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LIVl\E QUAl\ANTE ET UNIEME.
A l'abri du pnvillon britannique, des ccnlaines
de bíltimeuts de commcrcc vcrsaicnt sans nu–
cun déguiscmcnt sur la cóle de Sucde leurs
marcJrnndiscs de toutc naturc, sucrcs, cafés, co–
tons, produils de Bi1•mingham el ele Manchesler.
Ces marchandises, mises Ja en enlrcpót, s'échan–
geaicnt succcssivcment contre des produits du
Nord, tels que bois, fcrs
1
chanvrcs, grains appar–
lcnant
il
la Hussie,
a
I~
SuC<le,
it
Ja Pr11sse, a
l'Allcmangne , quelquefois aussi conlrc eles soies
brulcs d'ltalie, et ensuile étaicnl transporlécs
dans toutc Ja llalt.iquc sous divcrs pavillons soi–
disant neutrcs, et particulierement sous Je pavil–
lon américain. De pclitcs divisions anglaiscs,
composécs de frégatcs et de vaisscaux de 74, es–
cortaicnt les batirncnlsvoués
a
ce comrncrcc, les
mcnaienla l.ravcrs les llelts afin d'éviter le Sund,
les gnrantissaicnt des corsaircs
fr:m~ais,
danois,
hollandais, et les convoyaient jusqu'aux appro–
chcs de Stralsund, de Higa, de Hevcl, eleCron–
stadt. Un signa! convcnu, consistnntdans une gi–
rouclte placée sur le grand rnat de ces balirnents,
les faisait rcconnaitre, commc un mot d'ordrc
dans une villc ele gucrrc, et les distinguait de
tous ceux qui auraicnt voulu seglisscr au rnilicu
des convois. Sous ce rapport, Napoléon avait
raisonde dirc
tfUC
les ncutrcs, mCme ceux. qui
portaicnt légitirncrncnt le pavillon des Elats·Unis,
étaicnt compliccs eles Anglais. Mais le principal
aboulissant de cecommcrcc sur Je continent élait
Je port deSlralsund, dansJa Pornéranie suédoise.
lntroduilsdansceport commc marehandiscssué–
doises, lesproduits anglais avaicnt libre acccs en
Allcmagne dcpuis la paix de la Francc avcc la
SuCde. Un gros commissionnaircdu pays avait cx–
pédié jusqu'il mi lleehariolsde ces marchandiscs.
C'cst ainsi que les Suédois éludaicnt les con–
ditions de leur paix avce la Francc. lis avaient
ponssé le soin po111· ce trafic jusqu'it disposm·
autour de Golhenbourg un cordon de cavalerie,
lcqucl, sous prétexle d'épidémic, cmpcchait qui
quece ftlt d'approchcr, et de 1•oir des millicrs de
ballols de conlrehandc étalés sous des lentes,
ninsi qu'un grand nombre d'officicrs nnglais ve–
nant mangcr des ''ivrrs fruis et se consoler U
tcrre des cnnuis de lcurs Jongucs croisiCres,
Divcrs agcnts cnvoyés par le maréchal Davoust
ayant réussi
a
pcrccr le co1·don qui ne couvrait
d'autrc épidémie que ccllc de Ja contrebande,
nvnicnt cntcndu parlcr les Iangucs russc et allc·
mande, mais surtout Jalanguc anglaise, rlans ce
vnste éiablissement improvisé par Je génie du
commcrcc inlcrlope.
De tcls f'aits, caches un moment, ne pouv"ient
étrc longtcrnps ignorés de Napoléon. De plus,
une complicalion réecnlc était vcnue ajoutcr de
nouvclJcs singularités
a
cette étrangc situation.
Le duc de Sudermanie, oncle de Gustave IV,
n'avait point d'enfants. Le plus simple cut été
d'adoptcr pour héritier
Je
fils du roi détróné.
Mais les gens de cour composant le parli dn
prince déchu, quelqucs-uns de lcurs chefs, sur–
tout, arnicnt cu l'art' de se rcndre odieux
1t
la
Sucde. Parmi les principaux on comptait le
comle de Fersen, nom qui avait déja figuré dans
notre révolution, la comtesse de Pipcr, la reine
cnfin, épouse du roi régnant, et affichant des
passions peu conformes
a
sa nouvclle situation.
11
n'était aucune méchante pcnsée, aucun sinis·
trc projet, qu'on ne ftit disposé
a
impuler a ce
parti, et, vu la haine qu'il inspirait, il était <le–
venu impossible de rélablir l'hérédilé dans la
famillc desWasaen prcnant pour roi futur le fils
du roi délróné, enfant fort innoccnt des folies
de son perc. Dans cct embarras, Je nouvcau roi
Charle• XIII avait adopté un prince danois, duc
d'Augustenbourg, et beau-frcrc du roi de D"nc–
mark. La couronne ele Dancmark élait cllc–
méme mcnacéc de déshérencc, car le roi de
Danemark n'avait point de dcsccndant dircct.
Bcaueoup de gens sensés en Sucdc, voyant
it
Stockholm et it Copenhague dcux lróncs dcsti–
nés
1t
élre bicntól vacanls, voyanl la déchéancc
progrcssivc de lcur patrie, mcnacéc sur trrrc
par la Hnssie, sur mcr pai· l'Angleterre, pcn–
saicnt que pour la relevcr il fallaiL revenir
a
la
J'amcusc réunion des trois royaumcs scandi–
navcs, qui avait pu Jaisscr de péniblcs souvcnirs
daos le passé, rnais qui dans !'avenir pouvait
scule assurer l'indépendance et Ja grandeur de
ces royaumes. lis pensaienLen oulrc que ccltc
réunion des· lrois couronncs et l'allianee de la
Frunce, trop éloignéc pouravoir aucun mauvais,
projet contrc
la
Sucde, et fortemcnt inlércsséc
n
son indépendancc continenlale et marilime,
constiluaicnt la véritable polilique guédoise.
Cctlc politique était la vraie, c'élait celle que les
Suédois dcl'aicnt désirer, et celle aussi que l'Eu–
rope devait souhailer aux Suédois. Malhcurcuse–
mcnt, bienque certain inslinct national seconrhit
les gens éclairés qui l'avaicnl ernbrassée, chcz les
paysans, qui formaicnt l'ordre libéral, l'union de
Calmar rappelait de facheux souvcnirs, et l'idée
c¡u'on se faisait du roi régnant de
Dancmark,
princc sé1·crc et elur, tout occupé de détails mi–
litaircs, n'était pas de nalurc
il
les ramencr. Le