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LIVRE QUARANTE-CINQUIEME.
toicnt i1fairc pour arrivcr
a
Orscha. Sans tcnir
complc de la fatigue de ccux qui élaicnt déja
épuisés par les journécs du 18et du 19, on se mil
en roulc avcc l'espérance de triompher des der–
niCrcs difficultés, si comrnc la vcillc on n'avait
l1
sa suite que les cavaliers de Plalow, c¡uclque
nombreux qu'ils fussent.
Vers Je milicu du jour on cut nrnlhcurcusc–
mcnt
a
travcrser une vostc plainc, dans Jaquellc
les bandcs de Platow, plus considérablcs que la
vcille, fondircntsur nos fantassins arce beaucoup
d'artillcric. Lenrnréclrnl i'ícy forma sur-lc·ehamp
les restes de sa petilc troupe en deux earrés,
pla~a
dans l'intéricur de ces corrés quelc¡ucs pau–
vrcs trainards qui s'élaicnL attachés
i1
sacolonnc,
quclqucs soldats qui n'avaienl pu suivrcqu'cnlois–
sant échapper lcurs armes, et les rnaintint contre
les attaqucs réitérécs des Cosaques, qui rncttaicnt
a
honncur cl'avoir vnincu au moins une fois un
Jambeau quclconquc de l'infantcric
fran~aise.
C'était bien Je cas de s'y obstiner, tont elle était
pcu nombrcusc dons ccttc rcnconlrc, tant on
étoit nomhrcux soi-mcmc, et tant était grande
Ja gloire de prendre, ou de tucr au moins d'un
coup de
Joncc.Jcrnaréchal Ney. 11 n'en fut rien
cependant. L'illustrc maréchal soutint ses soldots
préts plusicurs fois
a
défaillir de fatigue et de
découragemcnt, cor on nevoyait pas cnco1·e Or·
scha.
Aprcs avoir repoussé les Cosaqucs el lcur
avoir tuébien du monde, on gagnaun villagc oU
l'on lrouva un abri, et oú ron prit quclquc
OOUI"•
riture. Le maréclrnl avait cnvoyé un Polonais
porler
a
Orseha la nouvcllc de sa miraculcusc
retraite, et dernandcr du secours. On s'y ache–
rnina dans la seconde moitié du jour, el vers la
nuit on finit par en approchcr. Arrivé
a
une
licue de distancc, on
apcr~ut
avcc une sorlc
de saisisscmcnt ineliciblc elcscolonncsde troupes.
Étaicnt-cclcs
Fran~ais?
étaicnt-cc les Jlusses? Le
maréchal, toujours confiant, et comptant sur
!'avis qu'il avait foit parvcnir
a
Orsclrn,
nºhésita
pas, s'avantta, et cntcndit parlcr
frnn~ais
:
c'étaicnt le princc Eugi:nc et le maréclrnl Mor–
Licr,qui sortisavcc trois millc
hommcs,
vcnaicnt
ausccours de Jcur camaradc, elont on s'était sé–
poré avec lant ele clrngrin et de rcmorels. On se
jeta dans les brns les uns des nutres, on s'cm–
brassa avcc cJJ'usion, et dans toutc J'arméc ce ne
fut <¡u'un cri el'admiralion pour l'héro'ismc du
maréchalNcy.
De six
a
scpl millc hommes, il en rarnenaiL
douze ccnts au plus, mourants de fatigue, et in-
copablcs d'ctre utilcs avant de s'étrc rcfaits rno–
rolcmcnt et physiqucment; mais il ramcnait
Phonncur, lui, son nom, sa pcrsonnc, et il avait
fait
cxpicr
i1
l'cnncmi par une vraic confusion
les crucisavantagcs de ces dcrnicrs jours. Napo–
léon, qui avait quitté Orscha dnns la jouméc
du 20, en apprcnant au chátcau de Ilaranoui,
oú
il
s'était rcndu, ce rctour incspéré, en trcs–
saillit de joic, car onvenait de Jui épargncr une
bien crucllc humiliation, cellc ele faire dire ;\
l'Europc que le maréchal Ncy était prisonnicr
des Russcs! Napoléon cut la faiblcsse de laisscr
pcscr sur le maréchal Davoust Je tort d'avoir
abandonné le rnaréchalNcy. Le tort de ces mal–
hcurcuscs journées, c'était d'ctrc parti de Smo–
lcnsk en trois détachcmcnts séparés,
¡,
vingt–
quatrc beures d'intcrvallc les uns des nutres, et
d'avoir ainsi fourni
a
l'enncmi le moycnd'cnlc-
1'"1'
clrnque jour unepartic de l'rnnéc
fran~aisc ;
et si le ckrnicr de ces funcstcs jours il
y
avait cu
faute de la parl de quclqu'un dans l'abandon du
maréchal Ncy, c'ctit été de la part de Napoléon,
qui au Jicu de rcstcr un jour de plus pour at–
tcndrc l'arriere-gardc etscsauvcr tousensemble,
s'était au contraire éloigné de Krasnoé en y
laissant le maréchal Davoust avcc 5 mille
hommcs, sans un canon, prcsquc sans carlou–
chcs, plus compromis que la vcillc, réduil i1
partir immédialcmcnt
OU
a
mcttrc bas les armes,
et avcc J'ordre d'aillcurs de i·cjoindrc Mortier.
Du reste i\:apoléon lui-mérnc daos ccttc circon–
stancc n'avait aucun reproche
¡,
s'adrcsscr, car
s'il n'nvait quitté Krasnoé, l'arméc tout cntiCrc
cut été prisc; rnais alors il ne devaiL fairc pcscr
sur pcrsonnc en particulicr la rcsponsabilité de
ccttc résolution, et
il
dcvait Ja confondrc dans la
rcsponsabilité générale de ccttc affreuse cam–
pagnc. Au contrairc, soit désir de se décharger,
soi.l humeur clwgrine croissant
:t\'CC
les eircon–
stanccs,
il
manifcsta au sujrt de
la
conduitc du
maréchal Da\'Oust une désapprobation que tout
le monde dans la eloulcur qu'on éprouvait, dans
le plaisir toujours grand de déprécier une rc–
nommée jusr1uc-la sons tache, sehata de rccucil–
Jir et ele propagcr. Le propos de la fin de cctte
épouvantablc rctraile ful done que le marécbal
Davoust avait abandonné le maréchal Ncy, mais
que cclui-ci s'était sauvé par un prodigc. 11 n'y
avait que la sccondc de ces asscrtions qui f1it
naic. Ainsique nous l'avons déja dit, Napoléon,
chcmin faisant, jetait ses prcmicrs licutcnants
commciictirnrs
a
Ja fortune: vainssacrificcs!
il n'y arnit que lui , Jui seul, qui ptit bicntót