LA nÉRÉZINA. -
NOVEruDRE
1812,
cctte conspiration,accidcnt éphémere, sans autré
conséquence pour Jui qu'une Jucur sinislrc jctée
sur sa situation politiquc : il fallait donner des
ordrcs aux divcrs corps d'arméc, dont le con–
cours élait indispensable pour cmpcchcr la réu–
nion de toutcs les forces cnncmics sur nos dcr–
ricres, 1·éuniondéja bien
a
craindre,etquipouvait
nous réduire apasscr sous les fourchcs cnudincs,
peut·clre méme constituer Napoléon le prison–
nier d'Alcxandre
!
Napoléon fit écrire au princede Schwarzenberg
et au général Rcynier par M. de llassano, de ne
plus latonncr entre Ilrezesc et Slonim, de laisser
la le corps de Sacken, qui n'élait pas bien dan–
gereux pour Varsovie, que bientót d'ailleurs on
accablerait d'aulant plus surcment qu'il aurait
été plus · téméraire, et de marchcr a l'amiral
Tchitchakoff sans reh\che, car la présence de ce
général russe sur la Ilérézina, c'csl-1-dirc sur la
lignc de rctrailc de la grondc arméc, pouvait
étre désastreusc.
JI
écrivil auduc dcBcllune pour
lui ordonncr de se réunir sur-le-champ au maré–
chal Oudinot; il recommanda átousdeux de ma.r–
cher vivemeut sur Wittgenstein, qu'ils surpas–
saicnt enquantité el en qualité de troupes, de le
pousser a outrance au dela de la Dwina, de ga–
gner sur lui une hataillc décisivc, de dispenscr
ai.nsi la grande armée d'cnlivrcr une cllc-mcme,
car elle élait singulicrcmcnt fatiguée (Napoléon
n'osait pas dirc ruinée), de se haler su1·1out, car
il se pourrait que leur concours fLit égalemcnt
indispensable conlre Tchilchakoff.
JI
écrivit
n
Wilna pour qu'on fil venir de Krenigsbcrg !'une
des divisions du maréchal Augcrc:iu, celle qui
a\'ait
Mja
été
amcnéc
a
Dantzig
1
et
qui des
mains
du
général Lagrangc a,·ait passé
ii
ccllcs
du
gé–
néral Loison.
La
fo·ision Duruttc, cnvoyée
ñ
Varsovic pour rcnforccr le général Hcynicr, com–
pos11it avcc cetlc division Loison les dcux qui
avaicnl élé détachécs de l'arméc d'Augercau, et
qui allaient clrc rcmplacér.s par la division Grc–
nicr, tirée d'Halie, et portéc en ce moment
ñ
18 millehommcs.
Napoléon rccommanda en outre i1 M. de Bas–
sar.o, qui déployait
a
Wilna la plus grande acli–
"ité administrative, ele dirigcr sur les <lircrs
dépóts de l'arméc, c'csl-i1-dirc sur Mimk, Bori–
sow, Orsclrn, Smolensk, tous les \'Ívrcs, tous les
spiritucux, tous lcs,·CLcmcnts, tous les chevaux
qu'on pourrail se p1·ocurcr.
11
ordonna un achal
de 50 mille chcvaux, payés complanl, en Allc–
mngneel en Pologne. Le général Bourcicr, com–
mandanl les dépóts de cavalcric en Hanorrc,
CONStlLAT,
4-,
dul partir sur-lc-champ pour cxécutcr cct achat,
s'il élail possiblc de le réalise1"
Napoléon, ces ordrcs expédiés, partil pour
Smolcnsk en rccommandanl au maréchal Ncy,
qui albil couvrir la rctraitc, de ralcutir le plus
possible la marche de l'enncmi, afin de donnc1·
aux trainards le tcmps de rcjoindrc.
JI
prcscri–
vit au prince EugCne de quiLter l1 Dorogobouge
la route de Smolcnsk, pour prcndrc ccllc de
Doukhowlchina, que ce prince avait déja par–
courue, qui préscntait quclqucs ressources en
vivrcs, et
d'oll
J'on
pounait
s'assurcr de fa si–
tuatioi;dc Witcbsk, mcnacéc en ce momcnt pa1·
Willgenslein. Si cclle place étail en péril, le
prince Eugene dcvail s'y porter et s'y élablir,
Witcbsk élant a1•ec Smolensk appclée
it
formcr
lesdeuxpoints d'appuide nos canlonnemcnts.
Napoléon quilla Dorogobouge le 6 novcmbre.
Toute l'armécsuivil le7 et le8. Le froid dcvcnu
plus sensible fil rcssortir de riouveau l'oubli bien
regretlable des vCtcmcnls d'hiver, et un autre
oubli plus fdchcux cncore, cclui des elous
n
glocc
pour les chcvaux. La saison dans laquclle ou
était parli, la croyance oú l'on étail en partanl
d'Ctrc de rctour avant les mnuvais temps, ex–
pliquaienl cctlc doublc omission. Nos malhcu–
rcux soldals marchaienl affublés de rctemcnls
de !out gcnrc, cnlevés dans !'incendie de Mos–
cou, sans pouvoir se garantir d'un froid de 9ou
10
degrés, et
a
chaquc monlée, rcndue glissanle
par la ¡:;lace, nos chcvaux d'arlillcric, mCme en
doublanl el en lriplanl les attclagcs, ne parvc–
naicnt pasa tircr les picces du plus foiblc calibre.
On les ballait, on les mettail en sang, ils tom–
baicnt les gcnoux déchirés, et ne poul'aicnt sur–
montcr l'obslarle, pril'és qu'ils étaient de forces
el de moycns de lcuir sur la glacc. On al'ail
abandonnédes caissons au point de n'avoir p1·es–
quc plus de munilions; bicntól il fallul aban–
donncr des canons, trophée que notrc bral'e :ir–
tillcrie ne livra aux Russes que la doulcur d:111s
l'time, el Ja confusion sur Je fro1ft. Les voitures
étaient ainsiforl diminuécs en nomhre, etchaquc
jour on en abnndonnait de nouvellcs, leschcvaux
cxpirant sur les ehemins. Ces ehcvaux,du reste,
on enviwtit. La nuit venue·on se jctail sur eeux
qui avaienl succombé, on les
dépc~ail
i1coups
de sabre, on en faisaiL rótir les lnmbcaux 3 d
1
i111-
mcnscs fcuxallumés avcc des arbrcs abattus, on
les dévorait, et on s·cndormaiL aulour de ces
fcux . Si les Cosaqucs ne venaient pas ll'oublcr
un sommeil ehCremcnt achcté, on se révcillait
quclqucfois
a
dcmi brillé, quclqucfois enfonct'
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