WASHINGTON ET SALAMANQUE. -
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18·12.
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drid, portéssur au moins dcux millc voitures, et
escortéspar l'arméedu Centre. lis formaient avec
cette armée une masse d'cnviron vingt-quatrc
mille individus, dont Ja moitiépourvus d'arrncs,
et bien peu pourvus de vivrcs. Joseph leur offrit
la sculc consulation qu'il ftlt en son.pouvoir de
lcur procurer, en se
pla~a1lt
au milicu. d'eux
pour partagcr lcurs infortunes. Parvcnu sur les
bords du Tagc, vcrs Aranjuez, il voulut savoir
si c'était toutc l'arméc anglo-portugaisc qui mar–
chait sur la capitale, ou si c'était un simpledéta–
chcment d'une ou dcux divisions, car, dans ce
dcrnicr cas, il aurait pu disputer la capitalc, ou
du moins ne pas s'en éloigncr bcaucoup, et at–
tcndre dans les cnvirons l'arrivéc de l'armée
d'Andalousic. Le généralTrcilhard, qui comman–
dait une cxccllcntc divisiondcdragons, futchargé
de reconnaitrc l'armécanglaise pour s'assurer de
la réalité des choscs. 11 le
fit
aux environs de
Madajahonda, sur les bords du torrcnt de Gua–
<larrama, avcc tant fi1-p1·opos et de l'igucur,
qu'il culbuta l'avant-gardc anglaisc, et lui cnlcva
1,00 hommesavec trois picccs de canon. Le rap–
port des officicrs anglais n'ayant permis aucun
cloute sur Ja préscncc de lord Wcllington et de
toutc son arméc aux portes de Madrid, on prit
enfin Je parti de se diriger par la routc d'Ocairn,
d'Alhacetectdc Chinchilla, sur Valcnce. On lais–
sait
a
Madrid encorc beaucoup de maladcs et de
blcssés. On les réunit au Retiro, fortifié dcpuis
longtcmps contrc les guérillas et Je peuplc de
Madrid, mais pas contrc lesattaqucs el'unearméc
réguliCrc, el on
y
pla9a une garnison de
dom~c
ccnts hommes sous le coloncl Laffond. C'étaicnt
douzc ccuts hommes sacl'Ífiés, car, par une né–
gligcncc de l'état-major de Joscph, on ne s'était
pas menic assurésiJcpuitsdu Retiro était pourvu
<l'eau. Pourtant cesdouzc ccnts hommesallaicnt
rcndrc un scrvicc important, cclui de sauvcr
quclques millc malades et blcssés du fer desgué–
rillas, pour les remcllrc
a
l'armée anglaisc, qui,
se cornportant commc
il
convicnt
3.
une nation
civiliséc, rcspcctait et faisait rcspectcr les hom–
mcs désarmés.
On quitta le Tagc vcrs le1
!)
aout par unecha·
lcur étouffantc, et avcc fort peu de ressourccs.
Ce l'Oyage dcvait ctrc, et ful des plus péniblcs.
Des cenL1incs de familics, quelques-uncs aisécs,
mais le plus grand nombre vivant
ii
Madrid de
lcursappointcmcuts, et derationsquancl l'argcnt
m:mquait, n'ayant plus ca routc ccltc ressourcc,
cncoml>raicnl les chcmins sur eles voiturcs mal
ullclécs, et chaquc soir
lcndnicnt
la nrnin aux
soldatspour obtcnir quclques restes de leur ma–
raudc. Partout on trouvail les habitants en fui te,
les grenicrs brulés ou vidés, et pcrsonnc pour
échangcr contre de !'argent un peu de pain ou
de viande. Au licu deshabit.ants on rencontrait
souvcnt d'atfreux guérilias, tuant sans pitié qui–
conquc s'éloignait de la colonne fugitive. Le
lendcmain, qu'on
fUt
fatigué, rnalade, moi.Jrant
de faim, il fallaitpartir du gite ou t'on avait passé
la nuit, si l'on ne voulait pas Ctre égorgé
a
la
vuc mcmcde l'arricre-garde. Voilacequi rcstait
de la royautéde Joseph, qu'ilavait paru si facile
de substitucr a ccllc de Charles IV, et qui avait
déja couté l'cnvoi de six cent millc
Frangr.isen Espagnc, dont il survivait
á
peine trois cent
millc
1
Apres quclqucs jours de ccttc rctraitepénible,
bcaucoup de ces malhcurcux succombcrcnt. Un
ccrtain nombre, nepouvant plus suivrc, allercnt
se cachcr dansdesvillagcs, pour y implorcr une
pitié quesouvent ils n'obtinrcn't pas. Une pa1·tic
des troupes espagnolcs composant la gardc de
Joscph déscrta, et cnfin on arriva dcvant Chin–
chilla bcaucoup moins nombrcux qu'au départ.
Le fort de ce nom était occupé par l'cnncmi et
barrait le chcmin. 11 fallut se détourner 11
grand'pei~e,
et rcjoindrc la routc
;i
quclqucs
licuesplus loin.Aux confins de Valcncc, on rcn–
contra les avant-postcs du maréclrnl Suchet, et
ceux qui avaient cu Ja fo1·cc de continuer ce
difficilc voyagc curcnt
la
satisfaction de trouvcr
un pays tranquille, habité, riche et amical. Le
maréchal Suchct,
ú
qui cettc visite amenait ele
lourdcs churgcs,
re~ut
néanmoins avec un em–
prcssemcnt rcspcctueux le roi visitcur, et avcc
une sorte de fraternité la tribu fugitive dont ce
roi était suivi. Le marécbal pouvait s'cnorgueillir
de montrer
¡,
ses compatriotes un parcil échan–
tillon de la guer1·c bien faite, et de Ja conquctc
bien aclministréc. 11 introduisit le roi Joseph
<lans Valence, Jui ménagcaun accucil infinimcnt
meillcur que celui que ce princc avait jamais
l'C~U
a
Madrid, et prodigua
a
tout ce qui l'ac–
compagnait l'abondancc de ses magasins.
JI
avait
déja cnvoyé plus de 5 millions en numérairc
a
Madrid ; il paya en outre lasolde aux troupes de
l'arméc du Centre, babilla ccllcs qui en avaient
besoin, et fournit un gitc et des vivrcs
a
tousles
afrancesados. Ces dcrnicrs furcnt heurcux de
voir cnfin
a
Valcncc eles compalriotcs soumis
o
la
!'Oynulé nourcllc, car ils trouvaicnt chczcux, et
une excuse pour lcur attachemcnt
a
Joscph, et
des sympathics pour lcur miscrc. On élait entré