LA BÉlll;ZINA. -
NOl'EUDllY.
1812.
n'avaicnt pas pu mfrilcr un reproche. Le maré–
chal Dal'oust ne se défcndit pas lui, il défcndit
ses gloricux liculcnants: auxqucls il n'étail dú
que des honnnages. Napoléon se lut, mais jus–
qu'au jour de son départ de J'arméc,
il
:1'échan–
gca prcsquc plus une pal'Olc a\'cc le maréchal
Davousl; pour lcqucl au dcmcurant le silcncc
n'était guCrc une punilion. Mais commc il fout
nu dcspotismcen
fa
ute des victimes qui prcnncnt
sa place dans le bl;imc général, eet illuslrc pcr–
sonnagc
fut
sacrifié ici
1
commc Masséna en Por–
tugal. On se mit
i1 1·épétcr,
aprCs Napoléou, que
dans ectlc rclrailc il n'avail pas lenuuneconduile
digne de songrand caractCrc. C'élait aussi vrai
qu'il élail vmi que Masséna eút é!é la cause des
malhcurs de l'armée dans la Péninsulc. 11arait
conduit pendanl r¡uinze jours al'ec une infati–
gable vigilancc,
3\'CC
une fcrmcté froidc, mais
inébranlable, une relraile des plusdifficilcs, hé–
ri!anl de lous les embarras que les aulres reje–
laieut sur lui, el vivant de ce qu'ils lui laissaicnt,
c'est-1-dirc de ricn. Les troupes du princc Eu–
gCnc,
it
la vérité,
s'étaic11L
ruécs avcc quclquc
précipitation dans Wiasma, au momcnL ol1, dé–
gagées par le
'1"
corps, elles se halaie11t IJicn
nalurcllcmcnt de franchir le défilé.
C'él~it
le
Jcr
corps
~ui,
111arcl1ant a\'CC un
impcrturlrnUlc
sang·froid, avait couvcrl tout le monde, et on
l'accusail de s'élrc débandé 1 C'élait la !C!c de
l'arméc, pourvuc sinonde
touL,
clu moins de ce
qui rcstait dans ces campngncs désolécs,
et
n'ayant jamais l'cnncmi
a
dos, qui ¡rnrlnit ainsi
de l'arricre-garde
!
Le maréehal Ncy, dont la
raison n'égalait pas le couragc, cut le lorl de
lcnir , lui aussi, quclqucs propos de ce genre
conlre son collcgue. 11 :illail bienlót fairc lni–
mCme une gloricusc rnais terrible éprcuvc du
róle d'arrii:rc-gardc
1 •
Napoléon arrivale5novcmbre
ii
DorogoUougc.
Le prince Eugcne
y
arriva le 6, les nutres co1·ps
le 7 el le 8. Jusqu'ici le froid avait élé pir¡ua11t,
incommode, mais poi11t eneore morlcl. Tout 1
coup, dans la journéc <lu 9, le lemps se ehargc:i
de sombres vapeurs, et des lorrcnls de ncige
poussés
1m
un vcnt viole11l lomiJcrcnl su1· la
tcrrc. Nosrégimcnts
parLis
de la Polognc
¡rn1·
une
chalcur élou!Tanle, conduilsi1Moscousans l'idée
d'y
séjom'ncr
1
avaicnt Jaissé dans les magasins
de Dantzig les l'clcmenls les plus challlls, el
avaient cru que ce scrait asscz pou1· eux de les
1
J,c princc Eugl:uc de Wurlcn1!Jcrg, l'undcs mll'l':1tcurs
Ctrangcrslcs plusC(¡ui1ablcs
1
1\it,ilp1·opos1lesplriinlcsduma·
réchal Ncy sur le ter corps
1
ccs pat'Olcs: Jl/ais
Ncy11'arnil
troul'CJ' 1 \Vilna. Quclqucs soldats avaient des
ÍOUl'l'lll'CS
priscs
a
Moscou, mais c'élait le pclil
nombre, car la plupart les ávaicnl vcnducs 1
lcurs oílicic1·s. Bien nourris, ils aurnicnt sup–
porlé Je froid, qui n'élait encore que de 9
a
-10
drgrés fiéaumur; mais vivanLd'un pcu de
farine délayée dans de l'cau, de l'iande decheval
rólic au fcu eles
l.iivacs,
couchant
a
lcl'l'c sans
lentes ni ab1·i;, ils dcvaicnt clre crucllcmcnt
éprouvés
pai·
des
froids
mCmc
inféricurs
a
ccux
qu'ils
:1\'aicnt supportés jadis soit
en
Allcmaguc,
soit en Polognc. Ccttc prcmiCrc ncige tombéc
aprCs qu'on
cut
passé Dorogobougc, accruL
si11-
guliCrcme11t
la
misCrc généralc. Execplé
i1
l'ar–
riCrc-gnrdc, que
DavousL
avait
con<luite
m'ec
unr.
inílcxiiJlcfcrmclé, que Ney conduisait en ce mo–
ment
nvcc
une
éncrgie
de
eouragc
et de l10nnc
snnté
qu'aueunc souffrancc ne pouvait \
1
aincrc
1
le scnti111cnt du dcvoir commcncait d'abandon–
ncr lout le monde.
11
n'y avait q;1c le canonqui
rcndit 11honncur, ladignité, le couragc ;, ces sol–
dals cxlénués. Tous les blessés al'aicnl élé dé·
laissés, et des soldals alliés, donl nous ne dési–
gncrons pas ici le corps, chargés d'cseo1·tcr les
pl'isonnicl'S
1·usscs,
s'cn débal'l'assnicnl en lcur
cassant la lcle 1 coups de fusil. Qniconquc élait
atlcint de cetlc contagion d,égo'ismc sigénérnlc,
si lrislcmcnl frappanle dans les grandes ealami–
tés, ne songcant
<1u'l1
soi,
déscrlant ses rangs
pour chcrchcr 11 viVl'c, allaiL accroiLre la foule
errante et désa1·méc qui était cu sorlant de Do–
rogobougc de
LJO
millc individus environ
1
com–
p1·is les fugilifs de Moscou el les conduclcurs c!c
bagages. Plus ele dix mille soldals élaicnt rl<'ji1
morlssurlcsroulcs. llrcslait 11 pei11ccinr¡ua11le
mi lle homrncs sous les armes. Toulela eal'alcric,
exccplé cclle de la garde, élait démonléc. Pou1·–
lant on n'avail plus que lrois marches i1
faire
pour allcind1·c Smolcnsk. Une fois la, 011 se flat–
tait
de
trom•cr des magasins, des vincs, des
''Í:–
lcmcnls, des abris, des renforls el des rnu1·aillcs
forlifiécs. Cellc cspérance soulcnait le creur ele
l'armée. Smolcnsk
!
Smolensk
!
élait lecri sorlanl
de loules les bouches. On complait les licues, les
hcurcs. Jamnis
1
riprCs la tcmpCtc, pol't n'avniL
été si
vivemcnt désiré!
Mais
it
Dorogobougc de ftlehcuses nou1•ellcs
vinrcnLassaillir Napoléon : noul'clles défavora–
blcs des opfrations mililaircs sur les ailcs,
11011-
''cllcs élra11gcs de Vr:mcc, oú
le
gouverncmcnL