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Ll\'nE QU, llANTE-CINQUIEME.
poste russe qui se ehauffait aulour d'un grand
feu, cnlC\':l un sous-officicr, et Je rarncna
dans
le
petil bois ou il avait é1abli son délachemcnl.
Pu is le
íor~anl
a montcr en croupe avce lui, el
travcrsantde nouvcau la Bérézina, il !'amenanux
picds de Nnpolion. On inlcrrogca le prisonnicr,
et on appril n1·cc une sntisfaction íacilc
a
com–
prcndre, que Tchitclrnkoff élait nvcc le gros de
ses forces devnnt Borisow, tout oceupé du pré–
ten<lu passagc des
Fran~:iis
au-dcssous de ccltc
villc, el
qu'i1
Studianka il n'y
aniit
qu'un tléla·
chcmcnt de troupes légCr·cs.
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fallait se h:\tcr de profiter de ces heureuscs
conjonetures. Mnis les ponls n'éinient pas préls.
Le lm1vc Corbincau :wcc sa brigadc de ca\'alcric
prcnanl en croupe un ccrtain nombre de \•olti–
senrs
s'eugngea
dans la llérézina, la travcrsn,
commc
il
avait déja fait, ces cnvalicrs ayant pied
quclr¡ucíois, r¡uclquefois porlés par leurs chcvaux
~
la nage, el quelqueíois aussi emportés par le
torren!. Le lit de la ril'icre íranchi, il surmonta
les diflicultés que préscntait le bord hérissé de
gla~ons,
el vinl s
0
établi1· en force dans le Lois r¡ui
devnit nous servir d'appui.
JI
mnnquait d'a1·til–
leric, Napoléon y suppléa endisposnnt sur la rivc
gauchc une quarantainc de bouchcs
i1
ícu, qui
dcvaicnt tirer d'une rivc
i1
l'autrc par-dcssus la
tole de nos homme;, au risque de les atteindre.
M;iis dans la situationoú l'onse lrouvait, on u'cn
était pus
a
comptcr les inconl'énicots. Cctte prc–
miere opérntion lcrminéc, on pouvnil se flatter
de restcr mnilre de la rive droite jusqu'ú ce que,
les ponts étnnl achevés, l'armée pút déboucher
lout entiere. L'étoile de Napoléon semblait re–
luirc, el ses officiersgroupés autour de lui Ja sa–
luCrent nvcc
un
scntiment dcjoiequ'ils n'avaicnt
pas éprouvé dcpuis longlcmps.
Toul d<'pendnit maintenanl de l'éta!Jlissc111cnt
des ponls. Le projct étail d'cn jelcr dcux
/1
cent
toises de distancc, l'un
a
gnuchc pour les voi–
turcs, l'aull'C
a
droitc pour les piélons el les ca–
vnlicrs.
Cent
pontonnicrs étaicnt entrés dans
l'cnu, el s'aidanl de petits radeaux qu'on nvnil
construits pour cct usage, avaicnt commcncé
l1
fixer les chcvnlcls. L'cnu gelait, el il se fornrnit
:iutour de lcurs épaules, de leurs brns, de leurs
j<imUes, des
¡;la~ons
qui, s'allaclrnnt aux chairs,
causaienl de vives douleurs. lis soufTraicnl sans
se plnind1·c,
sans pnrailrc mCme nffcctés, tant
lcur aJ'dcur étnit grande. La riviCrc n'avait en
ccl cndroit qu'unc einqunntainc de toises de lar–
gcur, et avec vingt-trois chcvalcts pour choque
ponl on réunil les dcux bords. Afin de pouvoir
trnosporler plus tót des troupes sur l'autre rive,
onconcentra tousses e!Torls sur le pontdedroile,
eelui qui étnit destiné aux piétons el aux cava–
liers, et
o
une heure de l..prcs-ruidi il íut pra–
ticnble. Nnpoléon avnil amené
a
Studianka le
corps du mnréchal Oudinot, et avait remplacé
eclui-ci
ú
Borisow par les troupes qui suivaienl.
11
fitimmédiatemcnt ¡mser sur Inrive droitc les
di,
1
isions Lcgrand et Maison, les cuirassiers de
Doumere, composnnl le 2°corps. et y joignit les
l'CSles de la division Dombrowski, le loul mon–
lnnt
lt
n
mille hommes cnviron. On fil rouler
nvec bcnucoup de précnulion deux bouehcs
a
rcu
sur le pont des piétons, el armé de ces moyens
Oudinot, se rnbattnnt b1·usq11ement
a
gnuchc,
fonditsurquelqucs lroupesd'infanlericlégcrc que
le général Tchaplitz, commandanl l'avnnl-gnrde
de Tcbitchnkoff, avail portées sur ce point. Le
combat íul vií, mnis court. On tun dcux cents
hommcs
a
l'cnncmi, et onput s'établir dans une
bonnc position, de maniere
a
couvrir le passngc.
On nvnit le lemps, en employnol bien la fin de
cette journée du 26 et la nuit suivante, de íaii·e
passcr assez de troupes pour tenir tete
a
l'nmiral
Tchitchnko!T.
11
est vrai qu'il fallnit au moins
deux jours•pour que l'armée, pnrvenue toul en–
ticrc
a
Studionka, eút franchi les dcux ponls, et
en deux jours TchitehakofT pouvailse concentrer
devant le point de passage pour nous empccher
de cléboueher sur la rive droite. De son cóté
Wittgenstein, qui étnil commc nous sur In rive
gauche, pouvail culbutcr Victor, el se jeler dans
nolre !lnnc droit, pendant que Kulusorviendrnit
assnillir nos de1Ticres. Dans ce cas la conl'usion
dcvait Ctrc épouvnntablc, et
il
étnit
A
craindre
queJa tentative de pnssngc nese convcrtiten un
désaslre. Pourlant une moitié de nos clnngcrs
était hcureusement surmontée, et il était pcrmis
d'cspércr qu'on surmonterait )'nutre moitié.
A r¡ualre heurcs de l'aprcs-midi le sceoncl
pont íut terminé, el Napoléon s'employa de sa
personnc
it
íairc défiler sur la rive droile lous
ceux qui arrivaienl. Quant a lui,
il
voulul de–
mcurer sur la ri\•c gauchc, pour ne passcr que
ele> clcrniers. Legénéral Éblé, sans prendre lui–
mCmc un
moment de repos,
fil
couchcl' sur
la
paille une moitié de ses pontonniers, afin qu'ils
pusscnl se 1·elever les uns les aulres clans In pé–
niblc tuche de gai·dcr les ponts, d'cn exercer la
policc, et de les répnrcr s'il survcoait des aeci–
deuts. Dans celle journéc, on fit passc1· Ja garde
!.
picd, et ce qui rcstnil deJugnrde 1 cheval. On
commcn~a
ensuile Je cléfilé des l'Oilures ele l'ar-