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LES COHORTES. -

ntCEMDRE

18·12.

Napoléon suivit de forl pres l'officicr cbargé

d'annonccr son arrivéc. Le

'18

déccmbrc,

a

onzc

hcures et demic du soir, il entra dans les Tuilc–

rics, et vint surprcndrc sa fcmmc, nullcmcnt rc–

froidic pour lui par ce changcment de siluation,

mais profondémcnt étonnéc, car, en s'unissant

il

luí, clic avait cru épouscr non pas sculcmcnl un

favori de la fortunc, mais pour "insi dirc la for–

tunc cJle.mémc, dispensant d'unc main inépui–

sablc tous les Licns de la lel'l'c. Napoléon cm–

brassa tcndrcmcnt Maric·J.ouise, conl.inua avcc

clic l'cspcce de comédic qu'il avait jouéc avcc

loul le monde, et répéta que c'était le froid, le

froid scul qui avait causé cctte surprcnantc

mésnvcnturc, íacilc i11·éparcr d'ailleurs, comme

bienlót on le vcrrait.

11 la rassura ainsi de son

micux,~sans

aroucr

mcmc

a

clic les tourmcnls de sonorgucil horri–

blcmenl froissé.

Le lcndcmain matin 19, il atlcndait scs minis–

tres el les grands de sa cour. C'élait une péniblc

éprcuvc que la prcmic\rc cnlrcvuc avcc ces scrvi–

teurs si soumis, si dédaigncuscmcnt traités du.

haut d'unc prospérilé sans cxemplc; mais il

avail une rcssourcc qu'un triste hasard lui avait

ménagéc, et dont labasscssc deJa plupart d'entrc

euxallail lui permetlre d'user Jargcmcnt : c'él:iit

laconspiralion du général Malcl. lis avaicnt été

singulicrcmcnl pris au dépourvu par cct auda–

cicux conspiratcur, a ce point que plusicnrs

bauts fonctionnaires s'étaient Jaissé jclcr en pri–

son, notamment lespirilucl et intrépide ministre

de la poiice Rovigo; puis ils s'étaicnt dénoncés

les uns les autrcs, et avaient fait fusillcr une

douzainc de malheureux, la ou il n'y avaitqu'un

coupahlc, sans etre hicn ccrlains des'etre•equis

de la sorle l'indulgcncc de leur mailre absent.

Aussiélaicnl-ils inquiets de l'accueil qu'il lcur

fcrait, rcgardaient avce une compassion rnépri–

santc l'inforluné ministre de

Ja

poliee, réputé Je

plus condamnablc et le plus condamné de tous,

et, quant

o

cux, songcant i1 peine aux cinq cent

millc hommcs qui avaicnt péri,

il

la fortune

changéc de la Fraoec, n'étaicnt occupés que du

lraitement qu'ils allaient cssuyer, de

fa~on

que

Napoléon, quiauraitcu desidéplorablcs complcs

a

rcndrc, se préscnlait au conlrairc commc s'il

n'avait cu que des complcs i1 demander. Cctlc

servitudc cxprimée sur prcsque tous les visages

Jui ful singulicremcnt commode.

11

rcgut les

pcrsonnagcs composant sa cour et son gouver–

nemcnt avee une extreme lrnuteur, conservant

une altitude lranquillc, mais sévere, semblant

atlcndre des explications au licu d'en apporter,

trailanl les affaircs du dchors commc les moin–

dres, celles de l'inlérieur comme les plus graves,

voulnnt qu'on éclaircit ces dcrnicrcs, qucstion–

nant, en un mol. pour n'étrc pas questionné.

Sans doutc, disait·il, rn s'adressant tanlól aux

uns, lanlót aux nulrcs, il

y

avait en du mal, et

ml:mc bcaucoup, daos ccttc campagnc ; l'nrméc

fran~aise

avait souffcrt, mais pas plus que l'ar–

méc 1·ussc. C'étaicnt la les chances ordinaircs de

la gucrrc, dont il n'y avait pas

a

s'étonner, el

qui étaicnt pour les hommcs fortemcnt trcmpés

l'occasion de faire éelalcr l'énergie de Jcur ame.

,\ ce sujcl, il rangeait les hommcs en dcux clas–

ses, ceux qui étaicnt au nivcaudes éprcuvcs ordi–

naircs, et ccux qui étaicnt au-dcssus de toutcs

les éprcuvcs, quellcs qu'ellcs fusscnt, affectait

de n'cstimcr que ces dcrnicrs, faisail un élogc

forl méritédu maréchal Ncy, de maniereccpcn–

dant qu'il semblait n'y avoir ríen

a

dire sur les

événcmcnts ele ccttc gucrre: rien, mCme

a

lui,

ricn, qu'nux hommcs quin'avaicnt pas le couragc

et la sanlé du mai'échal Ney. Puis, négligcant

comme acccssoire l'cxpédition de llussie, il de–

mandait commcnt on avait pu se laisscr sur–

prcndrc, comment surtout, méme en le croyant

mort, on'n'était pas accouru aupres de l'Impéra–

trice, auprcs du Roi de Rome, légilimcs souve–

rains aprcs Jui, et comment on avait pu supposcr

si facilcment l'ordre de choses abolí ?-

A

ces qucstions fondécs mais imprudentes, car

il cst vrai que tout Je monde avait regardé sa

mort comme Ja plus naturellc des nouvcllcs, et

la

chute de son trónc apres sa mort commc la

plus naturelle des révolutions,

il

ces questions

chacun ne savait que répondre, et s'en tirait

en baissant la tete, en paraissant rcconnailre

qu'il,y avait laquclquc chose d'inexplicablc. Pcr–

sonnc n'osa lui foirc la vraie réponse, c'est que

son empire n'était pas fondé, c'csl qu'avce beau·

coup de sagcsse il aurait pu sans doulcdonner i1

cel cmpire une apparence de stabilité que les

établisscmcnts nouvcaux out rarcmcnt, nrnisqu'l1

la maniere dont il s'y prcnait, on supposait que

son empire durcrait tout juste le tcmps de sa

vie, et quebientót mcméon endouterait, s'ilcon–

tinuait; qu'il n'étnit done pas étonnant qu'tin

audaeieux, le disant mort d'un coup de fcu, et

nnnon~nnt

son gouvcrnemcnt commc dCtrnit,

cül rencontré parlout des gens disposés

¡,

croire

el ¡, ohéir. C'csl lace qu'on aurnit d1l l11i dirc• et

ce qu'on ne 111i <lit pas, faute de l'oscr, el faulc

aussi de le comprcndrc. Mais Napoléon, en insis-