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LA BÉRÉZlNA. -

NOvtMBRE

1812.

589

tillerie. Par nrnlheur le pont de gauche desliné

nux voituresclianeelait sous le poids éuormcdes

charrois qui se succédaicnt sans intcr1·uplion.

Prcssé commc on était, on

n'avail

pas cu Je

temps d'équarrir les liois formant le lablier clu

pont. On s'était scrvi de simples rondins, qui

présentaient une surface inégale, et pour adou–

cir les rcssnuts des voiturcs, on avait mis dans

les crcux de la mousse, du ehanvre. du chaume,

lout ce qu'on avait pu nrrachcr du \'ill:ige de

Sluclianka. Mais les cheraux enlcvaient nvcc

leurs picds cctte espccc de liticrc, et les ressauts

étant redevenus trcs-rucles, les ehevalcls qui

portaient sur les fonds les ruoius solides avaient

íléchi, le tablicr avait formé des lors des onrlu–

lations, el

ii

huit hcu1·es du soir trois chcvalcts

s'étaicntabimés n1·eclcs voiturcs qu'ilsportaient

dans le lit de la Bérézina,

On ful obligé deremetlre a l'ouvrage nos hé–

roiques pontonniers, et de les fairc rcnlrcr dans

l'eau, qui était si froidc qu'a chaquc instant la

glace brisée se rcfornrnit, 11 falhit la rOlll(ll'C a

coups de hache, se plongcr dans l'cau,

et

place ·

de nouveaux chcvalets 3 une profondcur de six

a

sept pieds.quclqucfoisdehuitdans les cndroits

ou le pont avait iléchi. Elle n'était aillcurs que

de quatre

a

cinq picds. Aonze hcurcs du soir le

pont rcdevint praticable.

Le général Éblé, qui avait eu soin de tcnir

éveillés une moitié de ses hommcs landis que

l'autre dormait (lui vcillant toujours), fil con–

struire des chevalets dercdiangc afin de parcr

n

lous les accidcnts. L'événcmcnt pronva bicntót

la sagesse deccllcprécaution. Adcux he11rcs de

la nuit trois chevalcls cédcrent e11core au pont

de gauchc, eclui des voiturcs, et par malhcur au

milieu du courant,

In

oú la rivicre avait scpt ou

huit picds de profoudcur.

11

fallait de nouvcau

se mcltrc au travail, el ccttc fois exécutcl' ce

diflicile ouvrage au milicu des téncbrcs. Les

pontonniers grelottants de froid, mouranls ele

faim, n'cn pouvaient plus. Le vénérablc général

Éblé, qui n'avait pas, commc eux, la jcuncssc et

J'avantagc d'un pcu de rcpos pris, soufTrait plus

qu'cux, nrnis

il

avait la supériorité de sonñmc,

et

il

la leur communiqua par ses paroles.

11

fit

appcla leur dévoucmcnl, lcur montrale désaslre

assuré de l'arméc s'ils ne parvenaicnt a rétablir

le pont, et sa vcrtu fut écoutée. lis se mircnt

ii

l'reuvre avec un zclc admirable. Le génfral Lau–

riston, qui avait étécnvoyé par l'Empcrcur pou1·

savoir la cause de ce nouvcl aeci<lcnt, scrrait en

versant des!armes la main d'Éblé, et lui disait :

ce Degrncc, luitez-vous

!

car ces rclards nous mc-

11accnt des plus grands périls. • Sans s'impa–

tientcr de ces instanccs, le vicil Éblé, qui ordi–

nai1·cmcnt avait la rudcsse d'une ílmc forte et

fiCrc, luí répontlnit :niec douccur :

u

Vous voycz

ceque nous faisons...

n

et rctournait nonpas sti–

mulcr ses hommcs, qui n'enavnicnt pns bcsoin,

mais les encouragcr, les dirigcr, et quelqucfois

plonge1· sa rieillcssc dans cellc eau glacéc que

ltur jcuncsse supportait

a

peine. A six hcures

clu nrnlin (27 novcmbrc) ce sccond accidcnt fut

n'paré, et le pnssage du matériel d'artillcrie put

rccomnrcncer.

I.c pont de droite, consacréaux piélonset aux

fanlassins, n'ayant pas cu les mCmcs sccousscs

li

cssuycr, n';1vait pas ccssé un moment cl'Ctrc pra–

lic;ible, et on aurait pu fairc écoulcr dons cctte

nuit du 26 au 27 novembrc presque toutc la

massc désnrrnée.

~lais

l'attrait de quelqucs

grangcs, d'un peu de pnille, de quclqucs vivres

trouvés

a

Studianka, enavait

rclc1

u une grande

portie sur la gauchc de la rivicre. Q11oiquc le

froid c¡ui avait rcpris ne fut pas cncorc suílisa11t

pour arrCtcr l'cau couranlc, néanmoins tous les

maraisnux approches de la riviCrc étaicntgchts,

ce quiétait fort hcurcux. cai· sans cctte ci1·con–

slancc

On

n'aurail pas

pu

les frnncl1ir.

Ou

avait

done allumé sur la glace des marécages des mil–

licrs de fcux, et, pour ne pas allcr courir aillcurs

la chance de bivacs moins suppo1·tablcs, dix

ouquinzc mille individus s'étaicnt établis sur la

rivc gauchc snns vouloir laquitter, de nrnniCrc

que la nrgligencc des piétons rcndit inutile le

po11t de droitc, tandisque les dcux rnplurcs sur–

ven11es coup sur coup rendaicnt i11ulilc celui de

gauchc, pcndant cctte nuit d11 26 au 27, tcmps

précicux qu'on dcvait bicnlót regrctler amcre–

mcnt!

Le matin du 27, Napoléon trai•ersa les ponts

arce lout ce qui appartcnait

a

sonquarticr géné·

ral et allase logcr dans un pelit village, celui de

Zuwnicky, sur la rive rlroite, dcrriCi·c le corps

du nrnréchal Oudinot. Toutc la joul'llée il se tint

a chcv;iJ JlOllr nccéléJ'er Jui-mcme Je passnge des

divers détachcments de l'armée. Ce qui rcstait

du

1 ..

0

corps (princc EugCnc), du 5

11

(maréchal

Ncy), du

a'

(prince Poniatowski), du 8°(Wcst–

phalicns), passa dans cctte journéc. C'élaient

a

peine deux rnillc hommes pour chncun des dcux

prcrnicrs,cinr

011

sixccnlspour chacun des dcux

autrcs, c'cst-a-dirc dcu,\'.

Olt

trois ccntshommcs

armés par

régimc11t

1

pcrsislnnt

i1

se

l.cnir

UYCC

lcurs oflicicrs autour des aiglcs, <1u'ils conser-