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LA

BÉR~=ZINA.

-

NOVF.llDRE

1812.

5G7

ncaux ils cnvoicnt des boulcts

a

la foule épou–

vantéc, briscnt les rniturcs

a

hagagcs, et répan–

dcnt une véritablc désolation. Le princc Eugcnc

accourt pour rcndrc un pcudecalme 11 ccttc mul–

titudc déscspéréc, et n'y pcut réussir. On voit

de pauvrcs cantinicrcs, des fcmmcs italicnncs ou

frangaiscs fugitivcsde Moscou, cmbrassant lcurs

cnfants, et plcurnnt au bord dece torrcntqu'cllcs

n'oscnt a!frontcr, pcndant que de bravcs soldats

plcins d'hunrnnité, prcnanl ces cnfunts dans

lcurs bras, vont etvicnncntjusqu'adcux et trois

fois pour transportcr

a

l'autrc bord ces familles

éplorécs. Mois

o

chaquc instant le tumultc aug–

mcntc,

il

faut rcnonccr

i1

ces précieux bagagcs

dont les fugitifs vivaicnt, et dont les officiers ti–

rnicnt encare quclques ressourccs. Alors les sol–

dats,

a

l'aspcct de cctte proic qui va étre livrée

aux Cosaques, ne se font pas scrupulcde lapiller.

Chacun prend ce qu'il peut sous les yeux de

malhcureuscs famillcs désolées qui voient di>pa–

rnitrc leurs moyens de subsistance. Les Cosaqucs

cux-mCmes. voulanl nvoir Jcur partdn hutin, s'a–

vanccnt pour pillcr; on les écarte 11

coups de

bn'ionncttc ou de fusil, au milieu d'uneépouvan–

tahle confusion.

Cedéplorableévéncmcnt, qu'on appela dans la

retraite ledésastre duVop, et qui était leprélude

d'un autrc désastrc de mCrnc naturc , destiné

a

étrecent fois plus horrible, retint l'armée d'llalic

jusqu'ii la nuit. On s'arréta de l'autre cótédu Vop,

on alluma des feux, on sécha ses vctemcnts, on

fit d·amcres réflcxions sur lamiscre

a

laquelleon

allait étre réduit, et le lcndcmain on reprit la

rÓutc de Doukhowlchinn. Taus

les

Oagagcs,

Loulc

l'artillerie,

a

l'cxccption de sept ou huit picccs,

étaicnt

pcrdus.Un

millicr demall1e11reux atteints

par les boulcts, ou tombés dans l'cnu, avaient

poyéde lcur vic ccttcmarchebien inutilc,commc

on levcrra tout 1 l'hcure.

Daos la journéc du 10 on arriva cnfin

¡,

Dou–

khowtchina. C'ék1it une pctitc villc, assez richc,

ou déju l'arméc d'ltalic avait bien vécu au mois

d'aotit précédcnt. Les Cosaqucs l'occupaient. On

lesenchassa snns bcm1coup de peine,

C!lr,

véri·

ta~lcs oisc~wx

Je proic, ces légcrs cavnlicrs, pil–

lards et fuyards, ne

Lcuaicnt

jamais fcrmc, et se

eonlcntaicnl de suivrc nos colonncs, pour achc–

ver les blessés, les clépouillcr, et vider les voi–

tures nbandonnccs. La villc de Doukhowtchina

était déscrte, mais point i11ccndiée, et suffisam–

ment pourvuc <le vil'l'cs. 11 y avait de la forinc.

des pornmcs de terre, des choux, de la 1·iande

saléc, de I'cau-de·vie,ct,ce qui valait tout le reste,

des mnisons pour s'y loger. Cct inforluné corps

d'arméc trouva la un peu de. rcpos, une dcmi–

abondance, etsurtout des abrisclont ilétait privé

dcpuis longtcmps, avantages qui furcnt scntis

commeaurnit pu l'clre lapluséclatantcprospérité.

11

en coulait de se détachcr d'un si bon gitc.

Aussi leprincc Eugcnc, aprcs avoir délibéré31•cc

son étal·major, jugca prudent avant dese risquer

jusqu'aWitebskaumilicu d'unc nuée d'cnnemis,

d'cnvoyer aux nouvelles, pour savoir si par ha–

sard on n'irait pas au secours d'unc ville déja

perduc pour nous. On dépccha done quclqucs

Polonai• pour chcrchcr des rcnscigncments, et

pendan! ce temps on laissa rcposcr le corps

d'arméc

a

Doukhowtchina.

On

y

passa toutc la journéc du 1Oet cclle du

·J

l novcmbre, dans un étatqui ctit été le bonheur,

side tristesprcsscntiments n'nvaicnt obsédé saus

ccssc les esprits les moins prévoyanls. On ne put

pas apprcndrc grand'chosc; ccpcndant, d'api·cs

quclques rcnscigncmcnts recueillis par les Polo–

nais, on eut lieu de croire presquc nvec ccrtitude

que la villc de Witebsk était prise. Ce n'était

plus lecas de se hasardcr si loin, et l'idée de re–

joindre Ja grande armée en marchnnt droit su1·

Smolensk convint

a

tout le monde. Dnns ccttc

cruclle 'détressc, on tcnait

a

se réunir les uns

aux nutres, et s.c séparcr élait une véritablc ag–

gravation d'inforlunc. Afia de gagncr une mar–

che, on partil dans la nuit du 11au ·12, en mct–

tnnt le fcu

a

ccttc ¡rnuvrc 1•il!c de bois, qui

pourtant avait été bien secournble. On chcmina

ainsi l'espncc de dcux licues i1 In lucur de ce

sinistrc fanal, qui colorait de teintqs sanglantcs

les sapins couvcrts de ncigc.

On marcha toutc la nuit et une portie de la

journée du 12, constamment poursuivis par les

Cosnques, et on s'étnblit le soir commc on put

dons quclques hamcaux, pour pnsscr

o

J'abl'i In

nuit clu12 au 15. Le 15 nu matin onse remit en

routc, et vers la moitié de Jajournée on npcrc;ut

du haut des cotcaux qui bor,Jent le Dniépcr, nu

milicu rle plaines éclnlantes tic blnnclicur , les

clochc1·s de Smolensk. On avnit pcrdu ses bngo–

ges, son artillcl'ic, un millicr cl'hommrs, mais In

l'UC

de Smolcnsk, qui semblait Jll'Csquc In rron–

ti(n

de fl'ancc, rnusn un véritnble mouvcmcnt

de joic

!

011 ne sarait pas, hélas

!

ce qu'on nll"it

)'

ll'Oll\'CI'.

Pcndant ces mcmcs journécs eles 9, ·IO, 11et

·12 novcmlJrc, lagrande arrnéc avaiLcontinué sa

routc de Dorogobouge

a

Smolcnsk, jonclrnnt

i1

chnquc pas In tcrrc d'hommcs et de chcv,,ux