LA BÉfiÉZINA. -
.avrnnnE
1812.
583
sur-le-champ, par un mouvement transversal de
droile
a
gauehe, de Czéréia
a
Ilorisow, afin d'y
soulcnir les Polonais el de les aidcr
a
conscrvcr
le pont de la Ilért'zina ; au maréehal Viclor, de
rcstcr sur la droite, en face de Wittgenstein et
de Sleinghel, de les conlcnir en Ieur faisant
craindrc une manmuvrc de la grande armée
conlre eux, el
de lui donncr
ainsi
le
lcmps d'nl··
teindrc la Bérézina. Si ces instructions. comme
on devait le penser, étaient bien suivics, Tchit–
chakoff étanl éloigné de Ilorisow par Oudinot,
et Wittgenstein étant contenu par Victor, on
pournit arriver
a
tcmps sm· la Ilérézina, la pas–
scr en ralliant Victor et Oudinot , reprendre
Minsk et ses magasins dont Tchitchakoff n'avait
pu consomrner qu'une bien petitc parlie, rallier
Schwnrzenberg, se trourcr ainsi avec 90 mille
homrncs clans la main, en mesured'accablcr une
oudcux des
lrois
armécs russes, et tcrmincr par
un triomphe une carnpogne brillante jusqu'a
Moscou, calamiteusc depuis Malo-Jaroslawetz,
mais dcslinéc peul-etre
a
redevcnir brillanlc,
n1cmc triornphale en finissant. Quoique dcvbnu
müfianl envers la fortunc, Napoléon ne déscs–
péra pas de se relcvcr au dernier moment, et en
renvoyant le généi·al Dode, Iaissa voir un rayon
de satisfaction sur son visagc. 11 se mil immé–
dialement en marche d'Orscha sur Ilorisow.
Le 20 novembre, il s'était porté d'Orscl1a sur
leehatcau de Baranoui. 11 vint le
2·1
a
Kokanow,
et le 22 se mit en marche pour Bobr. Le lcmps,
quoique trcs-froid cncorc, s'était tout
i1
coup
rch\ché de
so11
exLrCmc rigucur. Mnis on ne s'cn
trouvait pas mieux. Les superbcs bouleaux qui
bordaicnt la route laissaicnt s'écouler en goutlcs
de pluie la neigc et la glace dont ilsétaient cou–
verts, et les soldats marchaient dans
la
bouc
exposés
ii
une humidité qui rcndait le froid plus
pénétrant. Quant aux voitures d'artilleric, clics
avaient la plus grande peine
a
rouler au milieu
de cette fange
i1
dcmi glacée. Ainsi malgré les
inconYénicnts
d'une
tcmpératurc rigourcusc,
micux cUt valu un tcrrain solide, des ririCrcs
gelécs, nrnintenant surtout que le prcmicr inté–
rét était d'aller vite. Mais on n'cn élait plus
a
compler avcc le malheur, et on semblait mar–
chcr sous ses coups commc on marche sous la
rnilraillc dcvant un cnocmi qu
1
on cst résolu 3
braver.
Arrivé le 22 au milieu du jour
ii
Toloczin,
Napoléon
re~ut
une dépeche de Ilorisow, qui
lui apprenait la plus cruelle de toutcs les nou–
vclles, c'est que les généraux Bronikowski et
Dombrowski, aprcs avoir défcnJu cl'une ma–
niere opinialre la tete Je pont de Borisow sur la
l3érézina, aprCs avoir rcpoussé plusicurs nssauts,
pcrdu 2 35 milfc Jiommcs, causé
Ü
l'CílllCllli UllC
pertc au moins égalc, Llcssé ou tué des ollicicrs
de la plus grande clistinction, notamrncnt le
général russc Lnmbcrt, avaicnt élé obl.igés de se
rctircr en arriCrc de la villc de Borisow, et
J'nbandonnc1· le pont de la Bérézina. lis étaicnl
sur In g1·ande routc qu'on sui"ait, 3 une mnrchc
el dcmic en avant. On n'était plus en cffct qu'il
quclqucs licues de J'enncmi qui nous barrait
le
passage de la Ilérézina, et on était privé du seul
pont sur lequcl on put franchir cclle rivicre.
Comment en jctcr un, avec le pcu de moycns
clont on disposait, surlout avcc aussi pcu de
lcmps, ayant
a
gauchc Tchitchakolf vicloricux,
qui pouvait venir détruire tous nos lravaux de
passagc ;
a
droite Wittgenstein, qui
ne
mnnquc–
rait pas de nous prcndrc en llanc pcnd;rnl que
nous cssayerions de passer, el pnr dcrriCrc eníin
Kutusof, qui, d'aprcs toutcs les probabilités, dc–
vait nous assaillir en queuc landis que les autrcs
généraux russcs nous ntlac¡ucraicnl
de
front
ou
par cóté? Jamais on ne s'était trouvé dans une
posilipn plus aITrcuse, surtout si l'on compare
cettc position au degré de fortune duque!
011
éiait tornbé dcpuis le passage du Niémen
h
Kowno, au mois de juin précédcnt. Quclle chute
épouvanlablc en cinq mois
!
Napoléon, en recevant cctle clépcche, desccn–
clit de chcval, la lut avec une émotion clont il ne
laissa rien pcrccr, fit quelques pas vers un feu de
Li\lac qu'on venait d'allu1ncr sur lagrande routc,
et ;ipcrccvant le général Dodc qui était de rctour
de sa mission auprcs des maréehaux Oudinot et
Victor, il lui ordonna d'approchcr. A peine le
général fut-il pres de lui, que Napoléon, le 1·c–
gardant avcc des ycux dont l'cxprcssion étail
sans égalc, lui adressa ces simples mots :
lis
y
sont...
ce qui se rappo1·tait au.x cntrelicns anlé–
ricurs du général uvcc l'E111pcrcur, et voulait
dirc:
u
Les Russes sont
i1
Borisow. )) Napotéon
alors entra dans une chaurniCrc, et étatant sur
une table de paysan la carie de Hussic, se mita
discutcr avec
Je
général Dodc les moycns desor–
tir de ccttc situation prcsquc sans issuc. Napo–
léon était aITecté, mais non alx1ttu. QuclqucJ'ois
il
élait attcntif
i1
la conversation, quclquefois il
scmblait abscnt, écoutait sans cntcndre, 1·cgar–
dnit snns voir, puis rcvcnaiL
ü
son interlocutcur
rL
a11
sujet de l'cnlrctien. 11 lnis5n nu génét'al
Dodc, doué d'un esprit forme quoiquc modcstc,