WASHINGTON ET SALAMANQUE. -
ru•1
1812.
.J.27
Portugais. Le maréchal l\larmont avait done cn–
voyé
a
Napoléon son aide de camp, le coloncl
Jardct, pou!'lui préscntcr cecomptc de ses forces,
pour lui dire que, lorsqu'il serait en danger, le
général Dorscnne, tout occupé des bandes du
Nord, trouverait mille raisons pour ne pas venir
¡,
son sccours, ou pour y venir trop lard ; que
Joscph ne scrait ni asscz actif ni assez hardi pour
se priver
il
propos de 1Omi lle hommcs, ou de
6 mille au moins, sur les 14 mille dont se com–
posait l'armée du Centre; que le maréchal Soult
aurait, daos les distanccs qui le séparaicnt de
!'armée de Portugal, plus de raisons qu'il ne lui
en faudrait pour ne pas quittcr l'Andalousic; que
par conséquent lui, lllarmont, aurait le tcmps de
succombcr, et, en succomuant, de découvrir la
fronticrc de Francc avant d'étre secouru, et qu'ii
moins qu'on ne lui donnat le commandement su–
périeur des deux armées du Nor<l et de Portugal,
il
ne pouvait se charger de la difficilc mission de
tenir tétc aux Anglais, et dcmandait
a
quitter
l'Espagnc pour fairc sous les yeux de l'Empcreur
la campagnc de Russic. Napoléon avait écoulé le
coloncl Jardet, avait paru frappé de ce que lui
avait dit cct officicr distingué, lui avait promis
d'y pourvoir, en se raillant du reste de l'ambition
du marécbal lllarmont, qui désirait un comman–
elcment si supérieur
a
ses talcnts; puis, beaucoup
plus occupé de ce qu'il allait fairc lui-mémc que
de ce dont on l'cntrctenait, il avait répondu au
colonclJardet : «lllarmontsc plaint des distances,
ele la clifficulté de vivre... j'aurai en Russic de
bien autres distances
a
parcourir, de bien autres
<lifficullés
il
vaincre pour nourrir mes soldats!. ..
ch bien, nous ferons commc nous pourrons....
n
- Nopoléon avait ensuitcc¡uitté le coloncl Jardct
en lui promctlant d'aviser.
~!.is,
comme il aurait
fallu prcndrc desrésolulions
fot'I
g1·aves, rappeler
tcl ou lcl de ses licutenanls dont le dévoucment
i1 l'rouvre commune n'était pas le penchant ordi–
nairc, changcr la distrilrntion des forces, pcut–
étrc évaeucr des territoircs importants afio rle se
eoucentrer, il était parti de Paris, s'en tcnant
ii
la disposilion généralc qui conférait
¡,
Joseph le
commandcmentsupéricur, et se llattant d'ailleurs
toujours qu'il finirait lui-mcmc toutes choses en
Russio.
Mnlgré ses justes appréhensions, Je marécbal
Marmont était resté
ii
la téle de l'armée de Por–
tu¡¡al, s'occupant nvec assez ele so!Licitudc des
uesoins de ses soldats, s'nttachant
a
mctlre Sala–
manquc en état de défcnsc au moyen de vaslcs
couvcnts convertis en eitadelles, tachant de re-
montct• sa cavalcrie, d'attelcr et de réparcr son
artilleric, ne rcfusant en aucunc
fa~on
de rccon–
naitre l'autorité de Joscph, lui cnvoyant au con–
traire ses états de troupes et ses rapport.s, plus
mcmc que Joseph ne l'aurait voulu, car chacun
ele ces rapports se terminait par une demande de
secours. Une difliculté cependant, rclativc aux
arron<lisscments réservés aux diverses armécs
pour lcur cntrcticn, cxistait entre le maréchal
Marmonl et le roi Joscph. Quoiqu'il n'cút daos
la vallée du Tage qu'une sculc division, et que
tout le reste de son armée eút élé reporté au
nord, le marécbal Marmont voulait étcndre ses
fourrages de Talavcra a Alcantara, ce qui con–
trariait bcaucoup Joseph, réduit i1 nourrir ses
employés civils avcc des rations, et ayant bcsoin
par conséqucnt de toutcs ses ressourccs. Sauf
ccttc difficulté, Je maréchal Marmont entrctcnait
avce Joscph d'excellentes relations.
Joseph, commandant l'armée elu Centre, avait
15
a
14 mille hommes valides, daos lcsquels il
se trouvait bcaucoup ele débris de divcrs corps,
commc
il
anivc toujours
a
un quartier général,
et en outi·c 2 millc hommcs qui appartcnaicnt
au maréchal Soult, et que celui-ei ne ecssait de
réclamer. Avec cette force acc1·uc de 5 mille Es–
pagnols, qu'il soldait de son proprc argent, et
qui étaicnt fidelcs quand ils étaicnt payés cxac–
tcment, Joscph dcvait gardcr Madrid, de plus la
province de Toledc
¡,
elroite, cellc de Guada–
laxarn
a
gauche, maintenir en anicrc ses com–
munications avce l'armée du Nord, et en avant
conserver a travcrs la Manche quelques rclations
avec l'armée d'Andalousie. 11 lui fallait memc
étendre l'un de ses bras jusqu'i1 Cuenca, pour
communiqucr avec l'armée d'Aragon établic 11
Valencc. Si !'un de ces points ccssait d'étrc bien
gardé, Joscph était tout
a
coup séparé de !'une
des portions importantes du royaumc, et pcrdait
les faiblcs rcssources dont il vivait, ressourccs
qui consistaient dans quelques grains et foul'–
rages obtenus
a
l'époque des récoltcs, et dans
les impóts de Ja ville de Madrid. En ce momcnt
surtout, obli¡;é, pour satisfaire aux réclamations
pressantes du maréchal Marmont, de vcrser des
grains dans la province de Toli:dc, qui ordinai–
rcment Jui en fournissait, il avait tcllement ap–
pauvri Madrid en vivres, que la livrc de pain y
cotitait 26 11 27 sous. Aussi la miscre y était-ellc
extreme, ce qui n'était pas une maniere de ra–
mencr les Espagnols
a
la royauté nouvelle.
L'Andalousic, envahie si prématurémcnt, se
trouvait daos les mains du maréchal Soult, c¡ui