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LA

lH;Rl~ZINA.

-

NOYE!IDRF.

1812.

377

aux Russes. Le parli qu'il allail adopler devail

sauver moins d'hommcs que ne l'aurait fait une

capitulalion; il devail meme les cxposcr

a

périr

presque lous, mais

il

sauvail l'honneur de l'ar–

mée el lesien! 11 n'hésila point.

11

forma la réso–

lution d'atlendre

la

fin du jour, hors de porlée

du fcu , puis dr. profiter des ombres de la nuil

pour passer le Dniéper , el de s'éelrnpper par la

rive droite, ce qu'il aurail pu fairc

a

Smolcnsk

mCme, si un avis lui était arrivé ;\ tcmps. Par

malheur on n'avail pour franchir le Dniéper que

la glace, qui pouvail, quoique le froid ftll vif,

n'etre pas capable de porler une armée. Le ma–

réchal Ney, avec sa confiancc habituelle, ne pa–

rul conccvoir aucun doule sur l'état du íleuvc,

et un de ses offieiers ayanl voulu lui adresser

une obseivalion, il répondil brusquement que le

Dniépcr dcvait Ctrc gclé, qu'on le troureraiL tcl,

qu'on passeraitsur la glace ou aulrenrnnt..qu'on

passerail enfin, n'imporle dequelle mafticrc.

t es Russes ne soupqonnant pas ce qu'il médi–

lail, el le voyant se mettre hors de portée du feu,

se crurenl cerlains de l'avoir le lendemain potlr

prisonnier, et voulurenl lui laisser le l.emps de

Ja

résignation, afin de s'épargncr

a

cux-mCmcs

une effusion de sang inutile. lis envoycrent dans

la soirée un parlemenlaire, pour lui faire con–

naitre sa silualion désespérée, lui dirc que

80

mille hommes (il

y

en avail

~O

millc, et c'élait

suffisanl) lui barraicnl le ehemin, qu'il étail done

sans rcssourcc, et qu'il dcvait songcr

a

capitulcr;

que du reste 011 accordcrait il la vaillance de ses

soldats,

i1

sa glorieuse rcnomméc, les condilions

qu'ils avaicnt tous

rnéritées.Le

maréchal 11cdai–

gna pas mcme répondrc au parlcmcntaire, el de

pcur que son retour ne donnal

a

l'cnnemi quel–

quc lumicre, il le relinl prisonnicr, en lui disant

qu'il voulait l'avoir pour témoin de la réponse

qu'il préparait au princc Kutusof. Le soir,

la

nuit faite, il réunil tout ce qui était cncorc ca–

pablc de se soutcnir, tout ce qui conservait qucl–

que force morale el physiquc, en laissant mal–

hcurcuscrnent la tcrrc couvcrte de ses morls, de

ses blcssés, de tous ccux donl la constance était

¡, boul.

11

s'achcmina en silcnce vers le Dniépcr.

Dans l'obscurité, dans Ja confusion oUl'on était,

on pouvait craindrc de se lrompcr sur la clircc-

1.ion

a

suivrc, el de retombcr au milicu des bi–

vacs de J'cnncmi.

Un

petit ruisscau gclé, qui

devait évidcmmenl aboutir au Dniépcr, servil

ele guidc. On suiviL son com·s; on arriva ainsi

au bord du Oeuvc. Hcureuse favcurde la nalurc,

bienduea l'hérolsmcd umaréchaletdescssolclats

!

Le Dniéper étail gelé, non pas trcs-solidement,

nrnis a.sscz pour passcr avcc·précaution, et en

s'assuranl :\ chaque pas de la solidité de laglacc

sur laqucllconcheminail. Danscerlains cndroits,

onlrouva des crevasscs. On y jetaquelques plan–

ches, et onparvint ainsi

a

gagncr l'autre

rh•c.

Pour l'artillcric, pour les voitui·cs de µagagcs,

le lrajcl étail plus difficile. Quelqucs pieccs de

canon nvcc lcurs caissons passi:rcnt, quclqucs

voiturcs de bagagesaussi. On laissa le reste, s'in–

quiétanl peu de ce qui ne pouvait pas suivre, el

ne tcnanl

a

sauvcr que ce qui aurail la résolution

rle mafchcr sans reluche, el jusqu'a épuisemcnl

de forces. Le maréchal tenait

a

sauver son hon–

neur, cclui ele son corps, mais nullement la v·ie

desessoldats.

Le Dniépcr franchi , on prit

a

gauchc, et on

longca le íleuvc dans la direction d'Orscha. On

avnitquinze ou scizc licues

a

parcourir

a

travcrs

un pays inconou, el par conséquent pas un mo–

rncnt

a

perdrc. On traversa un prcmicr village

rcmpli de Cosar¡ues, mais cndormis. On les tua,

el 011 passn outrc. Le

"9

aumal.in

i1

la pointc clu

jour, marchant loujours

a

perle d'lrnleinc, on

apcr¡;ut de nouvcaux Cosnqucs sur ses flanes,

mais Cí!_corc en pctit nombre, et on n'cn tint pas

comptc. Vers le milicu du jour on rencontra des

villagcs, donl les habilants surpris abandonnc–

rent

il

nos soldots affnmés quclques provisions

qucceux'cise hr\lcrcnl dedévorr.r. Apeine ce re–

pas terminé, les Cosaqucs nrrivCrent, cctlc fois en

grnnflnombre, comrnnndés pa1·P!atow lui-mCme,

ayant commc les jours précédcnts lcur artillerie

sur tralncaux.

11

n'y nvait pas lil de quoicnfoncer

les carrés de nos inlrépidcs fanlassins, mais de

quoi nous fairc pcrdrc du lemps el des hommcs,

car il fallail s'arrclcr qnelquefois pour se former

en carré, repousscr les cuvalicrs enncmis, puis

se remcllrc en marche, et dans ces évolutionson

laissait toujours sur la route 011 des blcssés, ou

des marchcurscxténués de fatigue. Vcrs lachute

du jour on ful assailli par une tclle masse d'en–

ncmis, el cnvcloppé de lcllc faqon que la roulc

scmblait coupée. Toutcfois on se jeta dnns les

bois qui bordenUe Dniéper, et

011

se défcndit le

long d'un ravin

jusqu'a

lanuit. La nuit vcnuc on

chcmina au lwsard

travcrs ces bois, on se dis–

persa souvcnt, el on avangaau milicud'affrcuscs

pcrplexités. Vcrs minuil, ralliés par les fcux les

uns

des nutres, on llnil par

se

réunir autour d'un

villagc ou il y a1•ail quclques vincs. A deux

hcures du matinon partil nfin de parcourir dans

cetle journée du

20

les quelques licues qui res-