WASHINGTON ET SALAMANQUE. -
M.11
·1812.
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cherait sur Salamanque. Le comte d'Erlon, rcn–
f'orcé tant qu'on l'aurait voulu, mais
il
la condi–
tion de rester devant le général Hill, qui nedevait
pas changer de position, aurait laissé périr sans
secours le maréchal Marmont. Du reste,
a
Ja
guerre, c'est déja quclque chose que d'cntrevoir
seulement les desseins de l'ennemi : les deviner
complétement et sur-le·champ n'cstque le proprc
desgénies supérieurs. Or, le maréchal Jourclan,
esprit stir nrnis lent, avait bcsoin de temps pour
s'éclairer. Transporté sur les lieux, il :iurait sans
doute bicntót discerné la vérité; mais malade,
dégouté, allaché ¡, un roi qui, quoique hrave,
n'aimait pas
á
quitter Madrid, il était resté au
pala is, et, jugcant de lo in, n'avait jugé qu'il pcu
pres du véritable étnt <les choses. Au surplus, il
ful bientót détrompé, et pour le premicr moment
d'ailleurs les ordres donnés étaicnt suffisants,
car ils cnjoignaicnt
a
chacun de ccuxqui dcvaicnt
concourir
a
la lutte prochaine de s'y préparn-.
Quant au maréchal Suchet, qui était tropéloigné
et trop dépourvu de troupes pour envoycr des
seeonrs, on lui preserivit <le rcndrc
a
la cause
eommunc un genrc de scrvicequi ne devait de sa
part souffrir aucune difficulté, c'était de rappro–
cher davantage les forces du général Rcille de la
Nava1·re, pour qu'il fut plus focile 1 l'armée du
Nord de fournir le détachement qu'on lui avait
demandé, et de relever i1Cuenca les troupes de
l'armée du Centre, pour que cellc-ciflit pluscon–
centrée et plus disponible.
On peut aisément se figurer comment furent
accueillis les ordres de Josepb, donnés a1'cc fcr–
meté, mais sans cet accent dominateur qui n'ap–
partenait qu'a Napoléon. Le général Caffarelli,
qui commandait l'armée du Norcl, était prohe,
dévoué, brave comme tous les Caffa1·elli, mai;
douccment cnlClé, timide, nonpasde creur mais
d'esprit, el fort inféricur en intelligence
¡\
l'il–
lustre officier 1 jambe de bois qui avait foil la
fortune de cetle famille distinguéc. Sur les
l,G
mi lle hommcsque comprenait son arméc, elleen
avait pcrdu pres de10 mille pai· les dil'crsdéta–
ehcments envoyés
ii
l'armée de flussie; de plus,
les infatigables courem·s des provinccs basqucs
lui inspiraicnt de continuellcs inquiétudcs pour
les postes de l'intéricur et pour ceux clu littoml.
Persistan! comme legénéra!Dorscnne
ii
se eroirc
indépcndant du général en chef, il ne rcfusa pas
préeisémcnt d'aidcr le maréchal Marmont, mais
il ne dit ni quaocl, ni comment, ni en quel
nombre, il l'Ícndrait au secoursde ce maréchal,
et ne fit que des promcsses, dout avee quelque
prévoyance on devait se défier, bien qu'elles fus–
scnt sincCrcs.
Ion Andalousie, l'accueil aux ordres de Joseph
fut encore moins satisfaisant. Le maréchal Soult,
dcpuis qu'il était rassuré sur les conséqucnces
de sa campagne d'Oporto, avait toujours espéré
qu'il devicndrait le rnajor généralduroi Joseph.
Masséna ayant échoué en Portugal, Marmont
n'ayant pas la situalion nécessaire pour un te!
ró!e, et Napoléons'étant desa personne cnfoncé
en Hussie, le maréchal Sonlt avait cru que ses
espérapces allaient cnfin se réaliser. Mais Napo–
léon. pcusalisfait desopéral.ions dcl'Andalousie,
ne voulant pas d'aillcurs imposer ¡, son frcre un
major général qui lui déplaisait, avait choisi le
maréchalJourdan, qui n'avait accepté la quali:é
de nwjor général que par amitié pour le roi
Joscph. Le mécontentement du marécbal Soull
avait été extréme, et dans celle disposition on
n'al'ait pas grande chance d'ctre écouté en lui
demandan! de sccourir l'armée de Portugal,
a1•ec laquclle il n'avait ccssé d'étre en querelle.
De plus, il jugeait tout autremcnt que l'état–
major de Madrid les projcts de lord Wellinglon,
et croyait qu'au licu de songer ;, la Castille,
celui-ci était exclusivemcnt oecupé de ]'Anda·
lousie. 11 répondit par conséquent
a
Joseph, que
!'armée de Portugal allait cncore tout perdre,
11u'elle et son général se trompaient, que lord
Wellington nese préparait point ¡, marcher sur
Salamanque et sm· le maréchal Marmont, que
c'était
a
l'Andalousieseulequ'il en voulait, que
e'était done
a
lui, maréchal Soult, qu'il fallait
venir en aide, car le général Hill n'ét:iít que
la
téte de la grande nrmée britanniquc , prcte
a
se porter tout enticre sur Sé1,illc pour déli–
l'rcr Cadix ; que le langage tcnu
a
Cadix pa1·
les journaux de l'insurrection ne pcrmettait au–
cune incertitude 1 cct égard; que sans doule il
fallait rcnforccr le comte d'Erlon, mais pour sc–
courir l'armée d'Andalousie, et non pas cellede
Portugal, qui n'était point menacée.
C'était en vérité préter
ú
lord Wellington
d'étranges pensécs, que de lui supposcr pour
raison d'agir en Andalousie le clésir de sauver
Cadix, qui n'était pas en danger; e'était aussi
s'cn rapportcr
a
rle singuliers indices pour juger
les projets de l'ennemi, que d'ajoulcr foi aux
journaux de l'insu1·rcclion espagnole. Ce que
l'enncmi cut le moins fait assurémcnt, e'eút été
de publier ses résolutions,et,des qu'illrsannon–
~ait
ouvcrtemcnt, il ne fallait pas s'y arrt\ter.
Mais indépendammcnt de tous les renseigne-