl rcncontrée depuis Wilna. N'étant pas
sortic commc ccllc du général Loison pour allcr
ii
la rencontrc de la grande arméc, clic n'avait
ni péri, ni mcmc souffcrt. Cclte force protégcait
les douzc millc malades ou blessés prcsque mou–
ranls qui rcmplissaient les hópitaux , el cettc
multitudc de généraux et d'officiers qui étaient
venus, commc les généraux Lariboisiere etÉblé,
mourir
a
Krenigsberg de la fievre de congéla–
tion. Les habitanls de ccltc ville, n'osanl pas
cncore se jclcl' sur nous, se promettaicnL de le
fairc
ii
la premicrc approche des Russes, et en
attendant exlorquaicnl de nos infortunéssoldats
lout ce qui leur restait d'argcnt pour les moin–
dl'es vivrcs ou vCtcmcnts qu'ils lcur foul'nis–
saient. Toutefois parmi ces habitanls de la
Vieillc-Pl'ussc se tl'ouvaient des hommcs pleins
d'humanité, qui, malgré un sincl:re pntriotisme,
rcspcctaient en nous la bravourc malhcul'eusc, et
soulageaient les maux de lcurs oppresseurs. -
Ce n'est pas
a
vous,
Fran~ais,
disaient·ils, que
DOUS enVOUJOnS, c'est
a
l'OtreempcrCUI' qui VOUS
a sacrifiés, et qui dcpuis quinzc ans nous op–
prime tous, vous et nous
! -
Mais bientót un événement d'une extreme
importance vint s'ajouler
o
nos revcrs. Le rnn–
réchal Macdonald ayant avcc lui la division polo–
naisc Grandjcan, ele sept
a
huit mille homrncs,
soldats excellents et fideles, suivi
a
quelque dis–
tancc du corps auxiliairc prussien, avait long–
temps attendu i1 Biga des ordres de retraitc qu'il
n'avait point
rc~us ,
lout comme le prince ele
Schwal'zcnberg avait vainement attendu
a
nlinsk
les ordres qui aul'aicnt dú l'amener
a
Wilna.
Voyant cnfin les Russcs s'avancer de toutes pal'ls,
signe eerlain de notrerctraile, lemaréchal Mac–
elonald s'était mis spontanément en marche pour
se rapprocher de Tilsit. Les Prussiens, eomman–
elés pour la forme par un général tre_s-respecta–
ble, le général Grawcrt, mais en réalité par un
officier plcin ele capacité, d'orgueil, d'ambilion
et de haine pour nous, le général d'York, se
retiraicnt lcntement
a
la suite du maréehal Mac–
donald. Ce maréchal avait voulu hater leur pas,
afin d'éehapper
a
l'ennemi, qui se montrait pres–
sant; rnais, tantót sous un prétexte, tantót sous
un aulre, ils avaient refusé de lui obéir,
¡,
ce
point qu'il en était devenu fort défiant, et avec
bcaucoup de raison, cornme on va enjuger.
Les Russes, apres le passage de la Bérézina,
avaient continué leur mouvernent. Wittgenstein
avec l'armée de la Dwina s'était porté sul'
Krenigsberg, pour tachcr d'intercepter le corps
de Macdonald, tandis que Tchitchakoff avcc
l'armée de Moldavie poursuivait nos débris sur
Kowno, et que Kutusof faisait rcposer
a
Wilna
l'armée prineipale. Les Russcs avaient souffert
autant que nous du froid, mais trés-peu de la
miscrc, et, soutenus par la joie de nos malheurs,
par l'cspérancc de notre destruction, rclenus au
drapeau par des distributions régulieres, ilsarri–
vaient fort diminués en nombre, mais compactes
et plcins d'ardcur. Leur masse totale étail tout
au plus de•J00 mi llehommes, aulieu de500mille
qu'ilsavaient été audébut de la campagne. L'cm·
pel'cur Alcxanelrc i1 la nouvelle de nos désastres
était accouru 11 Wilna, avait comblé de récom–
penses méritécs le maréchal Kutusof, dont la
sagcssc rceonnuc triomphait cnfin de loules les
conlradictions, et avait pris en main la dircction
des événcments, qui allaicnt devenir politiqucs
autant que militaires. Alexandre, en effet, sa- -
clrnnt par des conjecturcs facilcs
a
former, et
par quelques eommunications indirectes de la
Prusse, mcmc de l'Aulrichc, qu'on ne deman–
dait pas micuxque d'ctre affranchi d'une alliancc
acceptéc 11 contre-cccur, ne eloutait pas qu'en s'y
prenant convcnablement, il ne parvint
it
détachcr
de la Francc, sinon l'Autrichc, au moins la
P1·ussc. Aussi, avec sa finesse d'esprit et sa dou–
ceur de ca1·aclcrc accoutumées, adopta+il sur··