J,ES COJIORTES. - n1:cEMnRE !812.
aussi peu senséc que tout ce qu'on vcuait d'cn–
tendre.
JI
était touché, disait-il, des scnlimculs
du conscil d'État. Si la Francc montrait tant
d'amour pour son fils (singulierc asscrtion en
préscnce des effo1·ts qu'on faisait pour obligcr
ccllc Fraucc
a
y pcnscr), c'cst quºellc était con–
vaincuc du bicnfait de la monarchie... Puis
NHpoléon ajoutait ces parolcs famcuscs : - C'est
11 l'irléologie,
1t
cctle lénébrcusc métaphysiquc,
qui, en rccherchant avccsublililé les causesprc–
micres, veut sur ses bases fondcr la législation
des peuples, c'csl
a
l'idéologie qu'il faut allri–
bucr tous les malhcurs de la Francc... C'est elle
qui a amcné le régimc des hommcsde sang, qui
a proclamé le principe de l'insurrcction comme
un dcvoir, qui a adulé le pcuplc en l'appelant
a
uncsouvcrainelé qu'il était incapable d'cxcrcer,
qui a détruit la sainteté et le rcspcct des lois en
les faisant dépendre, non des principes saerés de
la justicc, mais sculement de la volonté d'unc
assemblée eomposée d'hommes étrangcrs
a
la
connaissance des lois civiles, criminclles , admi–
nistratives, politiqucs et militaires... Lorsqu'on'
est appclé
a
régénérer un État, ajoutait encorc
Napoléon, ce sont des principes lout opposés
qu'il faut suivrc... et que le conscil d'État doit
avoir conslammcnt en vuc..•
11
doit yjoindrc uu
couragc
a
loute éprcuve, et,
a
l'cxcrnpledes pré–
sidcnts Harlay et Molé, etrc pret
1t
périr en dé–
fcndant le souvcrain, le tri\ncet les lois. -
Quel spcctaclc que ccllc colore contrc la phi·
losopl1ic, que!spcctaclcdo'nné 8 la nation la plus
intclligentcde l'Europc! Quoi
!
onétait alié com–
promctlrc follcmcnt en Russic l'arrnéc
fran~aisc,
avec l'arméc
fran~aisc
le trónc impérial, et, ce
qui était pis, lagrandeur de la Francc; ons'étail
gravcment trompé sur la néccssité de ccttc
guerre, et sur les moycns de la soulcnir: on
rcvcnait vaiucu, humilié, el c'étail la philoso·
phic r¡ui avait tort! Etait-ce la philosophic aussi,
r¡ui en ce momcnt lenait captif
a
Savonc l'infor·
tuné Pie VII, et qui chaquc jour plongcait daos
les cachots des ccntaincs de prétrcs?
Et
un
hommc d'un prodigieux esprit osait dirc ces
choscs,
a
la facc de la Fraocc et du monde, cu
préscnce des évéucmcnls les plus propres
a
le
confondrc! Te! esl l'efrct des fautcs, et surtout
des grandes1Outrc tout le mal qu'cllcs cntrai–
ncnl, clics onl pour résultatd'óter le
SCllS
a
cciui
qui les a commiscs, a ce point que, dans
l'agi~1-
lioo qu'elles produisent, le génic lui-mcmc ne
semble plusqu'un enfant encolcrc. 11 s'cn prcnd
de ses fautcs
h
ccux a r¡uielles sont le moins im-
co1,suLu.
•i.
putablcs, et qui souvcnt en souffrent le plus.
Mais rien de tout cela n'élait séricux; c'élait
un vain bruit, pour couvrir, s'il élait possible,
l'immcnsc bruil de la catastrophe de Russic;
c'était l'immolation préparéed'un magistrat hon–
nctc, plus surpris que faiblc, et dont le sacrificc
était destiné
a
détourncr l'atlcntion publique
d'autrcs événcmcntsplusgraves. Leconscild'État
fut en effct asscmblé le lendemain memc de ces
puérilcs soleonités, et chargé d'cxamincr lacon–
duitc de M. Frochot. Le jugemcnt ne pouvait
etrc dou.tcux; car, indépcndammcnt du signa!
parli d'cn haut,
il
y avait un reproche mérité
a
adresscr
a
~l.
Frochot, c'était d'avoir si facile·
mcnt obtempéré
a
un ordrc étrangc. M. Frocbot
fut done par chaque scction <lu conseil d'Élat
(pronon~ant
!'une aprcs l'autrc avec une fasti–
dieuse monotonic de langagc et d'idées) eon–
vaincu non pas de trahison, on se luitait d'affir–
mcr qu'il en étail incapablc, mais de défaut de
préscncc d'csprit, et N•poléon fut supplié de lui
rctircr ses fonclions. Sans doutc on le dcvait,
pour l'excmple au moins, car M. Frochot avait
été mal inspiré daus cctle journéc. Mais en toutc
nutre circonstancc le gouverncmcnt, saos con–
sulter le conscil d'État, ctit. prononcé ccttc <lcs–
tilution de sa propre autorité, et sans y joindre
l'humilialion d'un jugcmcnt solcnncl. C'ctil été
une justice suffisantc, et cxemptc ele cruauté.
Napoléon regrctla ccttc cruauté, mais
il
fallait .
occuper les ycux de la multitudc, et lui pcindrc
encoulcurs saillantcs sur une toile grossiCr·c, un
magistral faiblc, pour qu'cllc n'y vit pas un
pharaon iuscnsé pcrdanl son arméc et sa cou·
ronnc au milieu des glaccs de laRussic.
Laissons la· ces tristes sccncs, destinécs par
Napoléon i1détourncr de lui des regards impor–
tuns, et suivons·le daos d'aut.rcs oceupalions
plusdignesdesongénic, et plus proprcs
a
répa–
rcr ses faulcs.
11
fallait rccomposcr son arméc
détruilc, raffermir sa puissaocc ébronléc, etc'cst
encettcoccasionqueses grandcst¡ualités allaient
trouvcr un éncrgiquc cmploi, et jetcr un de1·–
nicr et prodigicux éclat. Le sauvcraient- ellcs
aprCs l'avoir compromis par lcur excCs mCme?
C'était pcu probable, mais possiblc, si une heu·
reuse inconséqucncc ª''ce lui·mCmc
''Cnait
l'or–
rcter au bord de l'abimc. Ce dcvait ctre la dcr–
nicrc phasc de sa vic, et ccrtaincmcnt une des
plus cxlraordinaircs.
,.
Taodis qu'il scmblait occupé des choscs que
nousvenonsde rctraccr,
il
était en réalitéoccupé
sans rclacbc d'un travail plus uoblc, et j•mnis il
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