LA BERÉZINA. -
NOVEMBHE
1812.
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une destruction d'hommcs inutilc. Mais legéné–
ral Tormasoff ayanl commencé son mouvement
autour de Krasnoé pour intercepter la roule
d'Orscha, Napoléon qui s'cn élait
apcr~u
ne vou–
lut pas prolonger celte lenlative audacieuse de
s'arréler
ii
Krasnoé, tandis que l'on pouvail élre
coupé d'Orscha, scul ponl que l'on cutencore sur
le Dniépcr, el réduil
lt
mettre bas les armes.
Prendre le parli de se rctircr, c'était probable-
. ment sacrifier le maréehal Ney, car il n'élait pas
supposableque lemaréchal Davoust, parexemple,
pút rester seul
¡,
Krasnoé pour atlendre le ma–
réchal Ncy, lorsqu'on avait lant de peine
a
s'y
maintcnir tous ensemble. On pouvail bien s'al–
longcr pendant quelques heures cnco1·c pour
tcndrc la main
a
Ney, mais il follait ou dcmeurer
lous
a
Krasnoé, ouen partir lous, sous peine de
perdre ce qu'on y laisscrait, et d'avoir fuit une
chosc inulile en s'y arrclant lcs journées du 16 et
du
-17.
Napoléon néanmoins, ne ''oulanl ni rc–
noucer
il
gagner Orscha
a
tcmps ni comnrnndcr
lui-mcmc l'abandon du maréchal Ncy, parli
cruel donl il pouvail scul nssumcr la respons'a–
bilité, donna des ordrcs équivoques, qui n'é–
taient digne ni de la nctlelé de soncsp1·it, ni de
la vigucur de son caractCrc, el qui ré\'élaienl
toule l'horrcur de la posilion oú il s'était mis. 11
prescrivil
a
la garde de partir, lui adjoignil,
pour compenser les perles qu'elle ''cnail de faire,
la division Compans, laissa des lors le maréehal
Davousl avec trois dil'isions seulemenl, celle du
générnl Hicnrd ayanl déj[1 été délachée, ordonna
au mnréchal Davousl de rcmplacer le ma1·échal
Morlicr aulour de Krasnoé d'abord, puis dans
Krasnoé mcme, d'y lenir le plus longlemps pos–
sible, afin d'attenclre le rnaréehal Ney, mnis ele
suivre pourlanl le maréchal Morlier, orclre equi–
voque, qui, en imposant au ·I" corps clcux cle–
voirs inconciliables, cclui de rallier Ney, el celui
dene pas se séparcr de Mortier, faisait pcser sur
ce corps, le prcmirr en rcnomméc, endévoue·
mcnt, en héro'ismc, en discipline, commc en
rang de bataillc, la terrible responsabilité d'a–
bandonncr le maréclrnl 'ey. 11 etit clé plus
noble
il
Napoléon de prenclre lui-mcrne cetle
rcsponsabilité, car
il
étail seul capable de la
portcr.
l e rcmplaccmenl de la jeune garde pa1· les
trois divisionsqui restaient au nrnréehnl Dal'oust
ne se fil qu'avcc heaucou1>de peine. 11 fallait
manmuvrcr sans nrtillerie sur le platean de
Krasnoé, sous une eanonnade de plus de deux
cents bouches
a
fcu et sous les char•cs répélécs
de la nombreuse cavaleric russe, puis tour
a
tour
défiler ou s'arrcler pour se former en carré,
quelqucfois courir
a
la baionnelle sur les canons
de l'ennemi pour les éloigner, et enfin se retirer
suecessivemenl par échelons clans l'intérieur ele
Krnsnoé. Les dil'isions Morand, Gérard, Frié–
dérichs, soutinrent nvec moins de cinq mille
hommes l'efforl de vingt-cinq mille, ei couvri–
rent la terre eles morls de l'enncmi. Les50° de
ligne et 7° léger, souffranl l1•op de l'arlillerie
russe, foodircnl sur elle
a
la baionr.ette, lui en–
levercnl ses picces, et se débarrasscrent ainsi de
son fcu. Les lrois divisionsdu 1" corps rentrcrcnt
dans Krasnoé sans avoir élé enlamées. Toutefois
la division Friédérichs qui était
a
l'extrcme
droite, en se rcployanl la derniere, ful assaillie
par la cavalerie ennemie. Le 55° léger, régimenl
hollandais clont on avail cu lant
n
se plaindre
sous le rapport ele la discipline, se forma en
curré, résista opiniatrCmcnt aux chargrs furicu–
scs de la cavalel'ie russe, mais finil par étre en–
foncé el sabré en parlie.
Pendant ce lcmps Napoléon se 1·etirait en toute
h:ite par la roule de Krasnoé
a
Orseha. 11 aurail
pu la lrouvcr barrée, si Kulusof,apprenanl enfin
quºil é\nil cncore la, n'avait éprouvé un mouve–
mcnl ele faiblesse, el n'avnil ramené Tormasoff,
•1u'il avail d'abord placé en l1·avers de cette route.
Nnpoléon pul clone sorlir avec la garde en es–
suyant un fcu épouv:mtable, el snns renconlrer
cepenclanl d'obstacle inl'incible. Mais,
a
mesure
que choque corps défilail, on voyail les colonnes
de Tormasoff toul' Utour s'avnnccr ou s'arrCtcr,
comme altcnclanl visihlement l'ordre de fermer
cléfinitivemenl le chemin, que du reste elles cou–
n aicnt de fcux. A celte vuc on criail dans nos
rangs qu'il fallait partir, que bicnlól on ne pour–
rait p!us passer. Le maréchnl Morlie1', qui sor–
lail de Krasnoé sous les clwrges ele la cavalerie
cnncmie, en apcrccvant l'imminencc du dangcr,
fil pré1•cnir de son déparl le ma1·éehal Davousl,
et le pressa de le suivre, car il n'y arnit pas une
minulei1pcrdre. La nuil
eommen~ait,
les boulets
pleuraicnt sur Krasnoé, la
confu~ion
y
élait au
comble. Les lrois divisions qui restaient au ma–
réchal Davousl, el qui ne complaicnt pas cioq
rnille hommes, loujours sans a1·tillerie, <lcman–
cloienlqu'on ne les dévouat pas inulilemenl
a
une
mort ou
a
une captivilé eerlaines. Le maréchal
Davoust se conforma done
a
l'ordre qui dans le
momenl élail le seul exéeulable, cclui de suit·1·c
le mouvemenl duma1·échol )lortier. Le maréchnl
'ey,
lt
la rérité, se lrou1•ail abaodonné; mais
ii