LIVRE
QUAllANTE-SIXllÍME.
comte d'Erlon. Le maréehal avait renforcé ce
corps, ainsi que Joseph l'avait preserit, mais
quant aux instructions
a
lui donner,
il
avoua
elairemenl qu'il ne consentirail pas
a
s'en dcs–
saisir, el ¡, l'cnvoycr en Castille au secours rlc
J'armée de Portugal. A toutes les instanccs que
lui
fil
le coloucl Desprez, le ruaréehal répondit
que, sion tui ótail une portion queleonquedeses
forces, il ne pourrait garder l'Andalousie,elqu'il
n'obéirait qu'11 un ordre, celui d'évaeuer eellc
provincc.
Ces allécs et
\'Cnues,
ces résistanccs obstinécs
1
faisaienl pcrdre un ternps précieux, pcndanl
lcquel Wellington se !tatail de ruarehcr sur l'ar–
mée de Portugal. En effet, dans les premicrs
jours de juin, on appril qu'il avait levé ses e;m–
tonncrnents, el qu'il était
a
la veille de franchir
l'Aguéda pour se rendre dans la province de
Salamanque par la route de Ciudad-Rodi·igo. A
eette nouvclle, le général Calforelli, que ledéfaul
<le préseneed'cspril au milieu des embarrasdonl
il élail :issailli,bien plusqu'une mauvnisc volonlé
déeidée, empcchait d'obéir, legénéral Cuffarclli,
sans plus discuter l'autorité du roi , manda aux
muréchaux Marmonlet Jourdan qu'il alluit mar–
cher au sccours de l'armée de Portugal avcc un
détachemcnt de lO mille hommes. Quant au ma–
réchal Soult, Joscph lui expédia levéritableord1·e
qu'il aurait dú lui adresser des le commcnce–
ment: il lui prescrivit, non plus de donncr au
comtc d'Erlon l'instructiou de sui,•rc les mouvc.
mcnt du général llill, mais de faire sur-lc-champ
un détachcmenl de 10 millc homrncs,dclcsachc–
mincrsur leTagc, d'évacuer lcllepartie de
tCI'l·i–
toircqu'il faudrait pour rcnd1·epossiblc l'accom–
plisscment de ccltc mesure, et, en fin,
s'it
ne
voulait pas obéir, de rcmcttrc immédiatcmcnt
son commandcmcnt au comtc d'Erlo11.
Conlia11t daos l'exécution d'un ord1·e aussi
précis, dans les promcsscs du général Caffarclli,
dansla possibililéqu'il avait lui-mcmcd'c11voyer
quclqucs mille hommcs au maréclwl Marmont ,
compta11t que, par toutcs ces dispositio11s, il
pou1·rait portcr l'arméc de Portugal
a
pres de
70 millc hommcs, il se rassura sur l'is;uc des
événemcnts qui se préparaicnt en Castille, il se
rassura, parce que, tout en élant doué de bon
seas,
d
1
intelligcncc mililaire et de courag:c, il
n'avaitposccltcardeur dévoranle, cellevigilancc
sans sommcil du 1•éritablc homrnc d'action, qui
necroit qu'i1ce
qu'il
a vu, qui ne se repose que
su1·
les
promcsscs
accou.iplics,
et ne
donnc
p:is un
or<lrc sans en suivrcJui-mc!mc l'cxécution, qua-
lilé que Napoléon possédait au plus haut <legré,
et ;, laquellc il dcvait en partic ses prodigieux
succCs.
Pcndant que le lcmps leplus précicux se pc1·–
<laitdc notrccótécntristes tiraillcmcnls, lordWcl·
linglon s'étnit mis en mom'cmcnt pour cssayer
d'uue marche olTcnsivc en Castillc, sculc. pnrlie
de l'Espagnc oll. par les rnisons que nous ;wons
donnécs, il pul agir ulilcment. 11 n'étnit pns lui–
mfünc,
quoiquccommandantseul, etappartcnanl
o
la puissaucc la plus richc de l'Europc, entierc–
ment satisfait de sa situation, surtout sous le
rnpport malériel. Lasolde était J'ort arriéréc dans
son armée; l'argcnt
ne
lui al'l'ivait que trCs-diffi–
cilcmcnt,pa1·cc qn'ilfollaitqur. son gouvcrncmcnt
eonvcrtit en cspcces métalliqucs, avcc une perle
d'au moins
25
pour cent,
la
monnaie de papicr
circulanl en Anglctcri·e; de plus, les Espagnols,
quoiquc dé\
1
0m:s
U
Sa
cause,
Jui
fournissaient hien
gratis tous les rcnscigncmcnts qui pouvriicnt Je
servir,
mais
ne
lui
livraicnt leurs dcnrécs que
conlre argent. Les mulelicrs, qui, avce six millc
mulcts, trnnsportaicut les vivres de l'arméc an–
glaisc, n'étaicnt pas payés depuis plusicurs mois,
et se plaignaienl vivcment. Or, s'ils avaient re–
J'usé un scul jour leurs services, l'armée auglaisc
cut élé pcrdue, car saos les1•ivrcs réunis tous les
soirs aux bivacs, sans le tcmps de les fairc cuirc,
de les consommer, lord
"\>\'
cllinglon n'aurait
bicnlót plus conservé un soldat dans les rangs.
Aussi ne ec.ssait-il d'écrirc 3 son gouvernemcnt
que, si on tui donnait ces admirables soldats
franqais, comrnc il les appclait ,
<JUÍ
se passaicnt
d'approvisionncmcnt, couraient
~a
et
Ja
pour se
¡H·ocurcr leur nourriture, rcvenaient ensuitc au
drapcau, faisaicnt lcur soupe en Mlc a1•cc ce
qu'ils nvaient ramnssé,et se battaient néanrnoins
s'ils n'avaicnt pas cu le lcmps de la faire, il
pourrait soutcnir la gucrrc sans argent; mais
que, si les soldats anglais étaicnt mis¡, une tcllc
épreuve, si on les cxposail
ii
quittcr le drapcau
pour allcr 1 la maraudc, au bout de quelqucs
jours il n'en rcviendrait pas un.
11
se plaignait
done, luiaussi, d'avoir ses peines et ses difficultés.
Son arméc , quoique excellcntc, n'était pas non
plus tcllc qu'il l'aurait vouluc. 11l'aurait <lésiréc
plus nombreusc, parliculii:rcmcnl enEspagnols.
Ces dcrnicrs, qui uuraicnt du tui fou1·nir trente
ou quaranlc mi lle soldats, tui avaicnt
a
peine
cnvoyé unedivision de·10millc hommcs, mal dis·
ciplinés, malcommandés,ctncrcndantaucun des
scrviccs qu·on devait allcndrc de la bravoure et
de la sobriété du soldat espagool. Avcclcdévoue-