LA lJEREZINA. - ocronr.E
1812.
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ne trouvait pas de réponsc, de laisser gisants
a
terre dix ou douze mille blessés. 11 faut dire
¡,
sa louange que, !out habitué qu'il était aux hor–
reurs de la guerrc, la vue de son esprit se lrou–
blait en se figurant lant de málheureux abandon–
nés, malgré leurs cris et leurs prieres, sur une
route frayée par lcur dévouemcnt. Ah l si le livrc
des dcstins avait été ouverl un moment, soit
¡,
lui, soit aux siens, et qu'on cút pu y voir cent
mille bommes mouranl de íaim, de froid et de
fatigue sur !a route de Smolensk, il eút sacrifié
sans hésilcr vingt millc blessés
a
l'avantagc
d'évitcr la routc de la misere pour gagner cellc
de l'abondancc 1
Perplexe, agité, lourmenté par les speclacles
contraires que lui présenlait sans eesse sa forle
imagination , il hésilait, lorsquc par un geste
familicr qu'il se permellait quelquefois avec ses
licuteoanls, prenant l'orcillc du comtc Lobau,
ancicn général Mouton, soldat rude et fin, ayant
l'adressc de se !aire et de ne parlcr qu'a propos,
il
lui demanda ce qu'il pcnsait des divcrscs pro–
positions émiscs. Le comtc Lobau lui répontlit
sur·le·ehamp et sans hésiter, que son avis était
de sorlir !out de suite et par le plus eourt ehe–
min, d'un pays ou l'on avait séjourné tro¡rlong–
temps. Cetlc dcrniere réponse, faite en termes
ineisifs, aehcva d'ébranler Napoléon, qui, sans
se rcndrc immédialcmcnt, parut toutcfois incli–
ncr vcrs l'opinion qui scmblait prévaloir. Cctlc
fois cneorc pour avoir trop osé en.cntrcprenant
eellc guerrc, il osait trop pcu dans la maniere de
la dirigcr. 11 rcmit sa décision au lcndemain. Ce
tcmps du rcsle n'étail pas perdu , car Ney, ayant
quitlé Gorki dans
la
nuit du 25, défilait en ce
momcnt derriCrc le gros de J'arméc, et avait bc–
soin de deux jours pour en prendrc la tele. Une
pluie subit.e el de nrnuvnis augure élail tombée
dans la nuit du 25 au
2~·.
avait ramolli les routes,
et préparé aux ehcvaux des fatigues fort au·dcs·
sus de lcurs forces. Le bivac était déja froid.
Tout prcnait un aspee! triste et sombre. On al–
luma , eomme on pul et ou l'on pul, avee les
débris des chaumiercs 1·usses, de grands fcux,
afin de eonjurer cel hiver qui
commen~ait.
Le lendemain 26 octobrc, Napoléon 1 eheval
de lrcs-bonnc hcure voulut reconnaitrc de nou–
vcau la position des Russcs. lis scmblaient rétro–
grader, probnblcmcn1. pour prcndre en m·ricrc
une meillcure posiiion, et se mcltre en mesure
de micux défcndrc la roulede Kalouga. Napoléon
L1•ouvn lous les avis nussi prononcés que la \'Cillc
pour une p1·o'mpte rctraite sur MojR°isk. Malheu-
co~
sm.AT.'-·
rcusemcnt le prince Poniatowski ayant tenté de
se porter de Wercja ou il étail, sur le chemin de
~Iédouin,
direction inlcrmédiairc que le maré–
chal Davoust avail conseillée, y avait cssuyé un
échcc qui n'était guCrc de naturc
a
rccommandcr
!'avis du marédrnl. Napoléon pl'iL done son parli,
et se décida cnfin ace retour dircet par la roule
de Smolcnsk, qu'il n'avail pas admis·d'auord,
commc révélant trop claircment la ·résolution de
battre en rctraitc. Ainsi pour n'avoi1· pas voulu
faire un avcu indispensable, pour n'avoir pns
voulu le fairc
il
temps, il fallait le faire aujour–
d'hui 'plus complétcmcnt, plus trislement, et
avec les inconvénientsgraves résultanl du lcmps
perdu et des vivrcs consommés
!
Quoi qu'on pút en penser, il fallait bien se
résigner, et prendrc la travcrsc de Wcreja, qui
allait en trois jours nous conduire
a
Moja'isk, ce
qui fcrait onzc jours pour arriver
1;
ce point ou
l'on aurnit pu se rcndre en qualre. Napoléon
donna tous les ordrcs pour le eommenccmcnt de
ce mouvcmcnt, qu'il imporlait de ncpas difTércr.
La garde dut mareher en téte avcc le quartier
généJ'al; le maréchal Ney, qui avait déja défilé
dcrriCre le gros de l'arméc, clul suivrc Ja gardc
avcc cequi reslait de la eavalcrie.Apres, dcvaicnt
venir le prinee Eugcnc et le princc Ponialowski,
el cnfin
aprCs
eux lous, le maréclwl Davoust,
dont le corps, plus consistan! que les aulres,
élait a¡ipclé
n
rcmplir le role si difficile el si
pél'illcux de l'arriere-gardc. ks débris de la
eavalcric de Grouchy , donl ce bravc générill
avait repris le commandement malgré sa bles–
sure, furent donnés au maréchal Davoust pour
lcseconder dans l'accomplissemenl desa mission.
Le mouv.emcnt définitif de rclrailc
commen~a
le 26 octoure, et pendan! loute cclle journéc le
maréclrnl Davoust resta en position, afin de pro–
tégcr lamarche des nutres corps. A partir de ce
momcnt une sortc de trislcssc se répandit dans
les csprits. Jusqu'ici on nvait eru manccuvrcr, en
passant par des pays fcrtiles, pour se porlc1· vers
des elimats meilleurs. Mais il n'était désorrnais
plus possible de se faire illusion et de mécon–
naitre la cruellc vérité. On se rctirail forcément,
par une routcconnuc, qui ne promeltait ricn
de
nouvcau, et offrait In misCrc en pcrspcctivc.
Toutcfois
on ne craignait
guCrc
l'cnncmi,
et
si
l'on íaisnit un vreu
c'était de le
rcncontrcr,
el de
se ''engcr sur lui des f<ichcuscs résolutionsqu·on
avait élé obligé de prendre.
Le lcndernain 27 !out le monde étnil en mar–
che de Mnlo-Jaroslnwcl1. sur
\Yc1·cja,
Inganlr en
25