MOSCOU. -
mTEmlllE
·1812.
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épaulcs : inforlunés, qui ignoraicnt que les plus
f'avorisés pourraicnt
íl
peiuc
y
rapporler lcur
corps ! On réussit ccpcndant
a
mcltrc fin au
désordre, et on
y
subslitua des rcchcrchcs 1•égu–
liCrcmcnt conduilcs, pour crécr des nrng:asins,
et pour sr. procurcr ainsi le moycn de passcr i1
illoseou tout le tcmps néecssaire. Les rechcrchcs
auxqucllcs on se livra révélorcnt bicntót l'cxis–
lcnce de quantilés considérablcs de grains, de
viandes salécs, de spiritucux, surtout de sucrc
el de café, hoisson précieuse dans les pays ou le
vin cst rare. On partagea lavillcentre les divers
corps d'armée,
a
peu pres commc nu jour de
leur arrivéc, cbacun ayant sa tete de colonne au
Krcmlin, el sa masse principale dans la partie
de la ville ¡iar laquelle il était entré, le princc
Eugcnc entre les pot·lcs de Saint-Pétcrsbourg et
de Smolcnsk, le maréchal Davoust entre cellcs
de Smolcnsk et de Kalouga, Je prince Ponia–
towski vcrs la porte de Toula, la ca1•alerie en
dehors,
a
la poursuite de l'enncmi, le maréehal
Ney
a
l'est, entre les portes de Riazan et de
Wladimir, la garde sculc au centre, c'cst-it-tlirc
au Krcmlin. On réserva pour les officiers les
maisons conservées, et onconvcrtiten nrngasins
les grands batimcnts qui avaienl échappcr
a
!'in–
cendie. Chaque corps dut déposcr dans ces nrn–
gasins ce qu'il découvrail journellcment, de ma–
niere
a
fairr., indépendamment
de~
dislributions
quolidienncs, des provisions d'avenir, soit qu'il
fallut rester, soit qu'il folhit partir. On acquit la
certitude qu'il y aurail. en pain, viandcs salécs,
boissonsdu pays, des vivrcs pou1·plusicurs mois,
el pour toute l'armée 1.
Mais la viande fraiche, qu'on ne pouvait se
procurer qu'avee du bétail, et le bétail qu'arcc
du fourragc, était un sujcl de grave inquiétudc.
La conscrvation des chcvaux de l'artillcric
e~
de
la cavalcrie, qui dépcndait également des four–
rogcs, élait un sujetde préoccupationencorc plus
grave. Napoléon cspéra y pourvoir en étcudant
ses avant-postes jusqu'ii dix ou quinzc licues de
Moscou, de maniere
lt
cmbrasscr une portion de
lerriloire assezvaslc pour y trouvcr des légumcs
et des fourragesenc¡uantilésuffisonte.
11
imagina
une autrc mesure, c'était d'attirer les paysans en
les payant bien. Les roublcs en papier étaut la
monnaicqui avait cours en Russic, et le trésor
de l'armée en contenant une quaotité donl nous
avons
dit
!'origine, ignoréc de lout le monde, il
1
J.e
docteu1· Larrc)', l'un tlcs témoins les micux info1·111Cs
Ueccllesitu:illon,croynil qu'ou pou\'uilvivrcsixmoissur ks
pro\·isionstrouvéesUMoscou.
CONSDl.AT, ,.
fil annonccr qu'on paycrait complant les vivres
opportés dans Moscou, surlout les fourragcs, et
rccommonda cxprcssémcnt de protéger les
pnysans qui répondroicnt
a
cct appel; il lit oe–
quillcr la solde de l'armée en roublcs-papicr ,
oyant loutcfois la précaution d'ojoutcr (ce qui
était un acle indispensable de loyauté enrcrs
l'arméc) que les officiers qui désircraientcnvoyc1·
lcurs :ippoinlcmcnts en Froncc, auraient la
fa–
culté d'y fairc convertir en argent,
a
lous les
lmrcaux dn trésor, ces papiers d'originc étran–
gcrc.
Jlelevant l'cmploi de ces moyens par un acle
d'humanilé digne de lui et de l'arméc
fran~nisc,
il
flt
distribucr des seeours
a
tous les incendiés.
On aida les uns
il
se créer des cahulcs, on offrit
un asile aux nutres dans les balimcnls qui ne
scrvaicnt pas
i1
l'arméc, et en outrc on lcur ac–
corda des vivrcs. Mois ces ''ivrcs, dont le bcsoin
pouvait devenir bien !)!'and, suivant la duréc du
séjour
a
Moscou, étaicnt lrop précieuxpour ctrc
donnés longtcmps
a
des étrangcrs' lo plupart
cnncmis. Nnpoléon aima micux lcur fournir de
l'argenl, afin qu'ils se pourvussent au dchors, et
il lcur
flt
distribuerdes rouhlcs-papicr. Les Fi·an–
~ais
ancicnnemcnt élablis
ú
Moscou furcnt lrailés
commc notre proprc arméc, et ccux qui étaicnt
lctt.rés furent cmployés
¡,
e1·écr une administro–
tion municipalc provisoirc, en allcndnnt qu'on
ctil romené les Russcs
r.ux-mémes dans lcur ca–
pilalc.
Au-dcssous des murs du Krcmlin, Napoléon
avait sous les yeux un vostc hatiment qui, des
le jour de son cntréc
a
Moscou, avait attiré ses
rcgards : c'étoit l'hospice des cnfants trouvés.
Cct hospicc magnifique, placé sous
la
dircction
de l'impéralricc 111i:re, objcl de toutc la prédi–
lection de ectte princcssc, avait été évacut! en
grande parlic. Mais la difficulté des trausports
avait
élé
cause qu'on
y
avait laissé les cnfants en
has age, les plus difficiles ¡, déplaccr, et les
moins menacés, car nos soldats cusscnt-ils été
aussi féroccsqu'on se plaisait
a
Je dire, n'aurnicnt
pas cxercé lcur barbarie sur des enfants de
quatrc ou cinq ans. Quand nous entrames daus
i\loscou, ces
pau\'I'CS
cnfants, saisis d'épouvantc,
étaient en plcurs autour de lcm· rcspectablc
gouvc1·ncur, le général Toutclminc, vicillord en
chevcuxblancs. Napoléon, avcrti, lui cnvoya une
sauvcgarde qui vcilla sur ce noble étoblissemenl,
ovont et pcndanl )'incendie. Rcvcnu
t\
Moscou,
il s'y 1·cndit
n
piccl, car il n'ovait qu'n franchi1·
la porte du Kremlin pour se lronvrr dans
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