LIVRE QUAl\ANTE-SIXIEME,
pagnc, ccpcndanl il
y
avait pcut-étrc micux
a
fairc que d'cnlrcr i1Madrid, et si lord Wclling–
lon se ful altaché
¡,
poursuivrc saosrcMchc l'ar–
méc dePortugal, daos l'élat de fatigue, de rlépit,
de révollc moralc ou clic était, il esl douteux
que le général Clauscl, malgré son aplomb et sa
vigucur, pul la préscrvcr el'unc dcstruction lo–
lalc. L'arméc du Nord ne scrait accouruc que
pour succombcr
a
son tour, et toule force orga–
oiséc étant délruilc entre Madrid el Bayonoc,
l'illuslrc capitainc anglais aurait cu bon marché
du reste; car
il
csl pcu présumablc qu'il cut
rencontré quclqucpart, réunies en lcmps oppor–
tun, les armécs qui occupaicnt le midi de la Pé–
ninsulc. Sansaucuu doutc, Nnpoléon, se trouvant
dansunesitualion parcillc, cut endcux moisdé–
livré l'Espagnc des
Fran~ais.
Tcllc cst la dilfé–
rcncc entre le génic et le simple bon seos! mais
le bon scns se rachelc par tant d'autrcs avanla–
gcs, qu'il faut se gardcr de luí chcrchcr des torts.
11 faut aussi pardonncr des faiblcsscs, mémc aux
caracteres les plussolides. Lord Wcllinglon, lout
raisonnablc qu'il était, cachail sous une réscrvc
tranquillcunevanité pcuordinairc. Entrer triom–
phalcmcnl dans Madrid avait pour lui un altr:1il
irrésistiblc, et il résolut de causcr
il
Joscph de
tous les préjudices celui qui dcvait luí ctrc le plus
sensible, quoique ce ne fúl pas le plus g1·and. A
datcr du
'10
aoút, lord Wellington se elirigea os–
tcnsiblcmcnt sur Madrid. Lorsquc eetlc marche
de l'arméc anglaise ful connue, Joscph en fut
profondémcntalfccté, et il dcvait l'clrc, car tous
les partís
a
prendre élaicnt ftichcux el graves.
Pcut-étre il
y
aurait cu convcnance 3se replicl'
su!' la Manche, si on avait puse flaLler d'y rcn–
contrcr le maréchal Soult rcvenant de Sévillc,
cal' en ajoutant J'armée du Centre
a
ccllc d'Anda–
lousic, on cut éLé en mesure ele livrer bataillc
il
lord Wcllington, et de luí dispulcl' Madrid.
Pourtant,mCmcdaoscecas, c'cUt
été
uneétrangc
siluation que de livrcr bataillc
a
une armée vic–
toricusc, en ayant
a
dos le micli de l'Espagne et
la mer, c'est-a-dirc un abimc si on était battu.
Ce partí élait clone fort dangcreux, mais onétail
dispensé de l'cxamincr séricusemcnt, car Je ma–
réchalSoull nepouvait pas clrc supposé déji1 cu
routc, et en plcinc exécution des ordrcs r¡u'il
avail
re~us.
11 fallail des lors allcr rcjoindrc, ou
le maréchal Soull
a
Séville, oil le maréchalSu–
chct
a
Valcncc. Or. cnlrc ces deux détermina–
tions, le choix o'était pas doutcux. Outrc que
Sévillc était la plus lointaine eles provinccs de
l;Espagnc, clic étail privéc de tout moyen de
communication avcc la Francc, tandis qu'a Va–
lencc on était par Tortose, Tarragonc, Lcrida,
Saragossc, en liaison facilc et certnine avcc les
Pyrénées. On élait ele plusassuré d'y lrouvcr un
pays richc, soumis, parfailcment administré, et
un accucil amical, les relations ele Joscph avcc le
mnréchal Suchel o'ayant pas ccssé d'élrc cxccl–
Jcnlcs. Enfin il yavail une dcrniere raison, toul
a
fait
décisivc, c'cst qu'on pouvait amcner l'ar–
méc d'Andalousic
a
Va!cnee, et qu'il ctit élé in–
scnsé ele préteodrc ameoer l'arméc. d'Aragon
a
Séville, puisquc, indépcndammcnl de la pe1·tcde.
l'A1·agon el de la Calalognc, qui en flit résultéc,
oo se fUt
¡,
jamais séparé de la France.
Ce n'étaitpas avcc un conscillcraussisage que
le nméchal Jourdan que Joscph aurait pu hési–
tcr sur la conduite
a
teuir en parcillc circon–
slance. 11 s'achcmina doncsurleTage, en prenanl
la dircctionde Valcncc, et, changcant les ordrcs
précédcmment cxpédiés au maréchal Soult, il luí
prescrivit d'opérer sa rclraile par Murcie sur
Valcncc. Mais il fallait quitter Madrid, el c'était
un partí cxtremcmcnt douloureux. Au milicu
decctte Espagnesoulcvéc tout cntic1·c conlrcJui,
Joscph avait ccpcndant rencontré un certain
nombre cl'Espagnols, el quclques-uns considéra–
blcs par la naissancc el la fortunc, qui, soit par
gout pour sa pcrsorme doucc et altachanlc, soil
pour épargner
a
lcur pays une gucrrc aITrcuse,
soil cnfin par Inconviclion que toutc civilisalion
en Espagnc élait vcnucdes dynastics étrangcrcs,
s'étaicnl l'alliés
a
sa cause. JI
y
avait aussi beau–
coupde fonclionnaires d'ordrcinféricur,qui,par
habitudc de soumission, étaicnl l'CSlés
a
son SCl'–
vice. Ccttc classc,dile eles
afrancesados,
se trou–
vail surlout
¡,
Madrid, el clic ne comprenail pas
moinsde dix rnillc individus de tout scxc et de
tout :igc. Commcnt abandonner ces malhcurcux
il
la íérocité des Espagnols, férocité qui égalait,
il faul l'avouer, lcur patriotisme, et qui, ne fai–
sant grtlcc ni
11
nos blcssés ni
a
nos malades, nu–
rail pardonné encorc moins
il
des compalriotcs
accusés de trahison? Les laisser, c'élait les con–
damncr
a
la mort; les cmmcncr au mois d'aout,
a
travcrs les plaincs de la Manche et les monta–
gncs stérilcs de Cuenca, c'était les conrlamncr
a
la mort cncorc, mais
a
la mort par la miscrc.
L'allcrnative étaitcruclle, et, cepeudant, comme
le dangcr le plus prochain est cclui qu'on cher–
che loujours
a
évilcr, au premicr bruitd'évacua–
tion, ils voulurent tous partir. On ramassa ce
qu'on puldcvoiturcs attclécs de loutcs les
fa~ons,
et., le10 aoüt, ils commenccrent
a
sorlir de Ma-