LA OÉRÉZINA. -
ocronnt
1812.
5?il
ce qu'il avait pu emporter de blessés et de ma–
Jadcs, ª''ec les'• mille hommes de Ja jcunegarde,
les 4 mille hommes de cavalcrie démontée, et
les 2 mille bommes d'nrtillel'ie, de cavalerie, du
génie, qui complétaient sa garnison.
11
ovait
Jaissé aux Eníaats trouvés quclques centaines
d'hommes non transportables, qu'il avait confiés
a
J'hoaneur et. Ja reconnaissance du rcspcctable
11.
Toutelmine. Au momentdepartir, il avait foit
une capture assez importante, c'étail cellc de
M. de Wintzingerodc, qui était Wurtembergeois
de naissance, que Ja France avoit toujours ren–
contré parmi ses cnnemis les plus actifs, et qui,
passé au service de Russie, commandait un corps
de partisans aux environs de Moscou. Trop
pressé de rentrer danscetle capitale qu'ilcroyait
évacuée, il s'y était aventuré, etavait été foil pri–
sonnier avec un de ses aides de camp, jeune
bomme de Ja famillc Narishkin. Ces deux offi–
cicrs enncmis ayant
été
arncnés ouquarlir.r gé–
aéral, Napoléon
1·c~ut
fort mal M. de Wintzinge–
rode, Jui dit qu'il était de Ja Coníédéralion du
Rhin, des lors son sujet, son sujct rebelle, qu'il
n'était pas un prisonnier ordinaire, <1u'il allait
etre déféré
11
une commission militaire, et traité
suivant la rigueur eles lois. Quant au jcnné Na–
rishkin, Napoléons'adoucissant
i1
son égard, lui
dit qu'étant Russc il serait traité commc les nu–
tres prisonnicrsde gucrrc, mais qu'on
nvail
Iicu
de s'étoaner qu'un jeune homme de grande fa–
mille servil sous )'un de ces étrangers merce–
naires qui infectaicnt Ja Russie. Les officiers qui
cntouraient Napoléon,regrettantpour sa dignité,
pour celle de l'armée
fran~aise,
qu'il ne contint
pas mieux l'explosion de ses chagrins, se hate–
rent de consoler M. de Wintziagerode, de J'cn–
tourer de ieurs soins, de Je faire mangcr avec
eux, bien convaincus que Napoléon ne leur sau–
rait pas mauvais gré de réparer eux-mcmcs les
fautes auxquelles l'entrainait son humcur impé–
tueuse.
L'armée étant arrivée
ii
Ja hauteur ele Mojaisk
qu'elle mit trois jours
a
traverser, bivaqua sur
lefunebre champ de bataille de Borodino, et ne
pul le revoir saos éprouver les impressions les
plus péniblcs. Dans un pays peuplé, qui a con–
servéses habitants, un champ de bataille estbien–
tót débarrassé des tristesdébrisdont
il
est ordi–
naircment couvert, mais Ja malbeureuse ville de
Moja'isk ayant été brulée, ses habitants s'étant
en[uis, tous les villages voisins ayant subi Je
mcme sort, il a'était resté personne pour en>e–
velir lescinquante mille cadavres qui jonchaient
le sol. Des voitures brisées, des canons démon–
tés, des casques, des euirasses, eles fusils répan–
dus
~·
et la, des cadavres
a
moitié dévorés par
les animaux, cncombrnieut Ja terre, et en ren–
daien! le spectaclehorrible. Toutes les foisqu'on
approchait d'un cndroit ou les victimes étaicnt
tombées en plus granel nombre, on voyait des
nuécs d'oiscaux de proie qui s'envolaient en
pou•sant des crissinistres, et en obscnrcissant le
ciel de Jeurs troupes hideuscs. La gelée qui com–
men~ait
a
se faire sentir pendan! les nuils, en
saisissant ces corps, avait suspenclu heureuse–
ment leursdan¡¡ereuscs émanations, mais nulle–
ruent diminué l'horreur de Jeur aspecl, bien au
con!raire
!
aussi les réílexions queJeur vue exci–
tait étaient-elles profonelément elouloureuses.
Quede victimes, disait·on,el pour<1uel résultat!
On avaitcourudeWiloa 1 Witeb k, de Witebsk
h
Smolensk, clans l'espoir d'une batailledécisi1•e;
on avait poursuivi cettebataillejusqu'ñ Wiasma,
puis jusqu'a Ghjat; on l'avait trouvée enfin
¡\
llorodino, sanulante, aclrnrnée; on était alié
a
lloscoudans l'espoir cl'en recueillir Je fruit,et on
n'y avait rencontré qu'un vaste incendie! on en
rc\'cnait sans avoir contraint l'cnncmi
tl
se
!'Cn–
elre, et saos les moyens de vivÍ·e pcndant le rc–
tour; on revcnail vers Je point cl'oú J'on était
parti, dirnin11és de moilié, jonchant tous les
jours Ja terre de clébris, avec la certitude cl'un
pénible hive1· en Pologne, et avcc eles perspec–
lives ele paix bien éloignées, car Ja pnix ne pou–
vait étrc le prix d'une ret1·aileéviclemme11tfor–
cée, el c'est pour un te) résultat qu'on nvait cou–
vert Ja terre decinquante millecadavres!
Ces réílexions elésolantes, tout le monde les
faisait, car daos l'armée
rran~aise
lesoldat pense
aussi vite, et souvenl aussi bien que Je ¡¡énéral.
Napoléon ne voulut pas que les soldats eusseat
le temps de s'appesantir sur ce triste sujet, ·et
ordonna quechaque corps ne séjournat que 1ien–
dant unesoirée dansce fw1cstolieu de llorodino.
On avait retrouvé Ja les Westphalieus, sous Je
pauvre général Junot, toujours soulfranl de sa
blessurc, soulfrant encare plus des mécomptes
éprouvés Jans cette campagne, et ne conservant
guere plus de 5 mille hommes sur les 1Omi lle
qui existaicnt
a
Smolensk, su1· les 1
o
millc qui
avnient pnssé Je Niémen ! Pendant que l'armée
était
a
Moseou, il avait cmployé son temps
a
gar–
dcr les blessés de l'abbaye de Kolotskoi, et il en
avait acheminé autant c1u'il avait pu sur Smo–
lensk, aumayen des voitures qu'il était pnrvenu
11
se procurer.
11
en 1·estait ccpendant plus de