LIVRE QUARANTE-CINQUIEME.
Le 1" novcmbrc, en quillanl Ghjat, le maré–
cbal savait qu'on trouYcrail au Yillagc de Cza–
rcwo-Zaimitché un défilé difficilc, et ou il fallait
s'attcndrc a un grand cncombrcmcnt. On ayait
a
travcrscr une petite rivicrc rnarécageusc, pré–
cédée et suivic de tcrrains fangcux, ou l'on ne
pouvait passer que surune chausséc étroite, qui
dcvaitetrcbicntót obstruée. PrévoyantccUcdiffi–
culté, Je maréchal avait fait conjurcr le princc
Eugcnc de hatcr le pas, promcttant quant
a
lui
de le ralcntir lepluspossiblc. Malgré ces précau–
tions, Jecorpsdu prince Eugcncs'était accumulé
au passagc ile ce défilé, et le pont avait Oéchi
sousle poids. Quelques voilurcsd'artilleric, vou–
lant débarrasser la routc, avaicnt essayé de pas–
scr agué, et
y
avaicnt réussi. D'autres s'étaicnt
cmbourbécs, et ces dcrnicrcs faisant obstaclc
a
cellcs qui suivaicnt, le désordrc avait été porté
an comble. Le 1" corps arriva un pcu avant la
nuit dcvant ce triste cneombremcnt, qu'il fallait
protégc1·contrc l'cnncmi, ehar¡uc jour plusnom–
breux et plus incommode, car apres avoir cu scu–
lcmcnt Platow sur nos dcrricres, nous avionsde
plusMiloradovilch sur JeOanc.
En quclqucs instanls une massc de cavnlcric,
accompagnéc de bcaueoup d'artilleric, couvrit de
fcux tant la colonnc du princc Eugcne, accumu–
lée autour du pool, que les divisionsdu 1" corps.
L'intrépidc général Gérard, commandant la divi–
sion Gudin, se rangca en hataillc
a
I'extrCmc
arricrc-garde, el on le vit tantót avec son artillc–
ric éloigncr eclle de J
1
ennemi, tantót eourir lui–
rnerne
a
la tele d'un bataillon sur les batleries
ennernics pour les enlcver ou les obliger a fuir.
JI
protégea ainsi pendant la fin du jour et une
partie de la nuit ecttcespccc dedéroutc, partout
présent auplus fortdu dangcr. Pcndanl ce meme
temps le maréchal, tantót avcc le général Gé–
rard, tantót avec les sapeurs du 1" corps, était
occupé
a
diriger le combat,
a
rétablir le pont
rompu,
a
jctcr des ehevalelssur d'autres points,
et
a
fairc écoulcr la foulc. Lui, ses généraux,'ct
les soldats de la division Gérard passcrent celtc
nuit dcbout, saos mangcr ni dormir,
cxclusi\'C–
ment consaerés au salut du reste de l'armée.
Le Jendemain 2 novembrc
i1
la pointc du jour,
le maréchal Davoust supplia de nouveau Jeprincc
Eugene de se h1itcr, afin d'
él.rcrcndu Je 5 de
bonne hcure
a
Wiasma, ou Napoléon, qui s'y
trouvait dcpuis le 51, prcssait l'arrivéc ele·J'ar–
ricre-gardc, et ou l'on pouvait craindre en cffet
de rcnconlrcr le g1·os de J'armée russc débou–
cbant par la routc de Jucknow. La journée ful
employée a gagncr Fédérowkoié, qui est
a
une
petite distoncc deWiasma. 11 ful convenu qne Je
prince Eugcnc partirait lejoursuivant
a
3hcurcs
du matin. Malbeurcuscmcnt ce jeune princc,
doué de qualilés ohevalcrcsques, mais n'appor–
tant dans le commandcmcnt ni la précision ni la
vigucur du maréchal Davoust, ne sut pas faire
partir ses troupes a temps. Asix hcurcs du ma–
tin clics n'étaient pasen marche. LeI" corps qui
suivait devait attendrc l'écoulement des troupes
du prince Eugime, des trainords et des bagagcs.
11 ne pul done se mcttre que trcs-tard enroutc.
JI
fil
de sonmieux pom· rcgagncr le tcmps pcrdu.
Aune licue et dcmic de Wiasma, on
aper~ut
tout a coup l'ennemi sur la gauchc du ehcmin,
et ses boulets vinrent tombcr au milieu de la
massc débandée, qui marchail
a
la suitede l'ar–
méc, et avant l'cxtrCmc arriCrc-garde. Achaquc
décharge de l'artillcric russe c'étaicnt des cris
a[rcux, un Oottcmcnt épouvantablc dans cctlc
foule impuissantc, composécdesoldatsdésarmés,
de blcssés, de maladeo, de femmcs et d'cníants.
Le '•' corps, celui du prince Eugcne, 11ichait de
Ja faire avanccr, et la maltrailait souvcnt , les
soldats restés au drapeau se croyant le droit de
mépriser ccux qui de gré ou de force l'avaicnt
abandonné. Enfin le corps du princc Eugcnc,
poussant dcvant lui la massc qui lui faisait ob–
staclc, était parvcnu a défilcr prcsque tout cn–
licr, lorsqucprofltantd'un intervalle laissé entre
les deux brigades de ladivision Delzons, un parti
de cavalerie cnnemic se jetaa la travcrsc, et in–
tercepta la route. C'étaitla cavalerie de Wasilt–
chikoff, qui avec une nombrcusc artilleric1 ehe–
val vint barrer le chcmin, tandis que celle du
général Korff, déployée sur Ja gonchedeeememe
chcrnin,
le
couvrait aussi de ses projcctilcs. On
étaitcoupé, et il fallait se fairc jour.
Une brigade de ladivision Delzons et les restes
de Poniatowski se trouvaienl arrctés par la
manmuvrc de l'ennemi, el rcpoussés sur la tete
du1"corps, dont lescinq
divisionss'avan~airnten
bon ordre,sous la conduitedn rnnréehal Davoust
lui-méme.Cemaréchal se doulant qu'a Wiasma,
ou Ja route de Jucknow venait joindre celle de
Smolensk, on pourrait rcncontrcr Kutusof avec
toutc l'arméc russe, confirmé dans cclte conjec–
ture par les fréqucntes apparitions de Jaeavalcric
régulicrc, avait pris toutcs ses précautions, et
marcbait en ordrc de bataillc. De ses vieux gé–
néraux Gudin était tué; Friant était blessé si
griCrcment qu'il était daos J'impossibilité de se
tenir debout; Compans avait élé blcssé aubrasa