LA
BÉR~=ZINA.
-
NOVF.llDRE
1812.
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ncaux ils cnvoicnt des boulcts
a
la foule épou–
vantéc, briscnt les rniturcs
a
hagagcs, et répan–
dcnt une véritablc désolation. Le princc Eugcnc
accourt pour rcndrc un pcudecalme 11 ccttc mul–
titudc déscspéréc, et n'y pcut réussir. On voit
de pauvrcs cantinicrcs, des fcmmcs italicnncs ou
frangaiscs fugitivcsde Moscou, cmbrassant lcurs
cnfants, et plcurnnt au bord dece torrcntqu'cllcs
n'oscnt a!frontcr, pcndant que de bravcs soldats
plcins d'hunrnnité, prcnanl ces cnfunts dans
lcurs bras, vont etvicnncntjusqu'adcux et trois
fois pour transportcr
a
l'autrc bord ces familles
éplorécs. Mois
o
chaquc instant le tumultc aug–
mcntc,
il
faut rcnonccr
i1
ces précieux bagagcs
dont les fugitifs vivaicnt, et dont les officiers ti–
rnicnt encare quclques ressourccs. Alors les sol–
dats,
a
l'aspcct de cctte proic qui va étre livrée
aux Cosaques, ne se font pas scrupulcde lapiller.
Chacun prend ce qu'il peut sous les yeux de
malhcureuscs famillcs désolées qui voient di>pa–
rnitrc leurs moyens de subsistance. Les Cosaqucs
cux-mCmes. voulanl nvoir Jcur partdn hutin, s'a–
vanccnt pour pillcr; on les écarte 11
coups de
bn'ionncttc ou de fusil, au milieu d'uneépouvan–
tahle confusion.
Cedéplorableévéncmcnt, qu'on appela dans la
retraite ledésastre duVop, et qui était leprélude
d'un autrc désastrc de mCrnc naturc , destiné
a
étrecent fois plus horrible, retint l'armée d'llalic
jusqu'ii la nuit. On s'arréta de l'autre cótédu Vop,
on alluma des feux, on sécha ses vctemcnts, on
fit d·amcres réflcxions sur lamiscre
a
laquelleon
allait étre réduit, et le lcndcmain on reprit la
rÓutc de Doukhowlchinn. Taus
les
Oagagcs,
Loulc
l'artillerie,
a
l'cxccption de sept ou huit picccs,
étaicnt
pcrdus.Unmillicr demall1e11reux atteints
par les boulcts, ou tombés dans l'cnu, avaient
poyéde lcur vic ccttcmarchebien inutilc,commc
on levcrra tout 1 l'hcure.
Daos la journéc du 10 on arriva cnfin
¡,
Dou–
khowtchina. C'ék1it une pctitc villc, assez richc,
ou déju l'arméc d'ltalic avait bien vécu au mois
d'aotit précédcnt. Les Cosaqucs l'occupaient. On
lesenchassa snns bcm1coup de peine,
C!lr,
véri·
ta~lcs oisc~wx
Je proic, ces légcrs cavnlicrs, pil–
lards et fuyards, ne
Lcuaicnt
jamais fcrmc, et se
eonlcntaicnl de suivrc nos colonncs, pour achc–
ver les blessés, les clépouillcr, et vider les voi–
tures nbandonnccs. La villc de Doukhowtchina
était déscrte, mais point i11ccndiée, et suffisam–
ment pourvuc <le vil'l'cs. 11 y avait de la forinc.
des pornmcs de terre, des choux, de la 1·iande
saléc, de I'cau-de·vie,ct,ce qui valait tout le reste,
des mnisons pour s'y loger. Cct inforluné corps
d'arméc trouva la un peu de. rcpos, une dcmi–
abondance, etsurtout des abrisclont ilétait privé
dcpuis longtcmps, avantages qui furcnt scntis
commeaurnit pu l'clre lapluséclatantcprospérité.
11
en coulait de se détachcr d'un si bon gitc.
Aussi leprincc Eugcnc, aprcs avoir délibéré31•cc
son étal·major, jugca prudent avant dese risquer
jusqu'aWitebskaumilicu d'unc nuée d'cnnemis,
d'cnvoyer aux nouvelles, pour savoir si par ha–
sard on n'irait pas au secours d'unc ville déja
perduc pour nous. On dépccha done quclqucs
Polonai• pour chcrchcr des rcnscigncments, et
pendan! ce temps on laissa rcposcr le corps
d'arméc
a
Doukhowtchina.
On
y
passa toutc la journéc du 1Oet cclle du
·J
l novcmbre, dans un étatqui ctit été le bonheur,
side tristesprcsscntiments n'nvaicnt obsédé saus
ccssc les esprits les moins prévoyanls. On ne put
pas apprcndrc grand'chosc; ccpcndant, d'api·cs
quclques rcnscigncmcnts recueillis par les Polo–
nais, on eut lieu de croire presquc nvec ccrtitude
que la villc de Witebsk était prise. Ce n'était
plus lecas de se hasardcr si loin, et l'idée de re–
joindre Ja grande armée en marchnnt droit su1·
Smolensk convint
a
tout le monde. Dnns ccttc
cruclle 'détressc, on tcnait
a
se réunir les uns
aux nutres, et s.c séparcr élait une véritablc ag–
gravation d'inforlunc. Afia de gagncr une mar–
che, on partil dans la nuit du 11au ·12, en mct–
tnnt le fcu
a
ccttc ¡rnuvrc 1•il!c de bois, qui
pourtant avait été bien secournble. On chcmina
ainsi l'espncc de dcux licues i1 In lucur de ce
sinistrc fanal, qui colorait de teintqs sanglantcs
les sapins couvcrts de ncigc.
On marcha toutc la nuit et une portie de la
journée du 12, constamment poursuivis par les
Cosnques, et on s'étnblit le soir commc on put
dons quclques hamcaux, pour pnsscr
o
J'abl'i In
nuit clu12 au 15. Le 15 nu matin onse remit en
routc, et vers la moitié de Jajournée on npcrc;ut
du haut des cotcaux qui bor,Jent le Dniépcr, nu
milicu rle plaines éclnlantes tic blnnclicur , les
clochc1·s de Smolensk. On avnit pcrdu ses bngo–
ges, son artillcl'ic, un millicr cl'hommrs, mais In
l'UC
de Smolcnsk, qui semblait Jll'Csquc In rron–
ti(n
de fl'ancc, rnusn un véritnble mouvcmcnt
de joic
!
011 ne sarait pas, hélas
!
ce qu'on nll"it
)'
ll'Oll\'CI'.
Pcndant ces mcmcs journécs eles 9, ·IO, 11et
·12 novcmlJrc, lagrande arrnéc avaiLcontinué sa
routc de Dorogobouge
a
Smolcnsk, jonclrnnt
i1
chnquc pas In tcrrc d'hommcs et de chcv,,ux