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5G8

LlVílE QUAllANTE-CINQUIEME.

morls, de voiturcs abandonnées, et se consolanl

avcc l'idéc qui soutcnait tout le monde, eclle de

lrouvcd Smolcnsk vivrcs, rcpos, loils, renforts,

lous les moyens cnfin de rccouvrcr la force, la

vicloire, et cette supériorilé gloricuse dont on

avaiLjoui vingt annécs. Tandis que la tete de

l'nrméc marclrnil snns avoir !l sn poursuitc des

cnncmis nclrnrnés, mais sous un cicl qui étnil le

plus grnnd de tous les cnncmis, l'nrriCre-gardc

conduilc par le maréchalNcy soutcnait

h

clrnquc

passagc des combals opinitilrcs' pour arrctcr

snns al'lilleric et sans cavalcric les Russes, qui

élaicnt abondammcnt pourvus de loutcs les

armes. A Dorogobouge, le maréchal Ney s'élait

obstiné

h

défcndre la villc, se ilatlant de lacon–

servcr plusicurs jours, et de donner ainsi

a

tout

ce qui se trainait, hommes etchoses, le temps de

rejoindreSmolcnsk. Ccl homme rare, dont l':imc

éncrgique était soulenuc par un corps de fer,

qui n'élait jamais ni fatigué ni attcint d'aucunc

souíl'rance, qui couchait en plein air, dormait ou

ne dormait pas, mangcait ou ne mangcait pas,

sans que jamais la défaillance de ses mcmbrcs

mit son courage en défaut, élait le plus souvent

¡,

pied, au milicu des soldals, ne dédaignant pas

d'en réunir cinquanlc ou cent, de les conduire

lui-mCmc commc un capitainc d'infantcric sous

la fusillade et la milraillc, lront¡uillc, serrín, se

rcgardant comme invulnérnblc, pamissant

l'Ctrc

en cíl'ct, et ne croyant pasdéchoir, lorsquc dans

ces escarmouchcs de tous les inslants, il prcnait

un fusil des mains d'un soldat cxpirant, et qu'il

le déehargeait sur l'enncmi, pour prouver qu'il

n'y

avait

pas de bcsognc indigne d'un maréchnl,

des qu'ellc était utilc. Sans pi lié pour les aulrcs

comme pour lui, ilallail de sa proprc main éveil–

lcr les cngourdis, les sccouait' les obligcnit

a

partir, lcur faisait hontc de lcur cngourdissc·

ment (lóches du jour qui souvcnl avaient été des

héros la veille), ne se laissajt point attcndrir·par

les blessés tombant autour de lui et le suppliant

de les fairc emporlcr, lcur répondait bnrsquc·

mcnt qu'il n'nvait pour se portcr Jui·mCmc que

ses jambes; qu'ils étaicnt aujourd'hui victimes de

la gucrrc, qu'il le scrait lui-mcmc Je lcndcmain;

que mourir au fcu ou sur la roulc c'élait le mé·

tier des ai·mcs. 11 n'est pas donné

h

lous les

hommcs d'clre de fer, mais il lcur· esl pcrmis de

l'clrc pour· aulrui, quand ils le sonl d'abord el

surtout pour cux-nrcmes

!

Apres avoir temr loule

une journéc, pu is une sccondc

;1

Dorogobougc,

le maréchal se retira lorsque les Husscs ayant

passé le Dniépcr sur sa droitc, il fut nrcnaeé

d'élre enveloppé et pris. 11 se reporta alors vers

l'aulrc passagc du Dniéper,

¡,

Solowiewo, le

dé–

fcndil égalemm1t, et

h

quelqucs licues de cct en–

droit, sur le plateaudeValoulina, que trois mois

nuparavnnt

il

nvait couvcrt de morts, s'obstilla

cncore

i1

dispuler le terrain. Arrivé Ja il fallait

bien rcnlrer dans Smolensk. 11 y rentra enfin,

mais le dcrnier, et aprcs avoir fait loul ce qu'il

pouvail pour rclarelcr Ja marche de l'enncmi.

Clraquc corps, nrnrchant

a

son rang, s':ippro–

chait suecessivemcnl de Snrolcnsk: lous, hélas

!

devaicnt y éprouvcr ele crucis mécomptes. Na–

poléon , arrivé le prcmicr. savoit bien qu'il

n'y avait pas dans celle ville les vasles ma–

gasins sur lesqucls on corn1Jlait; mais avcc les

huit ou dix jours ele subsistanccs qui s'y trou–

vaicnl, il s'était flatlé ele rarnencr audrapcau les

hommcs débandés, en leur faisant eles distribu·

tions de vivrcs qui ne scraicnl accordées qu'au

quarlicr mcrne de clraquc régimént. Avec les

fusils qui élaicnt

a

Smolcnsk, il cspérait les ar·

nrer apres les avoir rnlliés. Entré dans Smolcnsk

a

la tele de la garde, il ordonnaqu'on ne laiss'il

pénélrcr qu'cllc; il lui fit.donncr des vivres et

distribucr les logcmcnls disponibles. La foulede

lrainards qui suivait., se voyanl inlerdire l'acces

de cettc ville objct rlc loules ses espfrances, fut

saisicde désespoir et de colcrc, et son courroux

s'exhala surtout eonlrc lagarde inrpériale,

a

la–

qucllc lout étaitsacrifié, disait-on. 11 est vrai que

le grand inléret cl'y m:rinlenir la discipline jus–

tifiail la préfércncc donl elle jouissait dans la ré·

partition des rcssources.

~lais

cetle garde, qui

dans ceL!c

c:1111pagnc

nvait rcndu si pcu de ser–

viccs, et qu·on usait sur la roulc en ne voulant

pas l'uscr au feu, n'inspirait pas assez de grali–

lude pour irnposer silcncc :\ lajalousic. Apres les

lrainards, les vicux soldats du 1" corps, qu'on

n'avnit pas ménagés un sculjour, sejoignant Ula

foulc désarrnéc qui obslruail les portes de Smo–

lensk, et se plaignant vivcmcnt tout disciplinés

qu'ils ctaicnt, il fallut renorrccr

¡,

des défcnses

chinrél'Íqucs, et impuissanlcs ,\ prévcnir ladisso·

lulion de l'armée eléjh presque accornplie. 11 n'y

avait que l'abondancc, le repos, la sécurité, qui

pussent rcndrc aux homrnes la force physiquc et

morale, la dignité, le senlimcnl de la discipline.

La foulc pénétra done violcmmcnt elans les rues

de Smolcnsk, et se porta aux nrngasins. Les gar–

dicns de ces magasins rcnvoyant les a!Tamés arr

quarlier de lcur réginrent, promettant qu'on y

lrouvcrail des dislribulions, furent mal nccucil–

lis, el cepcndant, crus et obéis dans le prcmier