LA BÉllÉZINA. -
DECE!IBRE
1812.
Eugcne), le 9• (Victor) avaicnl achevé rlc se dis–
soudrc daos
CCS clcrniCl'S
jOUI'~,
SOi.iSrflction clu
froid sans cessc croissant et d'unc marche sans
rcpos. Aux portrs de Wilna, le maréchal Victor,
qui avait rcmpli le dcrnicr le rólc d'anierc–
gardc, avait fini par se trouver sans un hommc.
Chaquc soldat ollait se chou!fcr, mangcr ou il
pouvait, et sm·lout chcrchoit i1évilcr les hles–
surcsi qui équivnlaicnt
a
Inmort.. 11
n:~Hriit
sur–
vécn que 5 millc hommcs au plus de la division
Loison, et peut-elrcautnnt de lagardeimpériolc.
Tous les généraux blcssés ou valides, n'nynnt
plus personne i1 commandcr, s'cn étaient allés
chncun de lcur cóté; et Mural, au milicu de ce
désordrc, désolé de la 1·esponsabilité qui pesaiL
sur sa tele, alarmé pour son royaume i1l'nspecL
du voslc ·naufragc qui ayail commcncé sous ses
ycux, pcu soulcnu par Bcrthier moladc et con–
sterné, Mural, la tele troubléc, ne savaiLque
fairc et qu'ordonner.
Mais l'cnncmi ne lui laissa pas meme le lcmps
d'hésilcr. Lrs débris de l'armée, commc nous
l'avons dit., élaicnt succcssivemcnt arrivés les 8
et 9 déccmbrc, el ils cncombraicnl Wilna, pil–
lanl les magasins de vivrcs et de vCtcmcnts,
lorsquc le 9 au soir Platow parul arce ses
Cosaques aux portes de ccttc villc. Aux prcmicrs
coups de fusil, le lroublc el le désordrc furcnl
au comble. D'arricrc-gardc il n'y en avait plus.
Le général Loison, qui scul avail quelques forces
n
sa disposition, accourul avec le ·19°, ancicn
régimcnt rccruté de jcuncs gens, el cssaya de se
placer en dehors de la ville. Le maréchal Ney,
qui n'avnit pos de eommondcmcnl, mais <JUi en
prcnait partoul ou il yavait du dangcr, ce qu'on
lui pcrmcttail volonticrs, le vicux Lcfcbvrc, rc–
lrouvant dans le péJoil son ancicnncéncrgic, cou–
raicnt dans les rucs de Wilna, crianLaux armes,
et s'c!forgant de ramnsscr quclqucs soldals armés
pour les conduirc sur les rcmparts. Speclaclc
doulourcux et digne d'unc affrcusc compassion,
que de voir la grande arméc réduilc i1 de !elles
miscrcs par des dcssins inscnsés
!
Enfin on arrcta
les Cosaqucs, mais pour quclqucs hcurcs scnlc–
mcnL, cLchacun ne songca plus<1u'a fuir. Mural,
si héroiquc dans les chnmps de la Moskowa,
Mural, l'invulnérablc Murat, que les lrnl:cs cL
les boulcts scmblaicuL ne pouvoir attcindrc, at–
tcint tout
a
coup de la maladie généralc, imita
son maitrc, et ne voulant pas plus livrcr aux
Russcs un roi prisonnicr, que Napoléon n'avaiL
voulu lcur livrer un cmpcrcur, se transporta
dans le faubourg de Wilna qui s'ouvrait sur la
CONStlLAT.4.
routc de Kowno.
11
s'y rcnrlit afin d'etrc en me–
sure de partir des prcmicrs. . JI se niiL en roule
dans la nuit du 10, en disanl qu'il allaita l\owuo,
oú l'on essaycrait de réunir l'armée dcrrierc le
Niémcn.
11
n'y avnit au surplus pas d'ordre
a
donncr pour que chaeun s'apprCtóL :'1 partir. On
s'en alla en confusion, qui d'un cólé, qui de
l'nulrc, Jaissnnt.
a
l'cnncmi
de
vastcs magasins
de tout gcnre, el., ce qui élaiL infinimcnL plus
rcgrcl.lablc, une quanlilé de blcssés cLde mala–
dcs, les uns placés dans les hópilaux, les aulrcs
rléposésehcz les habilanLs, oú le ehirurgien Lar–
rcy avaiLemployé ces dcux jours 1 les faire rece–
voir, enfin douzc ou quinzc mille soldalsépuisés,
aimant micux de1•cnir prisonnicrs que de conti–
nucr celtc marche morlcllc par 50 deg1·és de
froid, sans abri pour la nuit, sans pain pour la
journéc. On pcrdit cncorc
a
cclte hrusquc éva–
cuation ·18 ou
20
mille hommesqu'il cilLété
fa–
cilc de sauvcr. Toule la nuitdu 1Ofut employée
¡,
sortir de Wilna dcvant les Cosaques impaticnts
de s'y inlroduirc. Les coups de fusil rlcccux qui
enlraicnt, auxqucls répondaicnt les coups de
fusil de ccux qui se rctiraienL, tinrcnt cclte
malhcurcusc villc dans l'épouvanle. Chosc hor–
rible¡, dire, les misérables juifs polonais qu'on
nvait forcés
a
rceevoir nos hlcssés, des qu'ils
vircnl l'arméc en rclraitc, se rnircnt
i1
jctcr ces
blcssés par les fenetrcs, et quolquefois memc it
les égorgcr, s'cn délrnrrassant ninsi nprCs les
ovoir dépouillés. Triste hommnge 11 o!frir aux
Russcs dont ils étaicnt les parLisans
!
Aux portes de Wilna et
a
une licue, une autrc
scCnc vinl affiigcr les rcga1·ds. Une montngnc,
qui formai t la bcrgc gauchc de la Wilia, etque
six mois auparavanl nos cscadrons vicloricux
nvnicnt dcsccnrluc au galop en poursuivant les
Russcs, était couvertc de vcrglas cL préscntaiL
nux voiLurcs un obslnclc prcsqucinsurmonlaulc.
Des chars sur lcsqucls on ovait plaeé des oílicic1·s
blcssés ou maladcs, des caissons d'artillcric,cnli11
les fourgons du trésor, que M. de Bassano, pour
ne pas avoucr lrop tót ledangcr de Insitualion,
avaiL laissé le plus longtemps possiblc
n
Wilna,
cncomb1·nicnl le picd de lo montéc. Les conduc–
tcurs saisis d'épouvantc au bruiL de la fusilladc,
eriaicnl, foucllaicnt lcurs chcl'aux en proférant
d'a!fi·cux jurcrncnls. Les chcvaux ne pouvant
lenir sur laglacc, la foisaient éclnlersous leurs
picds
1
et lombaicnt les gcnoux en snng, tandis
que des picccs d'arLillcric, abandonnécs
a
moiLié
de la 111ontéc parce qu'il était impossiule de les
élcvcr plus haut, s'échappaicnt sur In pentc, et
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