LES COHOll'l'ES. -
ntcEMBRE
1812.
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le·champ le langage qui
éLait.lemieux approprié
aux circonslances.
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11e vcnait pas, disail·il,
foire des eonquclcs sur l'Allcmagnc, mc1ne sur
la Pologne,
il
venait tendre la main aux Allc–
mands opprimés, peuples et rois, bourgcois et
nobles, Prussiens et Autrichiens , Saxons et
Bavarois, les aider lous, qucls qu'ils fussent,
a
sceouer un jougodieux,et,cctle reuvre lerminée,
rendre
a
chacun ce qui apparlenait
it
chacun, et
ne prendre pour lui que ce qu'on lui avait in–
justemcnt dérobé. Ainsi on publia de lous cótés
en son nom que, si les Prussiens voulaient res–
saisir leur part de la Pologne, il était prét
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la
lcur restituer, et qu'il ne la garderait qu'en
at.tendant qu'ils vinssent se remetlre eux·memes
en possession de ce qui leur avait appartcnu.
AWilna, oú il était chez lui, il proclama une
amnistie générale pour tous les acles commis
conlrc l'autoriLérusse, et fit mcme répandre que,
si les Polonais voulaient relrouver une patrie,
il était lout disposé
a
leur en acCorder une, en
consliluant séparément le royaurne de Pologne,
dont il scrail le roi clément, civilisatcur et libé–
ral. Alexandre avait bien asscz d'csprit pour
comprendre
a
lui seul l'habileté d'une lellc poli–
tiq11c, assez de bienveillance naturellc pour s'y
plairc, et, en !out cas, s'il ctit fallu l'y aidcr, les
Allemands accourus auprcs de lui auraient sufli
pou1· le persuadcr. Le ministre prussien Stein,
réfugié a sa cour, le célebre écrivain Kotzebue,
et beaucoup cl'autres Allemands, hommes ele
letlres ou mililaires, tcnaient le langage le plus
libéral, et assiégeaicnl Alcxandre ele leurs in–
stances pour qu'il proclam:it l'indépenclance de
l'Allemagne, et surlout pour qu'il marehat har–
diment en avant, pour que, saos compler ce qui
pouvait resler de
Fran~ais,
il se portal rapide–
ment sur la Vistule et J'Oder; car, disaient-ils,
chaque portion de territoit·e délivrée des Fran–
cais lui vaudrait
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l'instanl des alliés ardents et
~nlhousiastes.
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n'y avait cl'opposé
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cctle poli–
tique que le vieux Kutusof, dont la eircon–
spection justifiée par le résultat était devenue
excessive, et quelques Jlusses, occupés de eonsi–
déralions purcment militaircs, lcsquels frappés
ele l'épuisement de leur armée, crnignant qu'cllc
ne finit par fondrc comme l'arméc
fran~aisc,
dcmandaicoL qu'on s'arrCltit, qu'on
laiss~it
les
Allemands s'afTranchir commc ils pourraienl,
qu'on traital avec la France, ce qu'il était fucile
dnns le moment de faire trcs-avantageusemcnl,
et qu'on ne prolongcat pas inulilcment une
gucrre qui, heureuse dans l'intérieur de la
l\ussie, deviendrait forl dange1·euse au deliors,
surtoul contre un eapilainc lcl que Napoléo11;
et il est vrai que sous le rapporl ele la prudencc
ce langage était parfaitemenl fondé
!
Mais l'ima–
gination d'Alcxandre s'était lout
:'o
coup enOam–
mée. Profondément blessé par les dédains de
Napoléon, enorgueilli jusqu'au déliredu.rólc de
son vainqueur, il aspirait
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un rólc plus grand
cneore, il voulait étre son dcslrucleur, et le libé–
rateur de l'Europe opprimée.
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se disail que
traiter aujourd'hui avec Napoléon, mcme d'égal
a
égal, étail possible saos doute; maisque, sion
laissait 'éehapper ectle occasion de le délruirc,
on relrouverait bicntót en lui le puissant domi–
natem· d'aulrefois, et que ce scrait une reuvrc
a
rccommencer. Au conlrairc, en poursuivant les
succcs obtenus, en appclant
a
soi les gouverne–
ments et les peuplcs, indignés du joug qui pesail
sur eux; en allanl plus loin, en adressanl un
appcl direct
a
la France cllc·mcme fatiguéc de
son maitre, en lui <léclarant qu'il y avait une
légitimegrandeur qu'on n'entenclait pas lui dis–
puter, on pouvait faire disparaitre Napoléon de
la sccne, et devenir
a
son tour le roi eles rois,
le sauveur adoré de l'Europe. Cetle ambition
aidée par le rcsscntimcnt avnil cnvahi le erom·
d'Alexandrc, et il ne voulail plus s'arrciter.
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avait done autorisé le ministre Stcin et ses eom–
patriotes
il
se porler daos les provinccs prus–
siennes reconquiscs, el
a
y prornettre le prochain
afTrancbissement de
I'
Allemagne.
Le général Diébitch, chef d'état-major de
Wittgenstein,en touréd'ofliciersallemands parmi
lesquels figurait le général Clauscwitz, pom·suivi
de leurs instances, el n'en ayant pas besoiu, ca1•
il pensait coinme cux, suivait le maréchal Mac–
donald pasa pas, avec l'espél'anee ele lui enlevcr
le corps prussien. Le général d'York détestait
daos le maréchal Maedonald son chef d'abord,
car il était jaloux et toujours mécontent, et
ensuile un
Frm1~ais,
car il avail dans le creu1·
lous les sentimcnts de ses eompatriotes.
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avait
de continucls démclés avec l'état-major du maré–
chal, se plaignail sans ccssc qu'on nourrit mal
son corps, qu'on ne lui accorth\t pas une assez
largc part en fait de décorations el de dotations
fran~aises,
et cette humeur, du reste pcu justi–
fiée, avait forL augmcnlé son avcrsion patrio–
tique pour nous. !,e général Diébiteh, averti par
eles agentssecrels, avait fomenté ces sentiments,
et ¡mis, la eatastrophc venue, avait fini par pro–
poscr nu général <l'York de passer aux Russrs,
sous le voile cl'une eapitulation commandée par