LJVRE QUARANTE-CINQUIEME.
un pays oú tout hommc raisonnc et 1lisculc ses
dcvoirs. Dans un Élat dcspotiquc, le témérairc
qui met la main sur le rcssort csscnlicl du gou–
vcrnement cst le nrnitrc, et c'est ce qui donnc
naissancc auxconspirations de palais,signe hon–
tcux de Ja caducité des cmpircs voués au dcspo–
tismc. 11 cxistait pourtant un hériticr de Napo–
léon, et on n'y avait pas mCme songé
!
11 n'y avait done pcrsonnc
a
accuscr que le
régimc existan!, mais la police et l'autorité mili–
tairc, craignant que Napoléon nes'en prit
a
!'une
ou
a
l'autrc de cctle bizarrc aventure, voulaicnt
chacunc que de !'examen des fails rcssortil sa
proprc justification et la condamnation de sa ri–
valc, La police n'avait pas découvcrt ce complot,
et l'autorité militairc s'y était préléc avcc une
facilité qui pouvait passcr pour ele la connil'cncc.
Toutcs dcux cependant étaicnt innocenlcs. La
policc n'avait pu découvrir ce qui élait dans la
tete <l'un scul homme, et il était nalurcl que
l'aulorité militairc inférieurc crút une chosc
aussi croyablc que Ja mort de Napolóon. La prc–
miercn'était done pas incptc, ni la sccondc infi–
delc; maisde pcur d'étrc accusé il fnllait accuscr.
D'ailleurs le ministre de la poiice et leministre
de lagucrrc ne s'aimaicnlpoint. Le duc de Fcltrc
avail tous les dchors du bien, le duc
d'c
Rovigo
tous les dchors rlu mal, et chcz aucun des dcux
la réalilé ne répondait aux apparenccs. Le duc
de Rovigo chercha la vérité,
il
la découverlc de
Iaqucllc il avait grand intérct, el cctlc vérité
tournait
a
la déchargc de tout le monde, le gé–
néral Malct cxccpté. Le duc de Fcltrc voulut
voir partout des compliccs de
~Jalct,
afinque la
police parut coupablc de ne lesavoir pas trouvés,
quand ils élaient en si grand nombre. Sous un
1iarcil 1·égimc, de tcllcs préoccupations dcvaicnl
avoir sur le sort des accusés une influcncc fu–
ncstc.
Le
gouvcrnemcnl, composé des ministres,
desgrands dignitaircs préscnls
iJ
Paris, s'asscm–
bla sous la présidcncc de l'archichancclicr Cam–
hacéres, et arrcta ce qu'il y avait
il
faire. L'ar–
chichancclicr, avcc sonart cl'acloucir lesaspfrités,
de nculraliscr les propositions extremes, ce qui
cst du bon scns, mais ce qui n'cst pas toujours
de la juslicc, fil rléciclcr la formation d'unc com–
mission militaire 1 laqucllc furcnt déférés plus
de vingt pré1·cnus, En réalité il n'y avait qu'un
coupablc, car outrc l'atlcntat politiquc que le
général Malct arnitcssayé de commcttrc, il avait
rcnvcrs.!'prcsquc morl
ii
ses picds un homrnc qui
heureuscmcnl n'cnmournt pns.
~lnis
Jcsgénéraux
Lahoric et Guida!, cntrés volonticrs sans doutc
dans son projct, cnlrés toulefois sur l'arlicula–
tion d'un foit faux auqucl ils avaient cru,d'ordres
supposés qu'ils avaicnt admis, n'étaicnl des cou–
pablcs ni dcvant Dicu ni devant les homrncs.
C'étaienl,
a
Ja vérité, des officicrs d'un grade
élcvé, et fort suspecls; ils avaicnt participé assez
longucmcnt
ñ
un altcntat, soit; mais si pour cux
un doutc pouvait naitrc, pouvaít-il
y
en avoir
11n
seul
n
l'égarcl du commandant dela 10°cohorte,
le comrnandant Soulicr, bravc militairc, qui
avait appris la rnort deNapoléon avcc chagrin, y
avait ajouté foi, el ª''ail obéi? Quant
n
cclui·1",
une peine, el une peine tellc que la mort, étail
une iniquilé ! Pourtant il ful condamné avcc
trcizc nutres accusés. La policc demanda en sa
fovcur un sursis, qui était néccssaire
a
laconti–
nuation de l'inslruclion. Ce sursis ful rcfusé. En
cinq jours, qualorzc malhcurcux fur·cnl arrétés,
jugés, condamnés, et douzc cxécutés
!
Tcllcs furcnt les étrangcs nouvcllcs qui assail–
lircnt Napoléon
a
Dorogobougc. Elles avaienl
ccrlcs dequoi l'affcclcr, car cellcs qui aITivaicnt
des arrnécs devaicnl l'inquiétcr gravemcnl pour
sa rctraitc, el ccllcs qui arrivaicnt de Paris ré1·é–
Iaicnl tout ce qu'avait d'éphémerc son prodigicux
pouvoir. Ce qui clans ces c!crniercs nouvcllcs
frappa le plus Napoléon, ce ful la facilité de cha–
cun
a
croirc,
a
obéir sous son rCgnc, et
smtout
l'oubli complct dc sonfils!" Maisquoi,s'écria-t·il
plusicurs fois, on ne songcait done pas
it
mon
fils,
a
ma fcmmc, aux instilutions de I'Empirc"I"
Et
chaquc fois qu'il avait poussé cctlc exclama–
lion de surprisc, il rclombail dans. ses sombres
réflcxions, dont on pouvait juger
1\m1crtumc
a
la mornc cxprcssion de son visagc.
Plus juste cnvcrs lcs.mal11eurcux qu'on vcnait
d'immolcr que ccux qui les avaicnl si légercmcnt
cund1un11L:s,
il demanda
nu
général LariboisiCre,
quiavait connu auprcs de Morcau tous les géné–
raux républicains, ce qu'était Lahoric." Unbravc
officicr, répondit le respcclahlc commandant
de J'artillcric, un officicr du plus haut méritc,
qui vous aurait bien scrvi, si l'on ne s'était alla–
ché
il
le pcrdre dans volreesprit; qui vous aurait
scrvi commc le fnit Icgénfral Éhlé, qu'on n'; vait
pas manqué, lui aussi, de vous rcndre suspect, et
donl vous pouvez lous les jours apprécic1' le ca–
ractérc et les talcnls. - Vous avcz raison, rcprit
trislcmcnt Napoléon; ces imbéciles, apres s'étre
laissé prcndrc, chcrchcnl
ii
se rachclcr auprés de
moi
en
fnisnnt fusiller les gens
par
douzainc.
11
n u reste il
y
avait pour Napoléon quelque
chosc de plus urgcnt
a
fairc que de s'occupcr de