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i.JVRE QUARANTE-CiNQÍJ!EME.

La gravité de la situalion ne comportaiL ni Ja ré–

scrve ni Ja llatterie. Fallait-il s'obstincr, ct livrcr

une sccondc bataille pour percer sur Kalouga,

ou tout simplement se rabattrc par

la

droilc sur

Mojaisk, afin de regagncr la grande roulc de

Srnolcnsk, qui était dcvcnuc notre propriélé in–

contestéc par les postes nombrcux qui l'occu–

paicnt, et par les convois qui la parcouraient?

Gagncr la bataille, si on Ja livrait, ne faisait

doule pour personne, mais ce qui n'cn faisait pas

davantage, c'était la pcrspcctivc de pcrdrc une

vingtainede rnillc hornmes, dont dix mi lleblessés

au mobs qu'on serait

obligé

de portcr avec soi,

ou bien d'abandonncr.

Ül',

ri

la rlistnncc oú l'on

se trouvait de la Polognc, et sui'l.out de la Francc,

en Clrc arriré

a

une sorlc d'égalité numériquc

11vec Pcnncmi, préscntait un dangcr auqucl il

cut élé fort imprudcnt d'ajoulcr la pc1'lc d'un

cinquicmc de l'arméc. 11 importait désormais de

ne pas perdre un seul hommc inutilemcnt. De

plus, abandonncr les blessés a Ja rage despnysans

russcs, était non·sculemcnt un déchirement de

creur, mais ungrave péril,car c'était démoraliscr

Je soldat., et lui <lircque lonte blessure équivalait

i1la mort.

D'nutrc

pa1'L,

reprcnclre par un mouvcment

a

droitc la grande route de Smolcnsk, c'était se

condamncr

a

faire cent licues

a

travcrs un pnys

<¡ue l'armée 1•usse et J'arméc

frnn~aisc

nvnient

déja convcrti en déscrl. On nvnit. apporlé des

vivres, mais on Yenait

d'cn

consommer uue

grande portie daos les scpt jours employés

a

se

remire de Moscou

it

Malo·Ja!'oslawctz, et on au–

rait ccrtainemcnt achcvé de les consommc!' en

al'rivant

a

Mojaisk, ou l'on ne pouvail. pas ctrc

avant ll'Oisjours. On auraitainsi pcrdu,

a

cxécu–

ter un trajet inutile, dix journées et des vivrcs

en proportion, et avec ces dix journécs et ces

vivrcs on aurait pu, en prcnant tout simplcmcnt

la !'Oute de Smolcnsk, npprocher bcaucoup de

ccttc villc, attcindrc au moins Dorogobougc, et

la trouver des convois envoyés

ii

notrc l'cncon–

ll'C

!

éternel sujet de regrets, si les rcgrcts sc!'–

vaient

a

quclquc ehosc, d'avoir saerifié

n

des

caleuls de politique et d'orgucil ce parti si sim–

ple, si rnodcstc, de rctournc1· par oú l'on était

Vcnt1!

Ces rcgrcts, tout le monde les éprouvait, mais

ce n'était pas le cns de récrimincr. On ne rauroit

pas osé, et on ne Je dcvait pas. Dans ce conscil

mémorable, tcnusons Je toit d'uneobscurc chau–

miCrc russc, onobéit

a

unscntimcnt unanime en

conseillant sans1·éscrvc laretrnitcJa pluspromptc,

la plus <lircclc par

~fojaisk

et la routc battue de

Smolcnsk. Les raisons que tous les opinants

avaicnt

it

Ja bouche, pa1·cc que tous les avaient

dans l'csprit, c'étaicnt la ccrtitudc de s':ifTaiblir

bcaucoup par une bataillc dans une situation ot\

tout homme élait dcvcnu précicux,l'impo0sibilité

de traincr aprés soi dix ou douzc millc blcssés,

enfin, si J'on s'obstinait

a

combatlre pOlll' JlCl'CCr

sur Kalouga, Je danger de voir l'cnncmi profiter

de nos nouveaux retards pou!' se portcr en masse

SU!' notrc droitc, et nous ba1·rer le chcmin de

Mojaisk, maintcnant noLrc dcrnicrc rcssourcc.

Quand le troublc s'cmparc des csprits, mcmc les

pluscouragcux, ce n'cst point

i1

demi. On n'avait

qu'un spcctocle sous les ycux, c'était cclui des

forces russcs réunics

a

Mojaisk pour nous forme!'

la l'outc de Ja Polognc. Pourtant on n'cst jamais

coupé avcc des soldats et des officiers tcls que

ccux que 11ousnvionsi car on est toujours si'tr

de

se fairc jour. L'un des Jicutcnants de Napoléon,

qui joignoit

a

Ja riguCUI' dans J'action une l'Al'C

fcrmcté ·d'esprit, le maréchal ])avoust, parta·

gcant l'opinion qu'il fallait rcnoncer

¡,

perccr sur

Kalouga, émit ccpcndant un avis moycn, c'était

de prendrc un cbcmin qui était ouvert cncorc,

et qui, situé entre Ja nouvellc routc de Kalouga

fcrméc par Kutusor, et la routede Smolcnsk fer–

mée parJamisCrc,passailparMédouin, Jouknow,

Jclnia, " travcrs des pays ncurs et abondants en

1•ivrcs. Avcc des moycns de subsistancc on était

sl1r de maintenir l'arméc

ensemble,

et de rentrcr

a

Smolcnsk fort;, respcctés et toujours formi–

dables.

Cct nvis

re~ul

pcu <l'accucil de Ja part des

collcgucs du maréchal Davoust, qui ne voyaient

desürctéqu'it rcgagncr par Je pluscourt cbcmin,

c'cst·n-dirc par Moja'isk, Ja roulc de Smolcnsk.

Napoléon ne Jui donna pas l'appui qu'il aurait

dil, pnrcc qu'il'nc par1agcait ni l'opinion du mn–

réclial Dal'oust, ni cellc de ses autres lieutc–

nants. 11 pcrsistait

a

pcnscr que Je micux scrait

de livrcr balnillc, de pcrcei· sur Kalouga, et

d'allcr s'étublir victoricuscmcnt daos Ja fcrtile

provincc dont les Husscs mcttaicnt tant de prix

i1

nous intcrdire l'cntréc. Outrc l'avantagc de

rcmportcr une victoirc, de rétablir l'asccndant

des armes, déjU un pcu eompromis,

il

y

;'fo}rail.

cclui d'clrc en pays richc, et il ne doulait pas

de l'arméc quand clic anrait de

~uoi

manger et

s'abritc1·. llcstait, il cst vrai,

le

dnnger de s'af–

fuiblir

numériquemcnt, bic11 compensé, suivnnt

Napoléon, par l'avontagcdcsc rcnforccr moralc–

mcnt ;

mais rcstait nussi

l'inconvénicnt, auqucl