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LA BÉREZINA. -

NOVBMBRE

1812.

597

sur la droite de la Bérézina. Le passage opéré,

il mit son artilleric en batterie afin de contenir

les Russes et de les cmpcchcr de passcr les ponts

a

not1·e suite.

Ilestaient plusieurs milliers ele trainards elé–

bnndés OU f11gitifs, qui avaient cnCOl'C

a

passer,

qui dans la journéc le voulaicnt trop, et qui le

soir venu ne le voulaicnt plus, ou du moins ne

le voulaicnt que le lcnelcmain. Napoléon ayant

donné l'ordre de détruire les ponts des la pointe

du jour, fit dire au général Éblé, au maréchal

Victor d'employer tous les moyens de hater le

passage de ces malheureux. Le général Éblé se

rendit lui-mémc

a

lcurs bivacs, accompagné de

plusieurs officicrs, et les conjura de travcrscr la

rivicrc en leur affirmant qu'on allait elétruirc les

ponts. M:iis ce fut en vain. Couchés

a

tcrrc, sur

la paillc ou sur eles branchcs d'arbre, autour de

grands fcux, elévorant quclqucs lambcaux ele

chernl, ils craignaicnt les uns la trop grande

affiuencc surtout pcndant la nuit, lrs autrcs la

pcr·tc el'un hivac assuré pour un bivac inccrtain.

Or arce le froid qu'il faisait, une nuit sans repos

el sans fcu c'était la mort. Le géuéral Éblé fit

inccndicr plusicurs bivacs pour révcillcr ces obs–

Linés, cngourdis

pa1·

le froid et Infatigue; nrnis

ce ful sans succcs.

11

fallut done voir s'écoulcr

toutc une 11uil snns que l'cxistencc

des

ponts,

<111i allait clrc si eourte, ftit ulilc

a

ta11l d'infor–

tunés.

l.c lcndcmain 29,

a

lo

pointc du jour, le gé–

néral Éblé arnil

re~u

ordre ele délruirc les ponls

des scpt hcurcs du matin. Mais ce noble crour.

aussi hunrnin qu'intrépide, ne po11vnit s'y eléci–

dcr.

11

avnit fait disposcr d'avancc sous le tahlicr

les matiCrcs inccndinircs, pour qu'RlnprcmiCrc

apparition de l'cnncmi

011

put mcltrc le fe11, et

qu'cn altcndant lcsrctardalaircscusscnt le tcmps

de pnsscr. 1\yant cncorc été dchout cette n11il,

<¡ui était la sixicmc, landis que ses pontonniers

avaicnt dans chaquc journéc pris un pcu de rc–

pos, il élait lit,

s'cffor~ant

d'nccélércr le passngc,

et CllVO)'iHll elirc

a

CCUX qui élnic11t CU rclard

qu'il fallait se luitcr. Mais le jour vcnu il n'y

nvnil plus

i1

les stimulcr, et, convaincus ll'Op

tard, ils n'étaicnt que trop prcssés. Toutcfois on

défilait, mais l'en11cmi élait sur les hautcurs vis·

i1-vis. Le général Éhlé, qui, d'aprcs les ordres

du quarticr général, nurait du avoir délruit

les ponts

íl

sept hcurcs au plus lord, elifféra

jusq11'n huit. Ahuit, des ordrcs rtÍilérés, la vuc

tic l'cnncmi qui approchait, tout lui faisail un

deroir de ne plus perdrc un instan!. Cepenrlant.,

CONSULu.4.,

comme l'artillcrie du maréchal Victor était lii

pour contenir les Ilusscs, il é.tait venu se placer

lui-mcmc ii la culéc des ponts, et rclcnait la

main de ses pontonniers, voulant sauvcr cncorc

quclqucs victimes si c'était possiblc. En ce 1110-

mcnt son

~me

si !Jonnc, quoiquc si rudc, sour–

frait cruellcmcnt.

Enfin, ayant attcndu jusqu'ii pres !le 11euf

hcurcs, J'ennemi arrivant

!t

pns nccJ!érés,

el

les

pontsne pouvanl plus servir qu'aux Ilusscssi ron

différait davanlagc, il se décida, le creur navré,

el endétou1·nant les ycux de celtcsccncaffrcusc',

it

fairc- meltrc le fcu. Sur-lc-champ des lorrcnls

de furnéc el de llnmmcs cnvcloppercnt les dcux

ponls, el les malhcurcux qui étaicnt dcssus se

précipitcrenl pour n'clrc pas entrainés daos lcur

chute. Du scin de la foulc qui n'avait point cn–

corc passé, u11 cri de désespoir s'élcva tout

¡,

coup : des plcurs, des gestes convulsifs s'apC•"

cevaicnt

SUI'

raulrc rivc. Des hlcssés, ele paU\Tl'S

fcmmes tcndaicnt les oras veJ'S lcurs compa–

lriotes1 qui s'cn allnicnl, forcés mnlgré cux de

les abandonner. Les uns se jctaient dans l'c:,u,

11':rntrcs

s'élan~nicnt

sur le ponL

en flammcs,

clwcun cnfin tcntail un cffort suprcmc pou1·

échapper

li

une

captivité

qui

équivalait

i1

lamorL.

Mais lc's Cosaqucs, arcourant nu galop, el cn–

fon~ant

lcurs lances au milicu de ccttc f'oulc,

Luercnt d'tibord quclqucs-uns de ces i11fortuués,

reeueillircut les auLrcs, les poussCrcnL commr

un

ll'OllJlC:lU

\'Cl'S

l"nrméc

l'llSSe

1

puis fondircnl

su1·

Je

butin. On

ne

~ait

si

ce furcnt

si.x,

sepL

011

lrniL rnille individus,. hommrs, fcmrncs, cnfonts,

milil:drcs ou íugiLifs, cnntinicrs ou soldals ele

l'armée,

íJUÍ

rcstCrcnL ainsi dnns les nrnins tics

Ilusscs.

L'arméc s'c retira profondémcnt affcctéc de ce

spcelnclc, et pcrsonnc n'r.n fut plus affccté 1¡uc le

généreux el inlrépidc Éblé, qui, cu dévouanl

11

vicillcssc au snlut de lous, pouvail se dirc qu'il

était lesauveur de tout ce qui n'avail pns pfri ou

rléposé les armes. Su1· lescinquantc et quclqucs

millc individus armés ou désarmés qui rnnient

passé la Bérézina, il n'y en avnil pas unscul qui

ne lui dut la l'ic ou la liberté, i1lui et

n

ses pon–

tonniers. Mais ce grand scn•ice, la plupni'l des

pontonniers qui a\'aicuL lravaillé dans

rcau

l'11vaicul déja payé, ou allaicnt le payer de lcur

vic; cLle général Íohlé lui-mémc avait ro11t1·ncté

une maladic mortcllc

a

lnqucllc

¡¡

dcvnil promp·

tcmcntsuccom!Jcr.

Te! ful ccl immortcl éréncmcnt de la Béré–

zina, l'u11 eles plus tragi1urs tic l'histoire. Les

>ti