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LA lJEREZINA. - ocronr.E

1812.

549

i1

ne trouvait pas de réponsc, de laisser gisants

a

terre dix ou douze mille blessés. 11 faut dire

¡,

sa louange que, !out habitué qu'il était aux hor–

reurs de la guerrc, la vue de son esprit se lrou–

blait en se figurant lant de málheureux abandon–

nés, malgré leurs cris et leurs prieres, sur une

route frayée par lcur dévouemcnt. Ah l si le livrc

des dcstins avait été ouverl un moment, soit

¡,

lui, soit aux siens, et qu'on cút pu y voir cent

mille bommes mouranl de íaim, de froid et de

fatigue sur !a route de Smolensk, il eút sacrifié

sans hésilcr vingt millc blessés

a

l'avantagc

d'évitcr la routc de la misere pour gagner cellc

de l'abondancc 1

Perplexe, agité, lourmenté par les speclacles

contraires que lui présenlait sans eesse sa forle

imagination , il hésilait, lorsquc par un geste

familicr qu'il se permellait quelquefois avec ses

licuteoanls, prenant l'orcillc du comtc Lobau,

ancicn général Mouton, soldat rude et fin, ayant

l'adressc de se !aire et de ne parlcr qu'a propos,

il

lui demanda ce qu'il pcnsait des divcrscs pro–

positions émiscs. Le comtc Lobau lui répontlit

sur·le·ehamp et sans hésiter, que son avis était

de sorlir !out de suite et par le plus eourt ehe–

min, d'un pays ou l'on avait séjourné tro¡rlong–

temps. Cetlc dcrniere réponse, faite en termes

ineisifs, aehcva d'ébranler Napoléon, qui, sans

se rcndrc immédialcmcnt, parut toutcfois incli–

ncr vcrs l'opinion qui scmblait prévaloir. Cctlc

fois cneorc pour avoir trop osé en.cntrcprenant

eellc guerrc, il osait trop pcu dans la maniere de

la dirigcr. 11 rcmit sa décision au lcndemain. Ce

tcmps du rcsle n'étail pas perdu , car Ney, ayant

quitlé Gorki dans

la

nuit du 25, défilait en ce

momcnt derriCrc le gros de J'arméc, et avait bc–

soin de deux jours pour en prendrc la tele. Une

pluie subit.e el de nrnuvnis augure élail tombée

dans la nuit du 25 au

2~·.

avait ramolli les routes,

et préparé aux ehcvaux des fatigues fort au·dcs·

sus de lcurs forces. Le bivac était déja froid.

Tout prcnait un aspee! triste et sombre. On al–

luma , eomme on pul et ou l'on pul, avee les

débris des chaumiercs 1·usses, de grands fcux,

afin de eonjurer cel hiver qui

commen~ait.

Le lendemain 26 octobrc, Napoléon 1 eheval

de lrcs-bonnc hcure voulut reconnaitrc de nou–

vcau la position des Russcs. lis scmblaient rétro–

grader, probnblcmcn1. pour prcndre en m·ricrc

une meillcure posiiion, et se mcltre en mesure

de micux défcndrc la roulede Kalouga. Napoléon

L1•ouvn lous les avis nussi prononcés que la \'Cillc

pour une p1·o'mpte rctraite sur MojR°isk. Malheu-

co~

sm.AT.

'-·

rcusemcnt le prince Poniatowski ayant tenté de

se porter de Wercja ou il étail, sur le chemin de

~Iédouin,

direction inlcrmédiairc que le maré–

chal Davoust avail conseillée, y avait cssuyé un

échcc qui n'était guCrc de naturc

a

rccommandcr

!'avis du marédrnl. Napoléon pl'iL done son parli,

et se décida cnfin ace retour dircet par la roule

de Smolcnsk, qu'il n'avail pas admis·d'auord,

commc révélant trop claircment la ·résolution de

battre en rctraitc. Ainsi pour n'avoi1· pas voulu

faire un avcu indispensable, pour n'avoir pns

voulu le fairc

il

temps, il fallait le faire aujour–

d'hui 'plus complétcmcnt, plus trislement, et

avec les inconvénientsgraves résultanl du lcmps

perdu et des vivrcs consommés

!

Quoi qu'on pút en penser, il fallait bien se

résigner, et prendrc la travcrsc de Wcreja, qui

allait en trois jours nous conduire

a

Moja'isk, ce

qui fcrait onzc jours pour arriver

1;

ce point ou

l'on aurnit pu se rcndre en qualre. Napoléon

donna tous les ordrcs pour le eommenccmcnt de

ce mouvcmcnt, qu'il imporlait de ncpas difTércr.

La garde dut mareher en téte avcc le quartier

généJ'al; le maréchal Ney, qui avait déja défilé

dcrriCre le gros de l'arméc, clul suivrc Ja gardc

avcc cequi reslait de la eavalcrie.Apres, dcvaicnt

venir le prinee Eugcnc et le princc Ponialowski,

el cnfin

aprCs

eux lous, le maréclwl Davoust,

dont le corps, plus consistan! que les aulres,

élait a¡ipclé

n

rcmplir le role si difficile el si

pél'illcux de l'arriere-gardc. ks débris de la

eavalcric de Grouchy , donl ce bravc générill

avait repris le commandement malgré sa bles–

sure, furent donnés au maréchal Davoust pour

lcseconder dans l'accomplissemenl desa mission.

Le mouv.emcnt définitif de rclrailc

commen~a

le 26 octoure, et pendan! loute cclle journéc le

maréclrnl Davoust resta en position, afin de pro–

tégcr lamarche des nutres corps. A partir de ce

momcnt une sortc de trislcssc se répandit dans

les csprits. Jusqu'ici on nvait eru manccuvrcr, en

passant par des pays fcrtiles, pour se porlc1· vers

des elimats meilleurs. Mais il n'était désorrnais

plus possible de se faire illusion et de mécon–

naitre la cruellc vérité. On se rctirail forcément,

par une routcconnuc, qui ne promeltait ricn

de

nouvcau, et offrait In misCrc en pcrspcctivc.

Toutcfois

on ne craignait

guCrc

l'cnncmi,

et

si

l'on íaisnit un vreu

c'était de le

rcncontrcr,

el de

se ''engcr sur lui des f<ichcuscs résolutionsqu·on

avait élé obligé de prendre.

Le lcndernain 27 !out le monde étnil en mar–

che de Mnlo-Jaroslnwcl1. sur

\Yc1·cja,

Inganlr en

25