LA BÉRÉZINA. -
•OVEM8RE
1812.
587
fait
détruirc
a
Orsclrn, il avait sauvé six caissons
rcnfcrmant des outils, des clous, des crampons,
lous les fers cnfin néccssaircs
¡,
la conslrucLion
des ponts de chevalcts, et dcux forgcs de cam-
1rngnc. Ces divcrscs voiturcs étant bien attclécs
avaicnt Ja possibilité de chcminer rapidcmrnt.
Dans sa profondc prévoyancc, le général l;blé
s'élait réscrvé dcux 1•oiturcs de charbon, afin de
pouvoir forgcr sur place les picccs dont
011
man–
qucrait.
JI
lui rcstait de son corps quatre ccnts
pontonniers éprouvés, sur Jrsquels il avait con–
servé un cmpirc absolu. Éblé et Larrey élaient
les dcnx hommes de bien que toutc l'arméc con–
tinuait
a
respecler et
a
écoutcr, mcmc c¡uand ils
Jui dcmandaicnt des choscs presquc impossibles.
Le général Éblé partil done Je
21,
au soir de
Lochnilza pour Borisow arce ses quatrc ccnls
hommcs, suivi de l'lialJile généi-al Chassclonp,
qui ovait cncorc c¡uclqucs sapcurs mais sans au–
cun reste de nrnléricl, et qui était digne de s'as–
socicr
¡,
l'illusl1·e chef de nos pontonnicrs. On
marcha toulc la nuit, on aLtcigniL Borisow le 25
a
5 heurcs du matin, on
y
laissa une compagpic
pour fairc les lro111pcurs apprcls d'un passagc
au-dcssous de ccllc
Yillc,
et on s'cngngl'a cnsuitc
3
ll'<t\'Cl'S
les maréc:1gcs et les hois
p~ur
l'C'lllOll–
ler, par un mouvcmcnt
a
droitc, le bord de la
riviCrc jusqu'Il Studianka. On n'nrriva encctcn–
droit que dans l'aprcs-midi du 25. Dans son im–
paticncc, Napoléon aurait voulu que les ponls
fusscnt établis Je 2!i ausoil', C'était chose i1npos–
si1Jle, mais ils pouvaicnt l'cl!'e le 26 en lr<1vail–
lant toulc la nuit, ce qu'on élait bien décidé
a
faire, quoiqu'on cut mal'ché les cleux nuits el les
dcux journées précédcnles. Le général Éblé
parla
a
ses hommcs, lcur <lit que le sort ele l'ar–
méc étaiL entre lcurs mains, lcur communiqua
ses nobles sentimcnts, et en obtint la promcsse
du dévouemcnl le plus absolu. 11fallail, par un
froid qui était lout
a
coup rcdcvenu !les plus vifs,
travailler dans l'cau loulc la nuit et loutc lajou1·–
néc du lcndcmain, au milicu d
1
énormcs
gla~ons,
pcut-cl.1·e sous les boulcts de l'cnncmi, sans une
heurc de rcpos, en prcnaul
¡,
peine le tcmps
d'm
1
alcr, au licu de pain, tic "iandc et d'cm1·dc–
vic, un pcu de bouillic sans sel. C'était
h
ce p1·ix
que )'arméc pourait Clre SUUl'ÓC. 'l'ous CCS pon–
tonnicrs Je promircnL
Íl
lcur général,
CL Oll va
voir commcnt ils lin1·enLparole.
Les ponlonnicrs que le maréehalOudinol avait
cnvoyés, avaicnt déja p1·éparé qnclc¡ucs chcralels,
rnais ils ne possédaicnt pas Inmcimc cxpéricncc
que ceux du génél'al Éblé, eLil fallut rccommcn-
ccr le lravail. Le général Éblé avait pour le sc–
condcr des officicrs dignes de s'associer
a
son
reuvrc, nolam111cnL son chef d'étal-major Cha–
pcllc, el le coloncl d'artillerie Chapuis. N'ayant
ni le temps d'aballre des bois ni cclui de les
délJitcr, on alla au nrnlheurcnx villagc de Stu–
dianka, on en dé111olit les mnisons, on en re–
tira les IJois 1¡ui semblaicnt
Jll'OJll'CS
a.l'élablis–
SClllC!ll
d'un
ponl, on forgca
les
fcrs néccssaircs
pour les licr, et avcc les uns et les aut1·cs on
consl1·uisit une suite dechcvalcl<. AJapoinle du
jour du 26, on ful préL
¡,
plongcr ces chcvalcts
dans 1'.cau de la Ilérézina.
l\'apoléon, apri:s s'étre porté de Lochnilza
a
Borisow, et nvoir couché au chtitcau de StaroY–
Borisow (voir les cm·tcs n" !i:í et 57), était ac–
cou1·u au galop aStudianka des Je 26 au matin,
pour assi;Lcr
¡,
l'établissemcnt des ponls. Arrivé
avcc ses liculenants, Mural,, llcrthicr. EugCnc.
Caulaincourt, Duroc, qui tous nvaicnt l'exprcs–
sion de Ja plus profondc andéié sur lcur visagc,
carence rnomcnl il s·agissaitdcsavoirsi le mnitrc
du monde scrait le lendcmain prisonnicr des
fiusses, il rrgartlait travaillcr et n'osnit
¡u·1
1
sscr
des hommes qui,
i1
Ja roix de Jcur respcclable
génfral, déployaicnt lout ce qu'ils avaicnt de
force et d'inlclligenre. Ce n'était pas tout que de
plongcr hardimcnt dans celle cau glaciale pour
y fixcr les chcralcts, il f.llait encorc achevcr ce
difficilc ouvrnge nrnlgré l'cnnemi, donL on apcr–
ccvait les 1•edctlcs sur Ja rive opposée.
l~laiL-il
Ja
sculcmcnt avcc quc!IJUCS Cosaqucs ou avcc lout
un corps de troupes? Aurait-on quclqucs cou–
rcurs
a
éc;1rlcr
ou une
armée culiCrc
a
combnttrc
au momcnt du passagc? Tcllc élait 1" IJUCslion
qu'il importait cl'éclaircir. Le maréchal Ouclinot
avait
un
ai;lc
de
camp aussindroit qu·intc!ligcnt,
doué en oulrc du plus rarc eourage. Cct niclede
camp, r1ui était le chef d'cscadrou Jaequcminot,
suil'i de quelques cavalicrs portanl en croupe un
volLigcur,
s'élan~a
:1
chc\
1
al dans la lldrézina. La
travc1·sanl Lnntól
:1
gué, lantót
11
la nagc, il .1ttci–
gniL l'¡¡utrc
rivc hérisséc de glactons
qui
rcnrlaicnt
l'abordagc trcs-diffieilc.
JI
surmonla ces difficul–
tés, fondit sur un pclil bois occupé par quclqucs
Cosaqucs. et s
1
cn empara. On 1ú1pcrccvnit qu'un
lrcs·pclil nomb1·c cl'cnncrnis, et le chef rl'csca- ·
dron Jacqucminol 1•int portcr
ii
Napoléon cdlc
bonnc nourellc. 11 aurait fullu ccpcnd:ml un
prisonnier pour se rcnscig:ncr plus cxnctcmcnt
sur ce qu'on avnit
il
craindrc ou
fa
cspé1·cr.
Le
IH·a1·c Jacqucmiuot repassa Ja Bé1·ézina, prit avcc
lui quclques cavalicrs délermiués, se jeta sur un