LA BÉRÉZINA. -
NOl'EltnRE
18·12.
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avec lui. Guídal le suit. Tous lesdcux pcrsistant
dans lcur crédulité, mais ne voulant pas tucr un
ancicn camaradc, imposcnt silencc au duc de
Rovigo, et sans lui fairc de mal l'cnvoient 11 la
Concicrgerie, ou déji1 le préfct de police était
transféré par les memes moycns.
Jusqu'ici tout va bien; mais l'arrestation du
duc de Rovigoa retardé un peu ccllc du ministre
de la guerre, et de son cclté le général Malct
pcrd du tcmps
¡,
ccllc du général llulin, com–
mandant la place de París. S'étant transporté
cl1cz lui avcc un détachement de la mémc co–
horte, il lesurprcnd au lit, le fait lcvcr, emploie
auprcs de lui les assertions qui onL déja cu tant
de succcs, ne le trouve pas incrédulc a la nou–
vellc de la mort de Napoléon, mais trcs-récalci–
trant quand il s'agit du rétablissement de la ré-
. publique par une délibération du Sénat, et en
re~oit
pour réponse l'iuvitation de produire ses
ordres. Le général Malet, plus fidclc a son plan
qué ses complices improvisés, répond au général
Hulin qu'il va les lui cornmuniqucr dans son ca–
binct, se foit conduire dans ce cabinct, et la ren–
verse le général d'un coup de pistolet tiré
a
bout
portant. Malet sort ensuite, se rend chez lechef
d'état-major Doucct, luí répctc tout ce qu'il avait
dit aux autrcs, lui annoncc deplussa nomiuation
au grade de général, et l'cngage
i1
lirrer sur-lc–
champ le commandement de la place. Soit que
l'acte de violence auqucl legénéral Malet vcnait
de se portcr etit aíTaibli sa résolution, soit que le
premier Cloute rencontrédans cette journée !'cut
ébranlé, il se montre moins fcrmc avec ce chef
d
'état-major.JIhésitc, perd du tcmps, etencou–
rage l'incrédulité qu'il n'accable passur-lc-champ
d'une affirmation absolueou d'un nouveau coup
de pistolet. Un autre officier de la place, nommé
Laborde, survie11t, se rappelle les traitsdu géné–
r~I
Malet, devine tout de suite qu'il s'agit d'une
audacieuse conspiration, appelle un officier de
policc qui justement connaissait Malet, et qui
avait contribué
¡,
sa translation d'unc prison
a
l'autrc. Cet officier de police, ccrtain que le gé–
néral est un des sujets de son autorité, lui de–
mande pourquoi et commcnt il a quitté sa pri–
son, l'embarrassc, le déconccrtc, et luí fait pcrdre
tout ascendant sur sa troupe. Malet veut alorsse
servir de ses armes. On se jette sur luí, on lui
líe les mains, on le met en arrestation devant sa
troupe hésitante et
commen~ant
a
eroirequ'ellca
été trompée.
11
se llatte encore d'étre sccouru
par ses complices, mais au lieu d'eux ce sont des
soldats de la garde impériale, qui, prévenus en
toutc hatc, accourent, débarrassent l'état-major
de la place de ses assaillants, ·et font prisonniers
ccux <¡ui étaient venus faire des prisonniers.
En une he11re leduc de Rovigo cst délivré, le
préfct de police également, et chacun d'eux a
repris possession de son minisLcre. Ce qui pa–
raitra plussingulier que tout ce donL on vient de
lirc le récit, c'cst que le préfct de la Sei;1c, arri–
vant de la campagne
ii
la pointe du jour, surpris
de tous cótés par la nouvellc dont !'hotelde ville
était plein , n'avait pas pu croire qu'cllc fllt
invcntéc, et s'étaiL mis
a
disposer les apparte–
ments Clcmandés, lentement
a
la vérité, non pas
qu'il doutut, mais parce qu'il avait peu de gotit
pour le gouvcrnemcnt républicain qui paraissait
devoirsuccéder
o
l'Empire. Ce qui n'étonnerapas
moins, c'csl que le chef du régimcnt qu'on avait
chargé de gardcr les barrieres, avait obéi, et
avait envoyé des détachcments pour s'en em–
parer.
JI
étaiL
a
peine rnidi que tout était terminé,
fJUC
les choses étaient
l'CIDÍSCS
a
Jeur place, les
aulorités, un moment surprises, rétablies dans
leurs fonctious, et que París , apprenant cetlc
rapide succcosion de sccncs, passaiL de lacrainte
que luí inspiraient toujours les tcntatives de ce
qu'onap"pelait les
terroristes,
a
un irnmcnse éclat
de rire contrc une poiice détestée, et siaisémcnt
prise au dépourvu. Que tout autrc ministre etit
été cnlevé, soit; mais le ministre de la police
lui-rncme
!
e'est ce dont on ne pouvait trop rire,
lrop s'arnuser, trop parlcr, et la crainte, aprcs
avoir précédé le rire, le suivait aussi, car il y
avait
a
foire de bien tristes réflexions sur un pa–
rcil état de choscs.
Tant <le .crédulité
n
admeLtre les ordres les
plus étranges, tanL d'obéissance
a
les exécuter,
accusaient non pas les hommes, toujours si fa–
eilcs
it
tromper, et si prompts 11 obéir quand ils
enont pris l'habiludc, mais le régimc sous Jeque!
de tcllcs choscs étaient possibles. Sous ce régime
de sccrct, d'obéissance passive et aveugle, oit un
homme était
a
luí seul le gouvernemcnt, la
constitution, l'Élat, ou cet homme jouait tous
les jours le sorL de la Francc et le sien dans de
fobuleuscs aventures, ilétait naturcl de rroirc a
sa mort, sa mort admise de chercher une sortc
d'autorilé dans le Sénat, et de continucr
;1
ob€il'
passivcmcnt, sans
cx:rnicn,
sansconlcstation, car
on n'était plus habitué
a
concevoir,
:'!
souffrir
une contradiclion. On n'auraiL pas
su~pris
par
de tels moyensun Íltat libre, parcequ'il y a mille
contradicteurs
¡\
rencontrer
il
chaque pas dans