LtVnE QUARANTE-SEPTIE!IE.
lanl, en tcnant les esprits trop longtemps fixés
sur ce sujct, commellaitune fautc;cnr, s'il n'amc–
nait aucun d'cux 1 le dirc, en les
ror~ant
it
y
rélléchir, it les amenait tous
a
le pcnser.
Ases pressantes qucstions, on répondail en
monlranl des yeux le ministre de Ja poliee, qu'on
semblaitdésigner comme le vrai coupable, com111e
eclui qui dcvait toul cxpier, non-sculemenl Ja
eonspiralion de
~Jalet '
mais pcul-clre mcme la
campagne de Russie. Le due de Hovigo étail 111,
pendanl ccllc matinéc, dans un isolcmenl com–
plct, pcrsonne n'osanl lui parlcr , et tous les
nssislanls s'attcndant pour lui i1 une disgr:\ce
éclnlante. Mnis Nnpoléon, aprcs une réception
généralc el d'apparat, s'cnlretint avcc chacun
en pnrticulier. 11 écouln notamment le eluc de
Rovigo, el l'écoula longtemps, car il avait pour
son courngc, son esprit, sa sincérilé, une sorlc
d'cslime. Le due de Hovigo, hareli et familicr,
avait quclquc ehose de ces servitcurs osés, habi–
tués
1t
ne pas craindre un rnaitre plus grondcur
que méchant, el toujours préls dans l'oceasion
a
lui dirc cequ'il n'aime pas
a
cntendre, et ce qu'il
est ulile de lui foire savoir. Fort maltraité par
les rapporlsmalvcillants du ministre ele laguerrc
Clarke, qui, de pcur qu'on ne s'cn pl'it
1t
lui
d'unc conspiration oú figuraicnt bcaucoup de
mililaircs, avait tout rcjelé sur la policc; :iyant
en outrc i1sa ehargc l'ineielcnt désagrénble de
son cnvoi :\ la Concicrgcrie, il ne se lroubla
point, et,en cnlranl rlans les rlétails, filcompren–
drc
u
l'Empercur commcnt, lout s'élant passé
dans la tCtc <l'unmnninquc audricicux,qui n'avnit
dil son secrct
a
personnc, la policc n':tvait pu
ctrc avcrlic; commenl cct hommc, usant ele la
nouvclle si admissiblc de la morl de Napoléon
tué d'un coup de fcu, nvait rencontré une cré–
dulilé ¡¡énéralc, laqucllc s'était changéc tout
aussihlt en complicilé involontairc; eommenl
des officiers innoccnls, ne supposant pas qu'on
p1"it les !romper 11 ce poinl, avaicnt prcté lcurs
soldats
1t
une imposturc si vraiscmblahlc, el
étaicnt dcvenuscrimincls sans s'cndouler; com–
ment enfin ccux qui avaicnt voulu foi1·c croirc
a
une conspiration forl étenducpour incrimincr la
policc, avaicnt inutikmcnt immolé une douzaine
de victimes. Celle cxplication, qui était l'cxacle
vérité, excusait fort leduc de Rovigo, ne lesau–
vait pas, il est vrai, du rire univcrscl éclatant
chaquc jour cncore au souvcni1· de son arrcsta–
tio11, car le ri1·e ne 1·aisonnc pas plusque la co–
lcrc, mais le jusliliail aux ycux d'un mailrc tou–
joursjuslc par génic, quand il n'élait pas iojustc
par colcre ou par calcul. Mais c'était une gral'e
aceusation contre ccux qui avaicnt fait fusiller
douze malhcurcux, dont trois sculemcnt étaicnt
eoupables, et mcmc, avrai dire, un scul, car les
gcnéraux Lahoric et Guidal,ayant cru
a
la nou·
vcllede la mort ele Napoléon, pouvaient ctrc
COll–
sidérés comme ayant agi sous I'cmpire d'unc
crrc11r involonlairc. C'étail cléja la maniere de
pcnscr de Napoléon it Smolcnsk, et ce fut bien
plus la siennc aprcs avoir cntcndu le cluc de
Hovigo; mais ce n'étail pas d'un exccs de zelc
que dans une oceurrcnce parcillc il atirait blamé
ses ministres et ses grands dignilaircs;et il se
garcla biende lcur en fairc un reproche. 11 con–
vint avcc le cluc ele Rovigo que lui seul dans
cctlc affaire avait vu juste, ajouta pourtant que
son arrcslation était, devanl un public raillcur,
une eireonslancc f:\chcusc, lui indiqua clu reste
claircmcnt qu'il ne donncrait pas raison
u
ce
public en ledisgraciant, puis, ccttc auclicncc ter–
minéc, étonna toul le monde par des marques
visibles de foveur envcrs leduc de l\ovigo, cher–
chant en quclquc
fa~on
a rclcvcr un ministre
qu'il savait diflieilc
!t
rcmplaccr, et qu'il n'ctit
ccrlaincmcnt pas remplacé par
ill.
Fouehé, dans
un moment oit la ficlélité allail devenir une qua–
lité des plus précicuses.
Hcsté seul avcc le princc Cambacércs , et, c11
préscncc de ce confidcnl d'un bon sens si supé–
ricur, éprouvant un embarras qu'il ne ressentait
devant aucun autrc, il lui demanda ce qu'il avait
pcns.é de cct ctrangc clésastrc de Hussie, s'il n'en
avail pos éié fort élonné. L'arehichancclicr avoua
qu'il avait été cxlrcmcment surpris, et, en cJTet,
bien que dcpuis longtcmps
il
cúl commencé
a
croirc que tant de gucrrcs auraicnt une funcst.c
issuc, et qu'il eút trcs-timiclcmcnl cssayé de le
dirc i1 Napoléon, sa prévoyancc n'avait janrnis
été jusqu'il conccvoir une aussi grande catastro–
phc. Napoléon rcjeta tout sur les élémenl , sur
un froid subit et cxtraorclinairc <1ui I'al'ail assailli
avant le temps, commc si ce gcnrc d'accidcnt
n'aurnit pas clt\ ctrc prét•u par un génic lel que
le sien, el eommc si, mémc avant ce froicl, son
cnlrcprisc n'avait pas déji1 rencontré elans les
clistanccs des cliflicultés insurmoniablcs. 11 rcjcta
aussi une partie de cctlc tragiquc aventure sur
la barbare folie cl'Alexandrc, qui s'était fait, en
lll'lilant ses l'illcs, plus de mal qu'on ne voulail
lui en causcr; c:-ir, disait 1".apoléon, on n'entcn–
clait lui imposcr que eles conditions de paix fort
acccptables; eommc si Alcxancl1·c avait dú pl'O·
portionncr la gucrrc aux calculs ele son aclver-