LIVRE QUAHANTE-SIXIÉME.
Aussi apporlait-il de grands ménagements dans
sa conduitc, et il avait pris pour ministre des
affaires éiran¡i-cres
M.
ltlonroe, démoerate de sa
nuanee, habitué aulant que lui aux affaires,
tour
11
tour négociatcur en Angletcrrc et en
Frunce, voulanL Ctrc un jour le continuntcur de
M.
~larldisson,
eomme M. Maddisson lui-mcme
l'élaildeJefferson.
~Iais,
pour appeler
!l.
Monroe
il
ce poste, M. Maddisson avait éearté M. Smith,
démoerate dislingué et violenl, appartenant
o
une famillc puissantc, et il avait
¡.
se garder
non-sculement des fédéralistcs, mais des démo–
cratcs extremes, mécontcnts de sa eireonspcc–
tion et desa lcnteur calculéc.
Pour coupcr court
1i
cctte lullc des dcux poli–
tiqucsqui divisaicntl'Amérir¡uc, il cut suffi d'unc
dépéchc de Paris apportant
la
complete et défi–
nilive rcconnaissance d11 droit des ncutrcs, et Ja
conccssion de séricux avantages commerciaux.
Malbcurcuscmcnt on élait i1 la fin de 1811 ; Na–
poléon étaitdéja toutoccupé de ses projctscontre
lallussic, et sa tete ardente, r¡uoique immensé–
rnent vastc, ne portait pas deux projets
o
la fois.
Passionnéen 1810 pour le blocus continental,
il
clit trouvé dans une gucrre de l'Amérique avee
l'Anglctcrrcl'occasiondemillccombinaisons favo–
rables
it
ses plans, et il n'cut rico négligé pour
l'amcner.
A
la fin de18H ,au conlrairc,plcin de
l'idée de tcrmincr au nordde l'Europe toutcsses
luttcs d'un sculcoup, il ne donnait
a
M. Barlow,
ministre d'Amérir1uc et ami du prési<lcnt Mad–
<lisson, qu'uoc atlention distraite, et lui faisait
quclr¡uefois attendre une audiencc pcndant des
scnrnincs cnticrcs. Oulre ccttc disposition aux
préoccupations exclusives, ordinaire aux ames
passionnécs, Napoléon en avait une nutre tout
aussiprononeéc,c'élait uneespccc d'avarice poli–
tiquc, cons
0
islant
a
vouloir tircr lout des nutres
en lcur donnant le moins possible, elisposition
qui, par crainte d'ctrc dupe el'autrui, cxpose
quclquefois
it
l'élrc ele soi-mcme, car ne ricn
nccordcr, ou n'accordcr que trCs-pcu, n'cst sou–
vent qu'un moycn ele ne ricn obtenir. Pc1·sévé–
rant, quoiquc avcc moins de passion, elans son
systCmc de blocus continental, craignant tou–
jours, s'il y chrmgcait quclquc chosc, d'ouvrir
des issucs aux Anglais, craignant aussi d'Ctrc
dupe desAméricains, il voulait ne lcur ricn con–
cédcr tant qu'ilsn'auraicnt pasdéclaré la gucrre
:'1
l'Anglctcrrc.
11
rlisait sans ccssc
i1
M. Barlow :
u
Prononccz-vous, sorlcz de vos longucs hésita–
tions, el vous obticndrcz ele moi tous les avan–
tagcs que vous pouvez désircr.
i•
En allcndant,
les frégatcs
fran~aiscs
détruisaicnt tout batimcnt
américain portant eles blés
i1
Lishonnc ou
a
Cadix~
el nos corsnircs couraicnt sur ceux qui
cssayaicnt de pénélrcr dans les houchcs de la
Tamisc.
C'cst ainsi que la gucrrc qui aurait pu
Ci.rcdéclarécen1811 ne le ful pas,
<:l
que loutcccllc
annéc se passaendiscussions violentes entre les
parlis qui divisaicnt l'Amérique. Acliaquc vais–
scau arrivant d'Europe, on courait chcz M. Sé–
ruricr, ministre de Francc, pour savoJr s'il avail
rc~n
quclr¡ucs nouvcllcs satisfaisantes, et ce
rliplomalc, que Napoléon, aprcs les afi'aircs de
Jiollandc, avait envoyé
a
Washington pour
y
pousscr les Américains
ii
la gucrrc, et qui s'y
comportait avcc zclc et mesure, répétait chaquc
fois la
lc~on
qu'on lui cnvoyait loulc faite de
Paris, el clisait sans ccssc aux Américains que,
lorsqu'ils auraicnt abandonné Icor politique de
tcrgivcrsation, ils rccucillcraicnt leprix de lcur
dévoucmcnt
ii
la cause du droit marilime. Le
congrCs américnin fut ainsi ajournP.
i1
18t2 sans
avoir pris un parti, et ce fut, il faut le répétcr,
un grand malhcur, car cctle gucrrc était de
naturc
a
donncr au blocus continental une !clic
cfficacité, et
it
causcr aux Anglais une lcllcémo–
tion, que la politiquc du cabinct brilannique
aurait pu en ctre tout
o
coup changée.
Ccpcndant
il
élait impossible que ccttc situa–
tion se prolongcat, et l'annéc 1812 rlcvait finir
loutaulrcmcnt qucl'année 1811. Si laFranccf'ai–
sai
t
allcndreses conccssions commcrcia!cs, et sai–
sissait cncore de tcmps en tcmps quclques b:\li–
mcnts américains, l'Anglctcrrc pcrsistait dans la
négation absoluc du droit des ncutrcs, mainlc–
nait ses
ordrcs du conseil
daos loute lcur
rigucur, continuait sur les cótcs de l'Union la
visite des batimcnls américains et la
¡msse
des
matclots. Le nombre connu et publié <les matc–
lots cnlcvés avait produit une indignation géné·
ralc. ll passait, commcnous \'cnonsde ledirc, le
chi!frcde six millc, ce qui supposait unequan–
tilé bien plus considérablc de ces acles de 1•io–
lcncc, caron dcvait en ignorcr au moins autant
qu'on en connaissait. Une dcrnicrc circonstnncc
mil le r.omblc
a
l'cxaspération publique, ce fut
la déclaralion faiteparle cabincthritanniquc, au
momcnl ou le prince régcnt
rc~ut
la plériitudc
du pouvoir royal. Ce princc, ainsi qu'on J'a \
1
u,
appclé
a
la régcncc en '1811, avait été ohligé de
subir ccrtaincs rcstrictions
a
sa prérogativc,
rcstriclionsdcpcud'impo1·1nncc,maisqui parnis–
saicnt. ctrcune sortc cl'ajourncrncnt desoninslal-