Table of Contents Table of Contents
Previous Page  417 / 570 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 417 / 570 Next Page
Page Background

LA

Bl~l\ÉZINA

-

DECE!IDRE

1812.

403

muniquer, et ne se réveillaient que lorsque le

toit en flammes s'abirnait sur eux. On compla

une quanlilé de morts par eet étrange aecidcnt,

eclui de tous auquel on se serait le moinsat–

tendu.

A celte mullitude de victimes vinrcnt bien

inutilcmcnt s'en ajoutcr d'aulrcs, qui succorn·

bcrent plus vite eneo1·c que cellcs dont no11s

avons raconté le sort lamentable. Napoléon

n'avait laissé en partant que des instruclions

cxtrémement vagues, tant il était préoccupé des

désastrcs qui l'avaicnt frappé, et de ceux qui le

mcna~aicnt

encorc. 11 avait rccommandé, dCs

qu'on serait

a

Wilna, de rallicr l'arrnée, de la

nourrir, de la réarmcr, de la concentrer, et de

se replierensuite sur le Niémen,si l'on ne pouvait

lenir sur

In

Wilia, Malheurcusement il n'avait

rien preserit pour les vingl-einq mille hornmes

cnviron qu'on avait

ñ

Wilna, et dont Ja conser–

vation dépendait du soin qu'on apporlcrait

a

ne

pas les déplaccr sans nécessité. M. de Dassano et

legouverncur de la Lithuanie, soehant la grande

trméevivemcnt poursuivicpar les nusscs, n'ayant

surlout pas éprouvé ce qu'une troupe pouvait

devenir en quatrc ou cinq jours de marche par

le tcmps qu'il faisait., cxpédiercnt sur Smorgoni,

et

a

trcs-bonne intention, ce qu'il y avait de

meillcur

a

Wilna, notamrnent la division fran–

~aise

loison, les brigades Coutard et Franceschi,

la cavalerie napolitaine, et la cavalerie de

marche. C'étaient lousjeuncs gens, lrcs-capablcs

de se bien battre, comme l'avait prouvé récem–

mcnt la dh•ision Durulle envoyée au génfral

neynier, mais incapables de supportcr quaranle–

huit heures les souífrances qu'eoduraient depuis

deux rnois les malheureux rcrcnus de Moscou.

Sortant de caserncs cl1auffécs

¡,

douzc ou quinze

dcgrés, passant

a

un froid de trente, ils

fur~nt

saisis, et en quclques jours pérircnt pom· la

plupart.

L'arméc ayant

quit.té

Molodcczno, les rencontra

les uns

a

Smorgoni, les autrcs

á

Ochrniana, bien

vétus, bien nourris, et mo1·ts ccpcndant d'un

saisissement subit. Elle en cut pitié malgré la

profondc insensibilité daos laquellc elle était

tombée. Huit ou dix mille de ces nouvcaux

venus moururcnt en

ei.nq

ou six jours. Les Na–

politains surtout, amenés de si loin pour faire

sous leciel de la nussie le prcmicr apprentissage

des armes, succombcrent

11

la soudaineté d'unc

pareillc éprcuve. Les moins mnlt.railés ne pcr–

dircnt que lcurs chcvaux. C'est ainsi que com–

mencfrcnt

i1

se dissiper sans aucun profit les

dernicres rcssourccs dont on aurait pu se servir

pour arrCtcr l'enncmi et réorga-niser l'arméc.

Enfin

n

force de ma1·chcr, de soufTrir, de

joncher la lcrrc de ses rnorts,cctte nrnssedésolée,

luhc, nmnigrie, couvcrfc de haillons, portnnt

par-dcssus ses uniformes les plussingulicrs vctc–

ments inrnginablcs, des fourrurcs d'hommcs et

de fcmmes prises

a

Moscou, des soicries s'alics et

brtilécs, des couverturesdechcval, tous les objcls

en un mol qu'clle avait pu s'nppropricr, cclte

masse al'J'iva le 9 décembre aux portes deWilna.

Ce fut, pour ces coours qui paraissaient désormnis

inscnsibl'es

a

toute impression, l'occasion d'un

dernier sentimcnt de joie. Wilna! Wilna

!. ..

11scmblait que le rcpos, l'abondance, lasécurité,

la 1•ie enfin allaient se rclrouver dans cclte hcu–

reuse capitale de la Lithuanie, ou l'on se plaisait

" annonccr,

a

répéter, que la prévoyance de

Napoléonavnit nccumulé d'immcnscs rcssourccs.

JI n'y en av,1it ccrlaincment pas autant qu'on le

disait, mnis

il

y en avait plus qu'il n'en fallait

pour satisfoire les prcmicrs bcsoinsde l'arméc, et

pour lui donncr la force de rcjoindre le Niérnen

en mcillcur ordre, A

In

vue des mursde la villc,

la foule oubliantque la porte méme In plus large

sernit

111¡

défilé bien étroit pour tnnt d'homrnes

qui voulaicnt entrcr

a

In fois, et surtout pour la

masse ele bagagcs qu'on

avnil

encare, ne songcn

pas 1 faire le tour de ces murs, afin d'y pénélrer

par plusiellrs issucs. On suivait machinalcment

la tele de la colonne, et on s'aecumula bientót

clevnnt laportequi était

to11rnéc

vcrs Smolcnsk,

on s'y étoufTa,

011

s'y battit, on s'y tua commc

aux ponts ele In Ilérézinn. Vingt-qunlrc hcurcs

durant ce ful la mcme prcssc, la méme dillicullé

d'cnlrcrt par.

l'cxtrCmc

désir

qu'on en m

1

nit.

Dicntót, commc

a

Smolensk, les cITorls de l'au–

lorité pour rétablir l'ordre dans les corps, pro–

duisirent ledésordre. On voulait du pnin, de la

viande, du vin, des abl'is surtout, et on n'élait

pas d'humeul'

a

se Jaisser renvoyer par des

commisau régiment qui n'cxistait plus, et dont

il

ne restait que quclques officicrs, marchan!

ensembleaulour du portc-drapeau, qui lui-mcme

avait souvcnt plié son clrapcau clans son sac afin

de le sauver. On se précipita de nouvcau sur les

magasins pour les piller. Les soldats qui avaicnt

rapporlé un pcu cl'argenl, 1·cncontranl des cafés,

des cabarets, des auberges, des magasinsde lout

gcnre cbcz une populalion nmic qui n'avnit pns

fui, se préeipilcrcnt pour aeheter ce dont ils

avaicnt bcsoin, cffrayCrcnt par lcurs cris ceux

qui auraient pu le lcur fournir, fircnt fermer