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LIVnE QUAnANTE-CINQUIEME.
vaient précicuscmcnt commc le dépót de lcur
honneur. La déso1·ganirntion dcpuis Krasnoé
avait foit des progrcs elfrayants par suite de la
lassitudc croissanlc, laquclle élait cause que
bcaucoup de soldats, rncrnc de trcs-bonnc vo–
lonlé, rcstaicnt en arriCrc, et une foisen rctard
dcmeuraient machinakment dans l'immcnsc
troupcau des hommcs marchantsans ai·mcs.
Vcrs la fin du jour arriva le
·ter
corps, sous
son cher, lemaréchal Oavoust, qui dcpuis Kras–
noé avait rccornmcncé
3
didgcr l'arriCre-garde.
C'était le scul qui cúL conservé un pcu de tenue
militairc. L'immorlellc division Frinnt, dcvenue
division Ricard, avaiL péri prcsque tout cnticrc
UKrasnoé, et ses déüris
suivair11L
confusémcnt
le '1" corps. Les quatrc divisions restantes prc–
scntaient lrois
il
quatrC mi!le
hommes,
mais Ul'–
més, rangés autour de lcurs di•apcaux,
et
amc–
nanL lcur artillc1·ic. Le maréchal Oavoust, plus
triste que de coutumc, éprouvait une sortc de
révolte intéricure en voyant l'arméc réduitc 1un
lcl état. Moins soumis, il clit laissé éclatcr son
il'ritation. Les complaisants qui dans cettc aí–
freusc situation n'avuicnt pas e11corc
pcrdu le
couragc ele flattcr, pcignt1icnt
a
NnpoléonJa tris·
tcsse du maréchal
con.meune faiblessc, eL cxal–
taicnt 3qui rnieux rnieux la belle sanlé, labonne
humeur du rnaréclial Ncy, dont la résistancc
a
loutcs les misrrcs é1aiL, en clfeL. admirable.Pour
bien flatler Napoléon en ce momcnt, il follaiL
n'a,oir ui froid , ni foim
1
ni somrneil, ni aucunc
trace de maladicl Malheurcusement toutrs les
sautés ne se prCtaicut pas
a
ce gcnrc de Oat–
tcrie.
Le 9° corps, cclui du maréchal Victor, ap1·cs
avoi1·
Jenlcment
rétrogrndé
dcvant Wittgenstein,
auquel il dispulait
le
tcrrain picd
a
picd, vcnait
cnfi11
de
se
rcplicr
en couvrant
la grande
armée.
11 s'était placé entre Borisow et SLudianka,
de maniCrc
a
protégcr ces dcux positions. On
arait bien prévu que le passngc
sc1·aiL
pcu trou–
Llé pcnd:111l les deux prcrnic1·es journécs, celles
du 2G el du 27, parce que sur la rivc droile
Tchitchakoff, ignoranL le vrai point Je passage,
chcrcliait
a
nous arrC!crau-dessous de
BOl'isow,
el <1ue sur la ril•c gauche Wit1genstcin rt Kulu–
sofn'ayant pas encare cu le tcmps de se
1'éuni1·,
ne nous scrraicnt pas d'asscz prCs. 11 étaH
pro~
bable que le passage scrait rnoins paisiblc le 28,
que Tchitchakoff micux éclairé nous attaquc1·ait
\'iolcmmcnl sur ta rivc oú nousavions commcncé
a
dcscendrc, et queWittgenstein et Knlusor, ar–
rivés cnfin sur nolrc flanccL nos dcrricrcs, nous
allaqueraicnt tout aussi violemmeut sur la rivc
que nous achevions de quittcr. Napoléons'atten–
dait avec raison que Ja journée décisive scrait
cclle du lendemain 28, que Tchitchakoff tache–
raiL elejetcr la tele de nolrc colonnc dans la Bé–
rézina, et que Witlgcnstcinet Kutusof s'elYorce–
raient d'y jctcr la qucuc. Ne répélant pas ici la
faute commisc
a
Krasnoé, ccllc d'une rclraite
succcssive, il
était
résolu
i1
se sauvcr ou 11 périr
tons ensemble, et en conséqucncc il avait destiné
Oudinot passé le premicr, Ncy et la garde pas–
sés aprcs Oudinot, ¡, contenir TchitchakoIT, et
Victor,
a
COU\
ril' Ja fin <lu
passage avcc le
9° corps. Mcltant loujours un extreme soin
a
tromper TchitchakoIT, il prcscrivit au maréchal
Victor de laisser ¡, Borisow la·division
íran~aisc
Parlouncaux, déja réduite par les marches, les
combats, de '12 mille hommcs
a '•
mille. Avcc la
elivision polonaisc Girard et la division alle–
mande Oaendels, ne préscntant pas plus de
9 mi lle hommcs
i1
clics dcux, el 700
ú
800 chc–
vaux, le maréclrnl
Victor dc\'ait
couvrir'Stu–
elianka. Voila ce qui survivait eles
21,
millc
hommcs avcc lcs11urls ce mai·échal avait <¡uiLLé
Smolcnsk pour allcr rC'joindre Oudinot sur
l'Oula. En un rnois elemarche,en quclques C'Om–
hlts,
'iO
ú
11 rnille hommcs araienL disparu. Au
surplus la tenue de ce qui rcstait était excel–
lcntc, et
en
voyant arrivcr
la
grande
a1·méc,
dont la gloirc faisait réccmmcnt l'objet delcur
jalousic,
il::;
étnient
saisis
de
pitié, et
dcman–
daicnt
il
ces soldats accablés, ayant presque
pcrdu l'orgucil
a
force de miscre, quelles ca!a–
mités avaieuL pu les frappe1·?- Voussercz bien–
IÓl
comme nous
!
répondaicnt tristcment les
vainqucu1·s de Smolcnsk et de la Moskowa
u
la
curiositédc lcu1'sjcuncs canrnracles.
Napoléon avaiL complété ses dispositioas pour
la journée rcdoutéc du 28, en ordonnant au
maréchal Darnust, clCs qu:¡¡
nurait
passé,
ele
s'nwrnccr
sur
la
routc
de
Zemhin,
qui
était cellc
de Wilna, afin de n'étre pas prél'enu par les
Cosaques
ú
plusicurs défilés importants de cette
routc bordée de bois el de nrnréca3·cs.
Lajouruécdu 27 íut ainsicmployéc
a
íranchir
la Bérézina,
et
i1
prl-parer une
résistanee déscs–
pérée. Le rncme jour, un troisicmcaccident sur–
vint
U
<lcux
hcurcs
de
l':i¡)l'Cs-mitli ,
loujOUl'S
:lU
pont de gauchc. 11 íut bientóL réparé, mais les
voitures al'l'ivant en grand
nombre
a
la
suite
des
corps se prcssaicnt
il
ce ponl, et
il
était extrc–
rncmcnL <liílicile de les obliger
i1
nedéfilcr que
successivcmcnt. Lesgendarmes d'élitc , les
pon-