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LIVRE QUARANTE-QUATRIEME.
J'hospice, devenu, cornmc on va Je voir, l'objet
de son intérct et de son ingénieusc politique. l.e
gonvcrncur vint Je rcccvoir
a
la porte, cntouré
de ses pupilles, qui se précipitcrent au-devant de
Nnpoléon. baisant ses mains, saisissrmt les pans
1le son hnhit pour le rernercier de leur nrnir
sn11vé Ja vie. " Vos enfonts, dit Nnpoléon nu
vicux générnl Toutclmine, ne croicnt done plus
<Jlle mon nrmée
"ª
les dévorcr? Quels barbares
que les hommcs qui vous gouvcrnent
!
c¡ucl stu–
pide Érostrntc quevotregouverneur Roslopehin
!
Pourquoi lant de ruines? pourquoi des moyens
!'i
sau\
1
agcs, qui coútcront
ii
la Russic plus que
ne lui aurait cotité lagucrrc la plus malheureusc?
Un millinrd ne payernit pns!'incendiedeMoscou
!
Si, nu Jieu de se lil'rer i1 ces fureurs, on e[1t
l:pargné votrc capitale, je raurais ménagée
comrne Paris mCme; j'aurais écrit
a
''aire souvc–
rnin, j'nurnis traité avcc lui
a
des conditions
équitnblcs et modérécs, et ccttc gucrre terrible
serait bien pres de finir! Loin de la, on brulc, on
brúlcrn encare, etonaura, jevous l'nssurc, hcnu–
coup
it
Jmilcr, car je ne suis pns pres de quittcr
le sol de la Hussie, et Dieu sait ce que cetle
gucrrc coútcra encare
a
l'humanité
!
n
Le gé–
néral Toutelmine, qui détcstait l'nctcde Hostop–
chin, comme tous les habitnnls de Moscou, con–
vint de la vérité de ces observations, exprima le
regrct que les dispositions de Nnpoléon ne fus–
scnt pas micux appréciées, et sembla dire que
si on les connnissnit
a
Saint-Pétersbourg, les
choses pourraient prendre une marche diffé–
rcnte. Nnpoléon, se prétnnt
a
cctte ouverturc,
r1u'il avnit cu l'intentionde provoqucr, demanda
au générnl Toutclmine ce qu'il voulait pour ses
enfants, et cclui-ci nyant répondu qu'il sollicitait
sculement la pcrmission d'apprendre i1l'impéra–
lrice mere que ses pupillcs étnient sauvés, Na–
poléon !'invita
a
écrire, et lui promit de fnire
par\'enir sa lettre. "Dois-je ajouter, reprit legé–
néral Toutelmine, que les dispositions ele Votre
Majesté sont tellcs qu'cllevicnt de les expl"imer?
- Oui, répondit Nnpoléon; diles que si des
cnnr.mis, inléressés
U
nous
brouillcr,
ccssaicnL
rlc s'intcrposer entre l'empereur Alexnndre et
moi, Ja paix scrait bienlótconclue. "
La lcltrc du gouverneur des pupilles, écrite
sur-le-champ, ful cnvoyée 11 Snint-Pétcrsbourg
al'ant In fin de Injournéc. Apeu pres en méme
temps on avnit rencontré un pcrsonnnge qui pn–
rnissnit l¡onorablc, un llusse resté:\ Moscou, et
rlcmandnnt
o
se rendre sur les de1Tieres de
l'nrmrc, pour
y
mettre ordre
it
ses propriétés
incendiées. 11 élait moins aveuglé par In eolcrc
que ses cornpnlriotcs, etdéplorait l'ntroee fureur
de Ilostopchin, qui,
u
ne jugcr que par les cffcts
matériels, avait causé plus de mal nux Ilusscs
qu'nux Frrmgais, car ceux·ci, mCmc sous les
ruines fumantes de Moscou, trouvaicnt cncorc :'1
vivre, et les nutres erraicnt mournnls de fai111
dnns les hois. On Je fil venir, on l'admit i1l'hon–
ncur de voir Napoléon, de s'cntrctenir nvcc lui, .
et de s'nssurer directemcnt de ses dispositions
pncifir¡ucs.Napoléon, quin'entendnit plusdonner
1 In guerrc actuelle toutc In portee qu'il avait
songé
¡,
lui clonner dnns Je premicr moment, ré–
pétn ce qu'il nvait dit nu générnl Toutelmine,
qu'il al'ait voulu cnlreprendre une gucrrc poli–
liquc, et non une guerrc sociale et dévnslnlrice ;
qu'nyant pu en Lithuanie insurger les paysnns,
iJ
ne J'avait pas fnit ; que les incendies nllumés
sur son chemin il s'étnit cfforeé de les éteindre;
que le thé<itrc de cctte gucrrc nurait du clre en
Lithuanie, et non dnns Ja Moscovie elle-méme;
que 111, uneou dcux batnillcsauraicnt dli déeider
la question, et qu'un traité pcu onéreux nurniL
rélabli l'nlliance de la Hussie avcc InFrance, et
non point sa dépcndnnce , comrne on se plni–
snit 11
le dirc pour excitcr les esprits; qu'au Jicu
de cela on chcrchait
it
imprimcr
¡1
ccltc guerrc
un cnractcre atrocc, digne des negres deSaint–
Oomingue; que le comtede Hostopchin, envou–
lant joucr le Homain, n'étnit qu'un barbare, et
qu'il était tcmps, dnns J'intérct de l'humnnité et
de Ja Hussie, de mcttre un terme i1 tnnt d'hor–
rcurs.
J.e pcrsonnage russe dont il s'agit, M. de
Ja.
kowleff, ne contesta nucune des assertions de
Nnpoléon, car, sortant des ruines fumantes de
Moscou, nynnt vu les horribles souffrnnccs en–
durécs par les malheureux habitnnts de ccllc
cnpitale , il étáit indigné conlre la fureur de
Hostopchin, et pensail qu'une pareille guerre
del'ait ou ctre tcrminée Je plus tót possible,
º"
du moins Clre soutenue par d'autres moyens.
Ayant, commc le générnl Toutelminc, dita Na–
poléon
~u'il
devrait bien fnire connnilre
ses
dis–
posilions pacifiques
1t
l'empereur Alcxandre, et
quºil sernit sénnt au vainqueur d'etre le prcmier
o
parler de paix, Napoléon, qui ne demnndnit pas
mieux, offrit
¡,
son intcrlocutcur de se rcndrc
lui-méme 1 Snint-Pétcrsbourg, afin d'y po1·tcr
écrites les paroles qu'il vennit d'cnlendre. M. de
Jakowlcff s'crnprcssa d'y consentir,
et
partil
avec une letlrc pour Alexandrc, Jettrc
a
la fois
courloise el hnutninc, comme Napoléon n'avnit.