LA BÉílÉZINA. -
NoV<MnRE
1812.
tinuéc jusqu'a Wilno, une cornpagnic de trans–
ports avait été organiséc, gr
:i.ccaux soins
trcs-octifs de M. de Bossono, et clic portoit
1,~00
quintoux por jour de Kowno a Minsk, par
Wilna. Mais on ovait appliqué ces rnoycns de
transport aux spiritucux et aux rnunitions de
guerrc, dans la confiancc oü l'on était de trou–
vcr des blés en Lithuanic. On en avait trouvé en
effet, por suite d'unc vastc r·équisition, nrnis les
fcrmicrs lithuanicns manquant de clrnrrois, ou
ne voulant pas en fournir, dans l'cspoir que
lcurs dcnrécs finiraient por lcur rcster fautc de
pouvoir ctrc déplacécs,
Oíl
n'ovait pu réunir
qu'une partic des grains et des farincs demandés
pour Wilna, Minsk, Borisow, Smolcnsk. Les
bornfsse portant eux-rncmcs, la viandc manquait
moins. Mais c'cst tout nu plus si l'arrnéc dc1•ait
avoir pour 7 ou 8 jours de vivrcs
a
Smolcnsk,
pour
1ii
a
Minsk, pour 20
a
Wilna. Toutcfois, en
s'y cmployant avec zcle, il était possible de la
pourvoir de subsistanccs pour un tcmps !Jeau–
coup plus long. Actucllcrnent il n'y avait d'assu–
rée que la subsislancc des prcmicrsjours.
Ccttc cspérancc de richcs quarticrs d'hivcr en
Lithuanic n'était done pas si pres de se réoliscr
qu'on l'ovait cru. 11 cst vrai que c'étoit lc'sccrct
de Napoléon scul, mais il n'y ovait pas la de quoi
réjouir son t\rnc, que tant de choscs attristaicnt
profonrlémcnt. JI lui rcsloit bien pis
a
apprcndrc
encare. La Francc, qu'il avait loisséc si tran–
quillc, si soumisc, avail failli clrc houlcvcrséc,
pcut-ctrc mcmc arrachéc
1
sa domination par
un fou, par un mnniaquc audacicux, dont le
facilc succcs pcndant quclqucs hcurcs prouvait
cambien tout en Frunce dépcndait de la vic d'un
scul hommc, vic incessammcnt mcnacéc non
par les poignards, mais par les boulcts.
On détcnait dcpuis plusicurs annécs, dans les
prisons de laConciergcric, un ancicn officicr, le
général Malct, gcntilhomrnc franc-comtois, ré–
publicain ardcnt et sincere, formé commc bcau–
coup d'hommcs de son tcmps et de sa naissancc
a
l'écolc de
J.-J.
Rousscau, dcvenu général de la
républiquc, et
llC
pardonnant pas
a
Napoléon de
l'avoir ctétruitc. La domination d'unc sculc idéc
rcnd un hommc fou, ou capablcde choscscxtra–
ordirrnircs, et produit souvcnt les dcuxrésultals
:\ la fois. L'idéc uniquc qui rcmplissait l'csprit
du général Malct, c'cst qu'un chef d'État foisant
conslamrncnt la gucrrc dcvait élrc un jour ou
l'nutrc crnporlé par un houlct; qu'a1•cc ccttc
nourcllc, vrnic
011
mCmc invcntéc, il dcvail Ctrc
facile d'cnlcvcr toulcs les aulorités, et de fairc
acccplcr
a
la nation un nutre gouvcrncmcnl, car
la pcrsonnc de Napoléon était tout, hommcs,
choscs, lois, inslitutions. Sous l'cmpirc de ccltc
préoccupation, il avait sans ccssc combiné dans
son esprit les rnoycnsde surprcndrc les autorités
avcc la nouvcllc invcntéc de
la
mort de Napo–
léon, de proclamcr un gouvcrncmcnt _nouvcau,
et d'amcncr aux picds de ce gouvcrncmcnt la
nntion fatiguéc de dcspotismc, ele silcncc et de
gucrrc. En l
807
et en
1
SOU, il avait songé un
instant
a
la réalisalion desa chimcrc,et quclqucs
confidcnccs, inévilablcs ou non, aynnt mis la
policc'sur la voic de ce qu'il médilait, on l'avait
enfermé. 11 était elcpuis ccttc époquc détcnu
n
Paris. Prisonnicr, sa préoccupation n'cn était
dcvcnuc que plus exclusive , et en voyant
Napoléon
a
Moscou , il s'élait dit que c'étai1
le momcnt ou jamais d'cssaycr l'cxéculion ele
son plan, mais ccltc fois en ne mcltant pcr–
sonnc dans son sccrct, en tirant !out de lui–
mcmc , de lui scnl , et au moycn de la plus
incroyablc audacc. Transféré dans une maison
de santé pres de la porte Saint-Anloinc, el la
s'élant lié avec un prclrc doué de lamémc dis·
crétion et animé eles mcmcs scntimcnts que lui,
il nvait imaginé de supposcr la mort de Napo–
léon, en n'nvouanL 3 pcrsonnc le mcnsongc de
cctlc supposit.ion, de fabriqucr de faux ordrcs,
une faussc délihérntion du Sénat, et
a
l'aidc de
ccttc délibéralion imaginairc qui rétablirait la
répuhliquc, de se rcndrc
i1
une cascrnc, d'cn–
trnincr un
régimr.nt, nvcc ce régimcnt t.l'allcr
aux prisons pour délivrcr plusicurs militnircs
nctucllcmcnt détcnus, lcls que le général Laho–
ric, ancicn chef d'état-major de Morcau, le
général Guielnl, compromis pour quclqucs rcla–
tions avcc les Anglais, de partir a1•cc ces géné–
raux, de s'cmparcr de la pcrsonnc de tous les
ministres, de convoquer
a
!'hotel de villc un
ccrlain nombre de grands pcrsonnagcs répulés
pcu favora!Jlcs au gouvcrncmcnl, et d'y procln–
mc1· la républiquc. Quoiqu'il cút profondémcnt
médité sur son sujct, et bcaucoup songé
a
tous
les détailsd'exécution, il rcslait des choscs pour–
lant auxqucllcs il n'a1•ait pns pourvu, soit qu'il
ftit prcssé d'agir, soit qu'il s'cn fü\t
11
la forlunc,
qui doit ctrc de moilié dans toutcs les cnlrc–
priscs cxlraordinaircs,
11
conelition ccpcnelant
qu'on ne lui bissc :\ faircque le moins possiblc.
Aielé du pretrc qu'il s'était associé, il avait
clioisi dc11x jcuncs gens, fort innoccnts, mnis
forl.couragcnx, n'ayant pas son sccrct., et dcsli–
nés :\ lui servir d'aielcs de camp. Avcc lcur